SUIVEZ-NOUS

Carrière

«Les employés peuvent ne pas être aussi productifs pendant la pandémie»

• Adapter le processus de gestion des performances aux fluctuations propres de l’environnement, réévaluer certaines méthodes de calcul des primes et de fixation des augmentations salariales…
• Pour celles qui envisagent les entretiens par visioconférence, ces derniers doivent être préparés aussi bien par le manager que par le collaborateur avec le même sérieux qu’un échange réalisé dans les bureaux au siège de l’entreprise.

Publié le


Mis à jour le

Omar Benaini Directeur général de LMS ORH

L’épidémie va assurément bouleverser ce début d’année en entreprise, et notamment la période des entretiens individuels. Les entretiens annuels riment aujourd’hui avec distance. Pour beaucoup d’entreprises, l’évaluation des performances peut s’avérer difficile à maintenir en l’état même si elles estiment qu’il est impératif de continuer à valoriser l’engagement et les performances des employés.
Pour Omar Benaini, directeur général de LMS ORH, la fonction RH doit être encore plus présente que d’habitude pour faciliter l’organisation des entretiens à distance, former les participants, et s’assurer de l’adhésion des salariés et de leurs managers.

• Les entreprises organisent-elles actuellement les entretiens de fin d’année ?
L’annulation ou bien le report des entretiens annuelles d’appréciation des performances est en effet une question que se posent tous les DRH et avec eux tous les DG et les membres du CODIR pour des raisons évidentes liées aux perturbations générées par la pandémie.
Il faut dire que même sans la Covid quelques voix s’élevaient pour fustiger le caractère non challengeant et inéquitable des résultats de la campagne d’évaluation annuelle. Selon eux, dans beaucoup de situations le saupoudrage nivelle au même seuil de notation la majorité des collaborateurs. D’autres dénoncent le côté scolaire et chronophage de l’évaluation et la perçoivent comme une corvée administrative, surtout quand l’effectif des appréciés est élevé.
Cependant, l’abandon des entretiens annuels d’appréciation peut générer des effets indésirables pour le collaborateur, pour son manager et pour l’entreprise :
• Le manque de feed-back du manager à son collaborateur est une source de démotivation et de frustration aussi bien pour les plus performants que pour le reste du personnel qui a besoin de repères pour comprendre pourquoi leurs performances sont jugées insuffisantes.
• L’annulation des entretiens annuels d’évaluations va priver les managers et les décideurs d’informations précieuses sur les réalisations et les améliorations obtenues et celles qui doivent être accélérées. Or, les dirigeants en auront besoin pour arbitrer les décisions d’investissements à faire et trancher sur l’affectation des budgets pour l’année 2021 et à leur tête le budget RH des augmentations salariales, des primes, des promotions, des recrutements et de la formation.
• La suspension des entretiens annuels d’appréciation entraîne une discontinuité de communication entre les collaborateurs et leurs managers, les poussant à éprouver une sensation d’isolement et de déséquilibre psychologique déjà exacerbé par les effets du confinement et de la peur d’être contaminé.
Au Maroc, les entreprises font l’effort de s’adapter à la réalité actuelle et se préparent pour affronter des temps incertains en choisissant donc de repenser leur processus d’évaluation antérieur. Certaines ont envisagé d’adapter le processus de gestion des performances aux fluctuations propres de leur environnement. D’autres ont saisi l’opportunité pour réévaluer certaines de leurs méthodes de calcul des primes et de fixation des augmentations salariales.
Dans ce contexte, l’évaluation des performances peut s’avérer difficile à maintenir en l’état. Cependant il est impératif de continuer à valoriser l’engagement et les performances des employés, et de leur donner des objectifs aussi clairs que possible, quitte à les revoir pour les adapter à la conjoncture sanitaire et économique actuelle.
Il faut également faire preuve de transparence quant aux diverses décisions prises.

• Quels types de difficultés peuvent-elles rencontrer en phase avec le contexte actuel de crise sanitaire ?
Confinement et crise ont forcément eu des conséquences (souvent négatives) sur les objectifs fixés au salarié lors du précédent entretien. Ils peuvent être une source d’angoisse pour le collaborateur et de malaise pour le manager.
L’année 2020 était pleine d’incertitudes, les collaborateurs et leurs managers n’avaient aucun précédent sur lequel s’appuyer pour anticiper et évaluer objectivement la situation.
Pendant la pandémie, les employés peuvent ne pas être aussi productifs en raison de circonstances provoquées par la crise. Ils peuvent peiner à trouver leur équilibre à distance, faire face à des changements de vie inattendus ou jongler avec de nouvelles responsabilités d’ordre familial et médical.
Il sera difficile à l’apprécié de démontrer à son appréciateur que, malgré cette période difficile, il a réussi à rebondir, et a pris de bonnes initiatives et réussi à instaurer une forme de continuité dans son travail.
Les salariés se sentent moins à l’aise pour demander une augmentation, une prime ou une promotion que les années précédentes.
Les managers de leur côté ont du mal à aller défendre la cause de leurs collaborateurs auprès de la direction générale et demander des augmentations, des primes ou des promotions.

• Que peuvent faire les responsables RH ou les managers dans ces cas ?
Dans un contexte de crise comme celui que nous traversons en ce moment le rôle de la fonction RH revêt encore plus d’importance.
Elle doit pousser les dirigeants à placer toujours l’humain au cœur des préoccupations de l’entreprise. Elle doit inciter le manager appréciateur à valoriser et communiquer davantage avec son collaborateur, être à l’écoute, se montrer disponible, et faire preuve de bienveillance.

• Comment adapter les entretiens de fin d’année avec cette crise sanitaire ?
L’entretien d’appréciation des performances par visioconférence doit être préparé aussi bien par le manager que par le collaborateur avec le même sérieux qu’un échange réalisé dans les bureaux au siège de l’entreprise
La rigueur et la qualité de l’entretien ne doivent pas être entachées par la distance ni par le côté informel et détendu de l’échange entre appréciateur et apprécié.
Il est impératif de prendre le temps de réfléchir sur ce que l’apprécié a pu réaliser et aussi sur ce qu’il n’a pas pu achever, puis analyser ensemble le bilan de cette période particulière. Les deux parties doivent avoir une appréciation objective sur la qualité du travail accompli.
Les temps de crises offrent de réelles possibilités d’apprentissage et de développement qui peuvent aider à maintenir l’efficacité de l’organisation. Ces opportunités de développement et de formation sont un facteur clé pour générer l’engagement des salariés.
Enfin, les évaluations annuelles même en période de pandémie et de marasme économique ont pour avantage d’aider les managers à distinguer entre les salariés qui atteignent leurs objectifs et ceux qui ont besoin d’accompagnement et de recadrage. Les out-puts qui en résultent permettent de valoriser les collaborateurs méritants, en favorisant leur développement professionnel et en stimulant leur motivation et leur engagement. L’engagement des collaborateurs permet à son tour une croissance de la profitabilité de l’entreprise et de sa productivité.

• Le télétravail a-t-il changé la donne en ce qui concerne les entretiens annuels ?
En quelques semaines, le travail à distance est devenu une réalité incontournable pour de nombreuses entreprises et administrations marocaines. Avec la crise qui a débuté au Maroc en mars 2020, il concerne désormais de nombreux salariés des secteurs public et privé.
Avec la décision du confinement, il s’est vite imposé comme un mode alternatif au présentiel en offrant notamment une nouvelle configuration du rapport au travail: Gestion de l’espace, de la mobilité, amélioration de la productivité, réduction du temps de trajet, amélioration de la qualité de vie…
Les notions de travail et de management, le fonctionnement des organisations ont directement été touchés par l’émergence subite de cette nouvelle pratique et cet engouement massif pour les technologies de l’information.
Gain de temps, économie d’espace et de transports, meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, le télétravail apporte des réponses à de réels besoins sociaux et individuels autant qu’il suscite de nouveaux questionnements.
Il remet en question certains dogmes comme par exemple celui qui relie mécaniquement la productivité à la présence physique sur site des salariés.
La généralisation du télétravail a entraîné un recours fréquent aux entretiens virtuels par visioconférence. La campagne des entretiens annuels qui débute dans ce contexte sanitaire, économique et organisationnel change la donne autant dans la forme (entretien physique ou virtuel) que dans le fond avec à la fois des appréhensions et des attentes des collaborateurs pour ce rendez-vous.

• Y a-t-il une flexibilité à mettre en place ?
L’entretien d’appréciation des performances par visioconférence est moins formel, plus souple et plus facile à programmer et à organiser. Mais l’absence de communication gestuelle et la réduction du champ visuel constituent un obstacle non négligeable à la compréhension mutuelle.
Il est donc nécessaire, lorsqu’on opte pour un entretien virtuel, de bien le préparer, de combiner son et image et ne pas le réduire par exemple à un échange téléphonique sur un écran avec des images figées ou des initiales des noms des concernés.
Le manager doit encourager le collaborateur à partager la synthèse de ses réalisations, à utiliser les supports digitaux pour illustrer et valoriser ses résultats.
Enfin, la fonction RH doit être encore plus présente que d’habitude pour faciliter l’organisation des entretiens à distance, former les participants, et s’assurer de l’adhésion des salariés et de leurs managers. Ce contexte inédit est une opportunité pour les professionnels des ressources humaines de se recentrer sur l’humain.

• Parfois, des points de fragilité apparaissent : tel collaborateur ou telle collaboratrice ne réussit pas à télétravailler efficacement, rencontre des difficultés d’organisation… Comment mieux évaluer à distance ?
Pour les salariés qui n’ont pas l’habitude d’utiliser ce type d’outils, une familiarisation s’impose en les faisant bénéficier de quelques séances de formation et de coaching .Des simulations d’entretien peuvent être organisées. Il faut également vérifier que la connexion Internet du collaborateur permet bien de supporter ce genre d’exercice. Enfin, il faut s’assurer qu’il dispose d’un espace de travail suffisamment confortable et à l’abri des nuisances et des indiscrétions. Cet espace doit être suffisamment calme, lumineux et confortable avec un arrière-plan neutre.
L’entretien virtuel peut constituer une opportunité aussi bien pour le manager que pour la fonction RH de redéfinir les attentes des employés en matière d’horaires de travail, de contenu et d’hiérarchisation des activités et des tâches.
Il faut également s’assurer que les employés disposent toujours d’un cadre professionnel dans lequel ils peuvent rester connectés à la vie de leur entreprise, échanger mutuellement des informations et continuer à apprendre et à se développer même en temps de crise.
Enfin, l’entretien virtuel peut être le moment de rappeler et promouvoir les valeurs de l’entreprise et fédérer les salariés autour des principes de solidarité, de partage, de bienveillance et d’intelligence collective.