Carrière
Le pouvoir disciplinaire de l’employeur
Deux types de fautes disciplinaires : la faute légère qui mérite uniquement une sanction et la faute grave qui conduit à la résiliation du contrat de travail. L’employé peut être licencié lorsque les sanctions disciplinaires sont épuisées dans l’année n Les sanctions pécuniaires sont interdites.
Qui dit pouvoir disciplinaire de l’employeur, dit bien entendu pouvoir qui lui permet de prendre toutes les mesures disciplinaires (avertissement, blâme, mise à pied, transfert), autres que les observations verbales, à l’encontre d’un salarié ayant commis une faute.
En pratique, il faut distinguer entre deux types de fautes : la faute légère et la faute grave.
Le premier type (retards occasionnels, retards répétés, absences non justifiées…) ne doit pas conduire à licencier le salarié concerné ou à perturber le fonctionnement de l’entreprise.
Le second type de fautes (vol, abus de confiance, ivresse publique, agression corporelle, insulte grave…) rend impossible le maintien de la relation contractuelle avec le salarié. Dans ce cas, l’employeur peut résilier le contrat de travail sans préavis ni indemnités.
Les sanctions doivent être appliquées graduellement
Pour apprécier la gravité de la faute commise par le salarié, il faut prendre en considération plusieurs éléments telle que son ancienneté, le niveau de sa responsabilité, le degré de sa négligence, son intention de nuire à l’entreprise ou pas, l’existence ou non d’un préjudice pour la société, etc.
L’article 37 du code du travail prévoit des sanctions disciplinaires par ordre de gravité : l’avertissement, le blâme, la mise à pied qui ne doit pas dépasser huit jours (le salaire de cette période est perdu), le transfert à un autre service ou à un autre établissement. Attention, le lieu de résidence du salarié et sa situation familiale doivent être pris en compte.
L’employeur doit respecter l’application des sanctions disciplinaire d’une façon graduelle. Lorsque les sanctions disciplinaires sont épuisées dans l’année, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié en respectant les dispositions de l’article 62 du code du travail.
Il faut souligner par ailleurs que la mise à pied indiquée par l’article 37 du code du travail comme une sanction disciplinaire n’a pas les mêmes effets juridiques que celle de la mise à pied conservatoire -pratiquée en France et pas au Maroc- comme mesure provisoire prise par l’employeur en attendant une sanction.
Cependant, l’employeur n’est pas totalement libre dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire. Les limites de son pouvoir se manifestent dans trois cas.
Premièrement, le salarié ne doit pas être sanctionné deux fois pour le même motif en respectant la règle de non bis in idem (interdit de sanctionner un individu à deux reprises pour la même faute). En revanche, si le salarié persiste dans son comportement en commettant les mêmes fautes, l’employeur peut se prévaloir des faits similaires, y compris ceux déjà sanctionnées, pour prendre une sanction supplémentaire et caractériser une faute grave.
Deuxièmement, l’employeur ne doit pas sanctionner le salarié pour des motifs discriminatoires -prévus dans l’article 36 du code du travail marocain- en raison notamment de son activité syndicale, de son statut de délégué du personnel, de ses origines, de son état de santé ou de sa situation familiale. En effet, toute mesure disciplinaire consistant en un changement de service ou tâche, toute mise à pied ainsi que tout licenciement d’un délégué du personnel titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndicale, envisagé par l’employeur, doit faire l’objet d’une décision approuvée par l’inspecteur du travail (articles 457,458, 472 du code du travail). Le médecin du travail bénéficie des mêmes protections que les représentants syndicaux et les délégués du personnel.
Troisièmement, l’employeur est interdit d’envisager des retenues directes sur le salaire de l’employé en raison d’un manquement, car les sanctions pécuniaires sont interdites, comme par exemple le remboursement de la valeur d’un objet volé ou la suppression d’une prime en raison d’un manquement fautif.
Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l’employeur peut mettre en place deux procédures lors de l’application des sanctions prévues par l’article 37 du code du travail.
La première procédure fait l’objet d’un écrit adressé au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception ou en main propre contre décharge. Cette procédure est applicable particulièrement en cas d’avertissement ou de blâme.
La deuxième procédure se rapporte à l’article 62 du code du travail qui précise que l’employeur doit convoquer le salarié en lui indiquant l’objet de la convocation (entretien préalable). Au cours de l’entretien, le salarié peut se faire assister par un délégué du personnel ou un représentant syndical dans l’entreprise, ou, à défaut, d’une personne de son choix, dans un délai ne dépassant pas huit jours à compter de la date de constatation de l’acte qui lui est imputé.
L’administration de l’entreprise doit dresser un procès verbal signé par toutes les personnes qui ont assisté à l’audience d’écoute, dont copie est délivrée au salarié. Si ce dernier refuse de signer le PV d’écoute, l’employeur ou son représentant doit y mentionner son refus de signature. Ce dernier doit notifier la sanction au salarié (rappeler la date de l’entretien, les fautes reprochées, et la sanction prononcée) par lettre recommandée avec accusé de réception ou en main propre contre décharge. Cette procédure est nécessaire spécifiquement en cas de mise à pied, de transfert ainsi que de licenciement.
La sanction doit être proportionnelle à la faute commise
Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, le juge, s’il est saisi, doit contrôler dans un premier temps la forme, dans le sens où il doit vérifier si la procédure envisagée est régulièrement respectée ou pas. Ensuite, il doit contrôler le fondement de la décision prise par l’employeur pour vérifier si la sanction est justifiée et proportionnelle à la faute commise. Si les conditions de fond et de forme ne sont pas remplies, le juge peut annuler la sanction et même accorder des dommages et intérêts au salarié.
Pour conclure, le pouvoir disciplinaire de l’employeur doit se baser sur des éléments objectifs et la sanction doit être proportionnelle par rapport à la faute commise par le salarié. Par exemple, la Cour d’appel d’Agadir a décidé d’annuler un jugement du tribunal de première instance qui avait prononcé la validité d’une sanction (blâme) à l’encontre d’un salarié et a décidé que celle-ci était illégitime (arrêt numéro 1887 au 28/9/87, dossier n° 8720).