Carrière
La marque employeur, un luxe ?
La marque employeur regroupe trois notions distinctes que sont l’identité (ADN de l’entreprise), l’image employeur (vue de l’intérieur) et la réputation (perception du public). Délai de recrutement, environnement de travail, culture de l’entreprise, type de management…, tout peut contribuer à la construction de la marque.
Si l’expression «marque employeur» est de plus en plus usitée au Maroc, c’est qu’elle incarne l’expression d’une entreprise qui se structure à tous les niveaux.
Il me paraît primordial d’en (ré)expliquer les contours et le meilleur parallèle que je trouve est la marque commerciale. La marque commerciale est ce qui différencie un produit/service d’un autre, alors la marque employeur met en avant les différences d’un employeur par rapport à un autre. Dans l’absolu, la réponse aux questions «avez-vous envie de vous acheter une Rolex ?» ou «rêvez-vous de travailler chez Rolex ?» sous-entend des notions totalement différentes d’attractivité du produit et de l’entreprise. Cette marque employeur se distingue donc bien de la marque en elle-même, même si elles se mêlent parfois, notamment en cas de très forte marque commerciale, on peut être tenté d’être embauché dans une entreprise dont les produits ont pignon sur rue.
La marque employeur regroupe trois notions distinctes, que sont l’identité (ADN de l’entreprise), l’image employeur (vue de l’intérieur) et la réputation (perception du public). Elle se construit donc subtilement par le vécu réel des équipes en interne, qui doit coïncider avec la culture RH que l’entreprise souhaite mettre en place, sans pour autant contredire l’image véhiculée auprès des publics externes.
La nature ayant horreur du vide, il est primordial de construire votre marque employeur avec une vraie vision, plutôt que de laisser les esprits imaginer ce que peut signifier travailler chez vous. D’autant plus qu’une marque comporte nécessairement un caractère subjectif prononcé, il s’agit avant tout d’une perception, d’une émotion, d’une sensation, le risque étant l’irrationalité. Nous confondons alors la réalité avec une simple rumeur, une histoire vécue par une seule de nos connaissances, ou au mieux, une actualité économique liée à l’entreprise : difficultés passagères, produit dont la qualité est à revoir…
La marque commerciale crée un véritable univers autour du produit : reconnaissance sociale, haut de gamme ou grand public, utilitaire, fiable, etc. Une vraie relation, un lien fort se nouent entre les consommateurs et leurs achats, à travers ce que la marque suscite chez eux. La marque est évocatrice, elle possède des codes propres à elle qui créent un lien, parfois indéfectible.
La marque employeur est ce qui permet à un individu de répondre à ses interrogations sur l’entreprise en tant qu’employeur : Délai de recrutement ? Environnement de travail ? Culture de l’entreprise ? Type de management ? Mais surtout de se demander si cet employeur colle à son ADN à lui. Tout peut alors contribuer à la construction de cette marque : les locaux, les espaces de travail, le type de collaborateurs, les conditions, les avantages, les perspectives de carrière, etc. La marque employeur relève en effet de l’appropriation collective, elle se crée et se développe dans les esprits, elle est l’ensemble des représentations que l’on se fait à l’évocation de son nom. Elle est l’histoire qu’on raconte. Chaque partenaire peut contribuer à cette perception : un fournisseur, un client, un candidat….
Elle doit être placée au-dessus même de l’entreprise et des hommes qui la constituent et doit être considérée comme plus puissante, plus grande, meilleure…
On doit communiquer beaucoup sur la vie dans l’entreprise, l’ambiance, les projets, le dynamisme, les perspectives…
De la même façon qu’il est nécessaire de retracer tous les points de contact entre mon produit/service et mes clients/prospects afin de définir la stratégie à mener, la marque employeur se travaille à tous les niveaux de contact avec les candidats/collaborateurs. Ainsi, la marque commerciale est influencée par l’expérience utilisateur quand la marque employeur l’est par l’expérience candidat : forums et relations écoles, site carrières, campagnes de recrutement, entretiens d’embauche, onboarding des nouvelles recrues, tout contact compte. Mais le travail ne s’arrête pas là, car de même qu’il faut développer l’attachement à la marque, il faut créer la fidélité des collaborateurs. Dans ce but, vont devoir être mises en place des actions pour fédérer les équipes, développer la culture d’entreprise, l’esprit d’appartenance. De même que des clients fidèles seront les meilleurs promoteurs de votre produit dont ils deviendront «fans», les collaborateurs conquis incarnent les meilleurs ambassadeurs de votre entreprise en tant que «Place to work».
Dans l’époque actuelle, férue de partage, d’échange, de transparence, il est habituel de se renseigner avant un achat, de collecter des avis, de chercher des recommandations. Ce principe vaut aussi dans le domaine des RH : qui de plus crédible en effet qu’un collaborateur en place, pour «vendre» l’employeur de rêve que vous êtes. Il devient indispensable de communiquer en interne, comme en externe, sur la vie en entreprise, l’ambiance, les projets, le dynamisme, les perspectives…. Bref, tout ce qui pourra attirer les jeunes à la recherche de challenges dans un contexte agréable et motivant. Ainsi, la marque employeur crée et resserre le lien social par les effets de mimétisme qu’elle provoque sur la population, elle va laisser une empreinte, et générera l’engagement, tout comme la réserve, voire la critique et le désaveu.
Finalement, la marque employeur contribue à l’amélioration de l’écosystème des entreprises : s’il faut séduire pour attirer, se différencier pour fidéliser, cela va dans le bon sens. L’entreprise est devenue un produit comme un autre, elle doit chercher à se vendre autant qu’à vendre, pour croître. La guerre des talents que connaît le marché marocain, la concurrence accrue entre les employeurs, un public plus averti, et qui a le choix, mènent indubitablement à la maturité des marchés, et c’est tant mieux.