Carrière
«La crise en elle-même peut servir de révélateur de nouvelles capacités»
• Faire preuve de résilience, c’est d’abord un état d’esprit ouvert à ce que toute crise recèle en elle des occasions d’apprentissage, voire de progrès.
La crise que nous vivons actuellement met à rude épreuve les êtres humains mais aussi les organisations. D’où la notion de résilience qui est sur toutes les lèvres depuis un bout de temps. Comment l’assimiler ? Comment peut-elle être un moteur de performance ? Et surtout comment la rendre contagieuse ? Eléments de réponse avec Mouhcine Ayouche, fondateur de BMH Coach.
• La crise a-t-elle poussé les organisations vers plus de résilience ?
Toute crise signifie rupture. Rupture avec des situations anciennes plus ou moins maîtrisées. Rupture dans des zones de confort ou tout simplement d’habitudes bien établies et rassurantes. Cela donne lieu à des phénomènes de perte de repères, perte de sens, voire perte de boussole. Est-ce que c’est la crise qui pousse vers la résilience? Pas forcément et de toute façon pas automatiquement. Une crise peut «pousser» des organisations (entreprises ou autres) à disparaître par exemple. La résilience, quant à elle, consiste en un parcours à vivre. Et d’abord un parcours/processus de deuil à effectuer. Deuil de la situation passée et perdue, deuil du confort «vécu» dans ce qui a été perdu…Jusqu’à l’acceptation de la situation nouvelle «post-crise». Pour que la résilience se fasse, pour que la force du ressort reprenant sa forme initiale et mobilisant les énergies advienne, il y a donc tout un parcours et tout un travail à mener.
• Cette capacité de résilience diffère-t-elle d’un être à l’autre, d’une organisation à l’autre ?
En effet, comme tout processus, celui du deuil et de la résilience a sa propre dynamique qui est facteur de plusieurs variantes. Ce que l’on appelle la capacité de résilience peut s’apparenter à l’aptitude à accepter, accompagner ou même initier le changement en temps de crise ou en période post-crise.
• Pourquoi constitue-t-elle un moteur pour certains profils de managers et d’entrepreneurs ?
On dira qu’un tel profil est résilient en fonction de sa capacité d’adaptation, d’intégration du changement, sa créativité et son orientation vers l’avenir. Ce mindset, ces traits de caractères et de comportements peuvent, en effet, jouer un rôle de moteur pour certains managers et entrepreneurs et manquer à d’autres. Il n’y a là, cependant, aucun fatalisme ni déterminisme. La crise en elle-même peut servir de révélateur de nouvelles capacités et potentiel chez celles et ceux qui la vivent.
• Comment peut-on la développer en entreprise ?
Il y a d’abord à citer les outils et dispositifs managériaux classiques développés par les entreprises depuis fort longtemps tels les PCA (Plans de continuation de l’activités, à la déclaration d’une crise) ou les PRA (Plans de reprise de l’activité, à la sortie de crise). Cependant, il y a plusieurs approches pour développer cette résilience au sein des entreprises et des organisations. En mandarin, le mot crise est transcrit à l’aide de deux idéogrammes dont l’un est danger et l’autre opportunité. Un tel état d’esprit aide énormément et doit être renforcé par des actions de mise en place d’espaces sécurisés de libération de la parole et de l’accueil des émotions autour du vécu du traumatisme de la crise. Se permettre l’expérimentation de nouvelles manières d’appréhender le réel, d’interagir avec lui et de le gérer, se reconnaître le droit à l’erreur, oser réfléchir «out of the box», aller vers l’inconnu et accepter d’éventuelles déconvenues…, seront autant de leviers puissants pour développer cette capacité de rebondir et repartir d’un nouveau et ferme pied que l’on nomme résilience.
• Le coaching ou la formation peut-il aider en cela ?
Oser demander, oser aller vers les autres est une attitude hautement recommandée face aux crises et sur les chemins du deuil. Il en est de même pour tout parcours de résilience. Alors oui, le coaching en ce qu’il est un dispositif professionnel et personnel d’accompagnement de la réflexion et stimulation de l’action des personnes et des organisations peut aider. Idem pour la formation en tant qu’apport de connaissances et de savoir. Cependant, gardons-nous d’en faire une panacée universelle. Le recours au coaching, à la formation ou à toute autre expertise doit se faire en bonne connaissance de cause et en fonction de besoins spécifique.
D’autres approches tels le benchmark, le conseil…, peuvent être aussi valables. Là encore les individus et les entreprises doivent faire preuve de créativité et d’éviter le «prêt-à-porter» au profit du «sur mesures».