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Carrière

La chance sourit… à  ceux qui savent la saisir

La chance peut-elle booster une carrière ou est-ce une seule affaire de mérite ? Les avis sont partagés.
Les spécialistes en management minimisent la part de la chance. Les
salariés, eux, parlent volontiers de «piston», de «promotion
canapé»,…
Rester à  l’écoute du marché, être attentif
aux opportunités, être optimiste et se rendre attractif… Les véritables
clés pour provoquer la chance.

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La chance est-elle un facteur important dans la carrière ? Non, répondent en chÅ“ur les consultants, coaches et autres spécialistes en ressources humaines et management. «La chance se provoque. L’entreprise est majoritairement gérée sur des critères rationnels… et une forme de transparence s’installe par la force des choses», indique Ahmed Al Motamassik, sociologue et consultant en entreprises. Piston, promotion canapé, opportunisme ? Oualou ! Selon nos spécialistes, donc, l’état d’esprit est fondamental dans la carrière de chacun, rester optimiste et ouvert permet de dépasser les obstacles et de se créer de nouvelles opportunités…

L’environnement socio-culturel est souvent évoqué à  tort
En somme, le dynamisme est un moteur et «on va vers la chance plus que la chance ne vient vers nous», poursuit le sociologue. Certes, ce n’est pas en s’apitoyant sur son sort que l’on va de l’avant, et, pour progresser, il faut rester attentif et mobile, dans la mesure du possible. Le succès appelle le succès, on n’a rien sans rien, et on ne récolte que ce que l’on sème… D’accord.

Au premier abord, pourtant on a du mal à  y croire : les opportunités de carrière, même si aujourd’hui les recruteurs ne jurent plus que par le fameux «savoir-être», découlent dans une mesure non négligeable du niveau de formation… Et c’est un euphémisme de dire que les chances d’accès à  l’enseignement, supérieur et même fondamental, ne sont pas les mêmes partout, au sein d’une ville, d’une région, d’un pays ou d’un continent. «Je remercie tous les jours Dieu et ma famille de m’avoir donné un enseignement convenable et un métier avantageux», témoigne ce cadre… «Tout le monde n’a pas cette chance».

Pour trouver un bon job, et pour faire court, il vaut donc mieux être en bonne santé, bardé de diplômes de grandes écoles étrangères que sorti d’une fac locale et équipé d’un passeport qui ne va nulle part. Il y a encore les facilités familiales, amicales ou découlant de l’environnement socioculturel de la personne. Il est bien sûr plus facile d’accéder à  la gestion ou à  la direction d’un commerce, d’une agence de pub ou d’une société de négoce si celle-ci vous est transmise par vos parents. Et pourquoi les femmes gagnent-elles toujours, à  poste équivalent, bien moins d’argent que leurs homologues masculins ? Sans doute n’ont-elles pas de chance…

Mais la chance n’est-elle pas finalement une échappatoire, une façon de se voiler la face? Dans la société marocaine, ce facteur est très souvent trop mis à  l’évidence. «Les gens insatisfaits, ou, au contraire, ceux qui ont eu une promotion rapide qu’ils n’attendaient pas, vont peut-être se diriger vers une justification irrationnelle», poursuit Ahmed Al Motamassik… «Cela intervient donc plutôt après-coup, selon moi, après un événement favorable ou défavorable, la personne va amortir en puisant dans les codes culturels traditionnels pour se trouver un soutien psychologique».

User de son réseau pour progresser est légitime
Et «comment celui-là  s’est-il retrouvé à  ce poste, on ne l’a jamais vu nulle part ?» ; «de toute façon c’est toujours pareil, il n’y a que le piston qui marche»; «elle, elle a dû user de ses charmes» ; «lui, c’est le fils de machin, c’est pour ça»… C’est plutôt cela qu’on entend, du côté de la machine à  café, juste après la lecture quotidienne de l’horoscope et la conversation sur le dernier rendez-vous chez la voyante de Souk Jemaâ. Indignation légitime ? Racontars de jaloux ? Un peu des deux sans doute…

User de son charme pour arriver à  ses fins, obtenir une lettre de recommandation déterminante pour l’accession à  un poste, c’est en quelque sorte s’adapter et créer des solutions pour arriver à  faire décoller sa carrière, et tout cela fait partie de la grande bourse aux jobs et à  la promotion, qu’on le veuille ou non.Et tous les coups semblent permis dans un monde du travail de plus en plus fermé et sélectif, impitoyable parfois. Alors, peut-être faut-il parfois savoir dépasser certains préjugés ? La fin justifie les moyens… mais jusqu’à  un certain point. Détail important quand même: un pantalon à  pince et une chemise nette attirent plus la chance qu’un bermuda trop large et un tee-shirt troué. C’est scientifiquement prouvé. Quant aux gri-gri dans les tiroirs du bureau… une étude est en cours !

90 % de sérieux et 10 % de chance
«Moi, j’ai rencontré mon nouveau boss dans un train, un vrai hasard», nous raconte cette jeune assistante bilingue. «On a discuté, il cherchait quelqu’un… à‡a a collé tout de suite. Résultat, mon job est plus intéressant, je suis mieux payée et mieux considérée». Le plus étonnant est que les anecdotes comme celle-ci ne manquent pas. L’un a entendu parler d’une nouvelle société dans un restaurant, a postulé et été embauché, l’autre a trouvé un job après avoir posté une annonce sur Internet…

«Pour mon dernier job, je ne pensais pas être suffisamment qualifié, c’était un secteur complètement différent de ce que je faisais auparavant, j’ai tout de même laissé mon CV comme ça, pour voir», se souvient cet ingénieur… «Mais ils cherchaient un profil original, et j’ai fait l’affaire !». Ils ne sont pas très nombreux dans ce cas, mais la chance est intervenue pour eux comme un déclencheur. Ces personnes ont bien sûr été recrutées d’après leur expérience et leurs références, mais le petit coup de pouce du destin a été déterminant pour eux. Comme quoi, il faut y croire… Et garder l’Å“il ouvert.

«La carrière, c’est 90 % de sérieux et 10 % de chance», déclarait voici quelques mois Saà¯d Bellal, le directeur du cabinet de ressources humaines Diorh, à  La Vie éco. Ces 10 %, ce sont, entre autres, le savoir-être et l’optimisme, qui peuvent représenter des leviers pour accéder à  des responsabilités supérieures. «Prenez ces personnes qu’on voit comme des éternels optimistes : on a l’impression que la chance est toujours de leur côté, mais c’est aussi parce qu’ils ne se laissent pas décourager», témoigne Zineb Laghzaoui, directrice du cabinet de coaching IS Force. Cette spécialiste du coaching en top management, formée aux Etats-Unis, voit aussi la chance comme un travail sur soi : «Savoir rester attractif, être magnétique en quelque sorte», ouvrira sans doute de nouvelles opportunités. Comment saisir sa chance ? C’est Ahmed Al Motamassik qui répond : «Etre à  l’écoute de l’entreprise, avoir un projet professionnel personnel, forger ses compétences, multiplier les expériences, avoir le sens de l’initiative… C’est comme ça qu’on va vers la chance».

Les critères rationnels sont toujours mis en avant par les cabinets de recrutement
C’est sans doute comme ça qu’un Américain, Karl Stanzick, ancien membre du Corps de la Paix au Bénin, et ingénieur en télécommunications, s’est retrouvé à  la tête de l’un des premiers fournisseurs d’accès Internet au Maroc, en l’occurrence la société MTDS, après avoir misé sur un secteur tout nouveau, et dans un pays qu’il connaissait très peu. Sa société s’est diversifiée, acquérant une expertise dans l’automatisation de la facturation, les antivirus, la sécurité ou les problèmes de routage… «Quelque part la chance a été déterminante pour moi», témoigne-t-il. Et «se retrouver comme l’un des premiers sur un marché à  fort potentiel recèle une part de chance». C’est aussi le flair du businessman, sans doute, qui a su écouter son instinct et saisir sa chance.

Du côté des managers, si le rationalisme est de mise et la parole bien souvent donnée aux chiffres, il faut aussi savoir s’en remettre à  sa baraka… C’est en tout cas ce que pense ce DRH. «Quand vous avez reçu dix candidats aux parcours et aux expériences quasi similaires, à  peu près du même âge et ayant les mêmes prétentions… Que voulez-vous que je vous dise : j’écoute mon instinct, et je prie pour avoir fait le bon choix. Bien sûr, dès les premières minutes on voit bien que certains ne feront pas l’affaire, pas assez à  l’aise… Mais il y a tellement de monde sur le marché du travail que je me retrouve souvent avec une bonne poignée de profils intéressants pour un seul poste… Dans ce cas-là , je cherche la mobilité, la malléabilité… Et mon feeling fait le reste». Un avis que ne partage pas Anouar Ahbabou, fondateur de la société Connect Recrutement : «Vraiment, j’estime que très très rarement la chance joue un rôle, je cherche les clients puis tente de répondre à  leurs besoins. Il s’agit en général de profils bien particuliers, que je sélectionne finalement après plusieurs entretiens… Rien n’est fait par hasard, tout est calculé».