Carrière
Intérim : Entretien avec Patrick Cohen, DG de Crit Maroc En 2012
« L’intérim touche de nouveaux métiers même si cela reste marginal ».

Même si le marché du recrutement reste morose, l’intérim tire son épingle du jeu. Et pour cause, l’activité est une bonne alternative pour nombre d’entreprises en proie à de fortes fluctuations d’activité. Explications avec Patrick Cohen, DG de Crit Maroc.
Quelle analyse faites-vous du marché de l’intérim ?
L’activité de l’intérim s’est toujours bien portée même si le marché reste assez fluctuant. En 2012, nous avons eu une croissance à deux chiffres, une tendance qui devrait se poursuivre cette année.
Une chose est sûre, c’est qu’en période de récession, les entreprises recourent justement à l’intérim pour ne pas trop se pénaliser en coûts.
Le fait marquant est que l’activité n’est plus l’apanage des grandes entreprises mais aussi d’une bonne proportion de PME qui commencent à recourir de plus en plus à cette flexibilité.
Cela fait près de dix ans que Crit existe et nous constatons que le marché évolue. Les jeunes viennent spontanément nous voir pour s’informer sur les opportunités d’emploi. Les titulaires d’un diplôme acceptent de plus en plus des missions, ne serait-ce que pour multiplier les expériences.
Il faut ajouter aussi que les cabinets organisés jouent un rôle important dans cette évolution. Ils garantissent un contrat de travail dans une entreprise sérieuse avec un bon salaire et une couverture sociale. Parfois, certains intérimaires bénéficient des mêmes avantages que les titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI).
Seul bémol, le marché reste très concurrentiel à plusieurs niveaux.
Bien évidemment, l’activité reste discréditée par les opérateurs informels. Le manque d’éthique sévit encore chez les prestataires qui profitent de leurs employés, sans oublier qu’elles ne s’acquittent pas de leurs charges sociales auprès de l’Etat. Il existe de tout dans ce domaine où les prestataires font du respect de la législation à la carte, selon les entreprises, et vont jusqu’à l’infraction totale des dispositions légales.
Malheureusement, j’ai souvent tendance à dire que beaucoup de sociétés malhonnêtes sont en train de tirer la profession vers le bas. Il nous arrive de se retirer d’appels d’offres importants pour la simple raison que beaucoup d’entreprises cassent les prix. Une société digne ne peut garantir une prestation de qualité pour un coût minime.
Sinon, que recherchent les entreprises comme profils ?
Pour la plupart du temps, il s’agit de profils tertiaires (ouvriers, comptables, assistantes, agents administratifs…). Il faut ainsi dire que la nouvelle génération de jeunes n’a pas de souci à recourir à l’intérim.
Touche-t-il de nouveaux métiers jusque-là épargnés ?
Tout à fait, je pense notamment aux métiers de l’automobile, aux métiers des nouvelles technologies…Il faut dire que les besoins des entreprises ont beaucoup évolué et même le niveau des intérimaires s’est beaucoup apprécié en termes de compétences. Aujourd’hui, les entreprises du secteur de l’agroalimentaire recherchent souvent des profils qui maîtrisent tout l’aspect sanitaire.
Il faut dire aussi que l’intérim présente l’avantage aux candidats de multiplier les expériences et, de ce fait, ils gagnent en compétences. Certains sont carrément montés en grade en occupant des postes importants par la suite.
Par ailleurs, certaines entreprises utilisent l’intérim de plus en plus comme une filière supplémentaire pour leurs recrutements. Cette solution est plus particulièrement prisée par les PME qui n’ont pas toujours un service RH suffisamment développé pour satisfaire tous leurs besoins en recrutement. Dans plusieurs cas, la mission en intérim débouche sur un CDI. Certaines entreprises envisagent la mission en intérim comme une période d’essai.
J’ajouterais par ailleurs que la formation reste justement un volet important que peu d’entreprises d’intérim s’en soucient. Chez nous, par exemple, on assure plusieurs journées de formation par mois. En tant qu’employeurs, nous sommes très attentifs à ces aspects.
Toujours est-il que l’intérim cadre n’arrive pas encore à décoller ?
En France, l’intérim cadre touche particulièrement les jeunes diplômés qui n’arrivent pas à s’insérer dans le monde du travail ou les seniors touchés par les restructurations.
Au Maroc, la difficulté réside dans le fait de trouver des profils disponibles et qui acceptent des missions d’intérim. Les freins sont souvent psychologiques. Ces derniers n’ont qu’une seule chose en tête : trouver un emploi stable. C’est pourquoi, en tant qu’agence d’intérim, nous devons les rassurer en leur proposant notamment de nouvelles missions. Il faut leur donner confiance et surtout leur montrer les bénéfices d’une telle alternative.
C’est frustrant d’avoir de bonnes missions et pas de profils. J’ai dû convaincre un bon nombre de candidats de le faire.
Actuellement, parmi les secteurs les plus demandeurs, il y a l’offshoring, les banques et les sociétés d’informatique. On y trouve notamment des bac+2 et plus.
