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Carrière

Hôtellerie : Entretien avec Ghizlaine Lahrabli, Conseillère auprès de Education Laureate Hospitality

«Le déficit de compétences se situe dans le middle management»

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Ghizlaine Lahrabli 2014 03 25

Ghizlaine Lahrabli est représentante et conseillère du plus grand réseau mondial d’établissements spécialisés en gestion hôtelière. Elle nous fait part des maux qui touchent le domaine de la formation hôtelière.

Vous êtes conseillère en éducation auprès d’un réseau international d’universités privées dans le domaine de l’hôtellerie, quels profils forme-t-on dans ces écoles ?

Education Laureate Hospitality est un réseau international qui regroupe plus d’une soixantaine d’écoles spécialisées en gestion hôtelière. Par exemple, les Roches International School et Glion Institut, ces deux institutions suisses qui font partie du top 3 des écoles de gestion hôtelière dans le monde. La plupart des institutions du réseau offrent un vaste choix de programmes allant d’un an à 3 ans et demi d’études en français ou en anglais. La formation comprend bien entendu des stages professionnels permettant de mettre en pratique les connaissances acquises afin de préparer les étudiants à une progression rapide vers des postes de responsabilité. Elle est polyvalente et n’est pas uniquement réservée au secteur de l’hôtellerie. Nous formons des cadres dans l’excellence dans les services qui peuvent travailler notamment dans les banques, l’industrie, le e-commerce ou autres. Il faut savoir qu’entre 20 et 30 candidats marocains intègrent ces écoles chaque année. Je conseille souvent les jeunes d’acquérir une expérience à l’international avant de revenir au pays.

Les candidats marocains sont-ils attirés par les métiers de l’hôtellerie ?

A vrai dire, on constate une incompréhension de leur part de l’activité et des métiers de l’hôtellerie-restauration. Quelque part, les faibles salaires offerts sur la place, le manque de visibilité sur l’évolution de carrière, le travail dans des horaires «anormaux», mais surtout le manque de passion chez beaucoup de jeunes font qu’ils se tournent vers d’autres secteurs. Pour réussir dans ces métiers, il faut de l’humilité, qui passe par l’écoute du client, l’attention, l’innovation, l’investissement permanent, et la formation.

Justement, comment analysez-vous le dispositif de formation au Maroc ?

Dans de nombreuses unités hôtelières de la place, pour ne pas dire la grande majorité, le problème est latent. Comme nous le savons tous, les capacités d’accueil des écoles sont loin de pouvoir satisfaire les besoins du marché. Ceci dit, je préfère insister sur la qualité des formations. Il ne suffit pas de sortir d’une bonne école, d’avoir quelques connaissances techniques, pour être performant ; il y a beaucoup d’autres facteurs qui entrent en compte dans l’appréciation d’un service, tout particulièrement le comportemental, un aspect essentiel surtout pour les personnes appelées à avoir des contacts directs avec la clientèle. Je pense que le déficit de compétences se situe avant tout dans le middle management. C’est pourquoi la plupart des enseignes font appel à des cadres étrangers.

Que faut-il pour changer la donne ?

Il faut revoir la sélection des candidats à la base : insister sur les compétences, la maîtrise des langues (indispensable dans ce secteur), l’éducation et surtout sur les motivations. L’aspect technique s’apprend dans les écoles, mais l’attitude et le comportement sont déjà ancrés. Ils seront certes sensibilisés sur ces points, mais il est difficile de changer en peu de temps le comportement. Or, l’hôtellerie est avant tout un métier de service.
Il est également important d’accompagner les formateurs au niveau pédagogique et sur le terrain. La demande des clients a beaucoup évolué et les attentes sont différentes et multiples. Le produit proposé devient également diversifié et multiple. Le métier en lui-même a évolué.
Le sourire a lui seul ne suffit plus, l’équipe doit se montrer efficace, réactive et doit anticiper les besoins des clients. Il faut mettre en place des systèmes qui puissent développer la capacité pédagogique des formateurs en proposant un processus de mise à jour de leur savoir et compétences. Il faut aussi pouvoir valoriser ce métier en termes d’image et de salaire et enfin revoir le système de remboursement des formations qui constituent un frein pour beaucoup d’établissements.
Pour leur part, les entreprises doivent s’outiller en procédures RH. Comme vous avez pu le constater, quand une structure ne dispose pas de simples procédures de descriptif de poste, de tableaux de bord et de système d’évaluation, il est inimaginable de penser à mettre en place un plan de formation, un système de recrutement ou de gestion de carrière par la suite.

Pensez-vous que les entreprises se soucient réellement de la formation ?

C’est souvent le premier budget qui saute dans une conjoncture difficile. Alors que c’est un processus continu sur lequel les entreprises ne doivent pas se désengager. Pour le moment, seuls les groupes structurés continuent d’investir dans ce volet.