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Carrière

Gérer les frustrés au travail : mode d’emploi

En dehors du salaire, le manque de respect, l’absence de reconnaissance
et la mauvaise ambiance sont
les principaux facteurs de la frustration.
Un frustré se transforme en centre de coût pour l’entreprise.
Ecoute, communication
et recherche constante de l’équité sont nécessaires pour endiguer le mal.

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Chaque fois, c’est la même chose, soupire Amal, responsable RH dans une SSII. En cette période d’évaluation annuelle, elle voit défiler bon nombre de frustrés. «Entre les incompris, ceux qui sont insuffisamment reconnus dans leur travail et ceux qui ont les yeux rivés sur leur nombril, j’ai le tournis», souligne-t-elle.

Par définition, la frustration naà®t d’une attente non satisfaite et le degré de déception est à  la hauteur des aspirations déçues. Le salaire est par excellence le premier sujet qui fâche, la première cause de la frustration chez les salariés. «J’ai été augmenté de 500 DH cette année. Une somme dérisoire vu que ma dernière augmentation remonte à  il y a trois ans. Comment voulez-vous que je m’implique davantage dans mon travail. C’est plus que de la frustration, c’est de l’écÅ“urement. Du coup, j’ai décidé de fournir le service minimum», témoigne Bouchra S., assistante de direction. Il s’agit là  d’un exemple classique que l’on rencontre dans toutes les entreprises parce que rares sont ceux qui reconnaissent être rémunérés selon leur mérite ; tout le monde en veut toujours plus.

Ceux qui sont sûrs de leurs compétences n’hésitent pas à  démissionner
Il faut reconnaà®tre cependant que le salaire n’est pas l’unique raison des frustrations. «Un salarié a besoin d’abord d’être reconnu dans son travail», souligne Essaid Bellal, DG du cabinet Diorh. D’ailleurs, l’enquête sur les motivations professionnelles autres que le salaire, initiée par Dale Carnegie Training Maroc et B. Marketing (voir La Vie éco du 21 avril 2006), montre clairement que le climat de travail, aux yeux de 300 cadres interviewés, est la première source de (dé)motivation. Cet aspect est plus marqué chez les cadres intermédiaires (36%) et les employés (27%) que chez les cadres supérieurs (23%). Parmi les sources de la démotivation, il y a, dans l’ordre, le manque de respect (30%), le manque de reconnaissance (27%) et la mauvaise ambiance (20,5%), trois facteurs cités bien avant l’absence d’évolution de carrière (15%).

Face à  une situation d’insatisfaction, les réactions peuvent prendre plusieurs formes. L’enquête de Dale Carnegie révèle que la démission n’est pas la première solution brandie. Elle vient en troisième position. En d’autres termes, le salarié se soucie avant tout de préserver son emploi et de voir venir. Toutefois, les personnes compétentes, sûres d’elles-mêmes, n’hésiteront pas à  aller chercher ailleurs, surtout si le marché de l’emploi est favorable. A ce propos, M. Bellal dit que cette décision est de plus en plus fréquente chez les cadres, contrairement aux années passées.

Pour l’entreprise, une démission peut être salutaire s’il n’y a aucune possibilité de réconciliation. En effet, quand il reste, le frustré devient tout simplement une charge. Dans un tel état d’esprit, il fait moins d’efforts. Il en résulte donc une augmentation des coûts liée à  la mauvaise qualité et à  la baisse de la productivité. Les conséquences peuvent aller jusqu’aux actes de sabotage. La situation extrême est que toute l’entreprise soit touchée par le malaise. Le DG d’une entreprise d’emballage se souvient de sa mésaventure. Parce qu’il avait refusé d’augmenter les salaires de son personnel suite à  une année médiocre, une grogne s’est transformée en grève avec occupation des locaux. «Ce coup d’arrêt d’une semaine nous a fait perdre un gros chiffre d’affaires. Sans compter le départ de gros clients parce que nous n’avions pu honorer nos engagements», se plaint-il.

La frustration peut relever d’une attente trop importante
Généralement, ces actions spectaculaires ne sont pas aussi spontanées qu’on peut le penser. Elles résultent d’une accumulation de griefs plus ou moins graves. En effet, nombre de dirigeants ont tendance à  faire le dos rond face à  des problèmes individuels, oubliant que des salariés frustrés pour des raisons identiques disposent d’une importante capacité de nuisance, surtout s’ils arrivent à  transmettre leur mal-être à  leurs collègues. Par conséquent, plutôt que d’opter pour la politique de l’autruche, il faut agir dès qu’un soupçon d’incompréhension se fait sentir.
Le mieux est quand même de prévenir, même s’il est impossible de contenter tout le monde. Le meilleur moyen est d’assumer toutes les décisions, mêmes les plus impopulaires (licenciement, refus d’augmentation de salaire, sanctions…), parce qu’en fin de compte, un patron cherche rarement à  enfoncer son entreprise.
Dans ce genre de situation, «il faut oser soi-même annoncer une décision difficile aux concernés, car éviter la confrontation peut avoir des conséquences plus graves que le mal lui-même», souligne M. Bellal. Bien briefés, sur la base d’arguments solides, des collaborateurs réfléchis mettront forcément de l’eau dans leur vin. Refuser par exemple une augmentation n’est pas chose aisée, «mais quand vous mettez en place un système d’évaluation annuelle avec des objectifs fixés en commun, chacun sait à  quoi s’attendre», fait remarquer Youness Bellatif, président de Maroc Coaching et DG du cabinet Convergence Conseil.

Il s’agit là  d’une démarche formalisée, certes de nature à  instaurer le principe de l’équité, mais qui ne garantit pas toujours la bonne ambiance tant les problèmes d’ordre affectif sont difficiles à  cerner. D’o๠une gestion basée sur la proximité, qui se manifeste par l’écoute et la communication. Mais il ne s’agit pas non plus de jouer à  la maman protectrice en permanence. Parfois, la frustration relève d’un manque de discernement de la part d’une personne qui transpose ses problèmes personnels dans l’entreprise, ou d’une attente surdimensionnée. Dans ce cas, un simple recadrage, un dialogue franc s’impose pour lui remettre les idées en place.
Il importe toutefois de souligner que si une frustration se manifeste de bonne foi et ne découle que de problèmes professionnels, elle peut être interprétée comme la preuve d’une volonté d’aller de l’avant.