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Carrière

Forte poussée des cadres formés à  l’école anglo-saxonne

Le dynamisme de l’économie marocaine et son ouverture font qu’un bon nombre de cadres marocains issus
de l’école anglo-saxonne reviennent au pays.
Les MBA délocalisés permettent à  de nombreux cadres qui ne peuvent se rendre à  l’étranger d’étoffer leur CV.

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Nul n’ignore que les lauréats issus de nos universités sont souvent décriés et que l’on a tendance à taxer l’université marocaine de «fabrique à chômeurs». Cette crise du système éducatif local donne l’avantage aux systèmes venus d’ailleurs, notamment français, et fait le bonheur des diplômés des grandes écoles européennes qui occupent des postes importants dans les plus grandes entreprises marocaines comme dans les filiales de multinationales.

Ponts et chaussées, Ecole Polytechnique et Ecole Centrale de Paris ont toujours du poids dans le pays. Ce n’est donc pas un hasard si des ministres et directeurs de grands offices et entreprises privées sont issus de ces écoles. On peut citer entre autres Driss Benhima, Adil Douiri, Fouad Douiri, Saâd Bendidi, Mohamed Boussaïd, Mohamed Hassad, Mourad Cherif, et bien d’autres. «Les lauréats de ces grandes écoles européennes, notamment françaises, sont toujours très demandés par les entreprises marocaines», souligne Wassila Kara Ibrahimi, du Cabinet de recrutement Bil Consulting.

De plus en plus d’entreprises et organismes publics sont dirigés par des cadres formés aux Etats-Unis
Mais, depuis quelques années, et avec l’ouverture de l’économie marocaine sur le marché mondial, les lauréats des écoles managériales francophones commencent à avoir de la concurrence. Un bon nombre de cadres, lauréats des grandes universités nord-américaines, regagne le Maroc pour occuper des postes à responsabilités dans des filiales de multinationales et grandes entreprises marocaines. «A mon avis, il s’agit là d’un début de tendance. En s’inscrivant dans la mondialisation, les entreprises doivent chercher la compétence là où elle existe.

Finie la notion de distance géographique», affirme Abdelali Benamour, directeur d’HEM. C’est le cas de Méditel, qui a réussi à chasser récemment une compétence marocaine basée aux Etats-Unis, en l’occurrence Mohamed El Mandjra. Beaucoup d’autres profils qui ont fait un passage par les grandes universités américaines ont choisi de revenir au bercail et occupent aujourd’hui des postes à responsabilités.

On peut citer l’actuel ministre du commerce et de l’industrie, Ahmed Reda Chami, lauréat de la John E.Anderson Graduate School of Management de l’Université de Californie, ou encore Mohammed Raihani, président de Shell Maroc, Mohamed Taj, directeur général de Motorala, et de nombreux autres cadres supérieurs issus des universités anglo-saxonnes. Les filiales de multinationales présentes au Maroc essaient de leur côté par tous les moyens de recruter des hauts cadres marocains puisque des expatriés leur coûteraient trop cher.

Cette percée des lauréats de l’école managériale anglo-saxonne ne fait que commencer.
Dalil Guendouz, directeur de l’école Hassania des Travaux Publics (EHTP) a un autre avis. «Comme nous n’avons pas de statistiques officielles, nous ne pouvons pas dire que ces lauréats sont plus demandés ou mieux cotés que les autres», explique ce fervent défenseur de l’école marocaine. Pour lui, le cas de l’EHTP est révélateur.

«Les ingénieurs diplômés de notre école sont extrêmement demandés par les grandes entreprises comme par les filiales de multinationales basées au Maroc. Ils sont même expatriés et travaillent en Amérique, en Europe, en Asie et dans les pays du Golfe», ajoute-t-il. Mais il faut dire que l’EHTP et une dizaine d’autres écoles marocaines sont des cas isolés et que l’état du système d’enseignement marocain reste inquiétant. Les rapports les plus récents des organismes internationaux le confirment : l’arrivée en masse au Maroc des lauréats des écoles managériales anglo-saxonnes est une réalité qui se confirme jour après jour.

Si depuis les quatre dernières décennies le Maroc est resté très lié au système francophone, aujourd’hui, la vague de la mondialisation a bousculé cette règle. Dans ce nouveau contexte, l’entreprise marocaine est ouverte sur son environnement international. Il y a donc un grand village économique où tout le monde interagit. Les compétences sont aujourd’hui planétaires, et les modes de fonctionnement, devenus universels, sont régis par un certain nombre de règles qui sont la performance, la compétence, l’excellence, l’ouverture, l’interculturalité.

L’école anglo-saxonne offre la possibilité aux étudiants de devenir des cadres aux compétences internationales et à la culture générale solide. Pour Abdelali Benamour, l’un des points forts du système d’enseignement anglo-saxon est sa proximité avec le monde de l’entreprise. «Ce n’est donc pas un hasard si, dans les classements mondiaux des établissements d’enseignement supérieur, on constate la forte prédominance des universités et écoles américaines au top 50», explique M. Benamour.

Dans les universités nord-américaines, le contenu du programme est conçu selon les besoins de l’entreprise, le corps enseignant est fortement lié au privé et au monde des affaires et les centres de recherche de ces universités leur donnent du poids.

«Certaines grandes écoles européennes telles HEC, l’Essec ou autres commencent à prendre conscience de l’importance du pragmatisme et du professionnalisme qui font le succès des écoles américaines, d’où l’idée de proposer des MBA à l’américaine aux cadres européens», souligne le directeur d’HEM. Au Maroc, c’est à travers des partenariats avec ces grandes écoles européennes que les écoles marocaines proposent des MBA aux cadres supérieurs.

«Nous proposons le Master of Business Administration (MBA), porté à l’origine par l’école française des Ponts et Chaussées, mais qui est organisé sur le modèle anglo-saxon. Nous avons 400 diplômés qui ont fait ce MBA. C’est un programme qui a énormément de succès. Il y a beaucoup de cadres qui sont à la recherche d’une carrière type ingénieur, complétée d’une formation de haut niveau en management à travers ce MBA. Ce mélange entre les deux formations est très demandé par les entreprises», note Dalil Guendouz.

Du bon et du mauvais dans tous les systèmes de formation
Inutile de rappeler que la demande est pressante en terme de renouvellement des élites. Le souci majeur est de définir le modèle de management qui convient le mieux à l’entreprise marocaine. On peut certes être fier de voir nos têtes pensantes revenir au pays après un cursus de formation réussi dans les grandes universités anglo-saxonnes.

Mais il n’en reste pas moins que notre système d’enseignement comporte des lacunes. Quelle sera donc la bonne formule ? Pour certains, il faut chercher les compétences là où elles se trouvent. Pour d’autres, il est important de profiter des expériences des autres pays et adapter le système aux réalités marocaines. «Il faut se méfier des idées toutes faites, affirme Abdelali Benamour. Dans le système anglo-saxon comme dans le francophone, il y a du bon et du mauvais. Il faut savoir tirer les bonnes leçons des expériences internationales».

Il est également essentiel de définir la langue dans laquelle nous comptons dispenser l’enseignement. Car nous continuons toujours à former des jeunes qui ne maîtrisent ni l’arabe ni le français, et encore moins l’anglais.