Carrière
Entretien d’évaluation : Avis de Mustapha Sekkat, DG cabinet RH Leadership
Quand les managers créent trop d’attentes non satisfaites, la frustration et la perte de confiance dans le système s’installent. Le dialogue avec les collaborateurs doit être continu et ne doit pas être concentré en un seul rendez-vous annuel.

Manque de planification, objectifs et critères d’évaluation non définis, temps et conditions insuffisants…, les erreurs commises lors des entretiens d’évaluation de fin d’année peuvent être nombreuses. Mustapha Sekkat, DG du cabinet RH Leadership, explique les contours du grand oral de fin d’année.
C’est la période des entretiens d’évaluation, quelles sont généralement les erreurs que vous observez lors de ces moments importants ?
Avant de répondre à cette question, je souhaite rappeler que quand une entreprise met en place un système d’évaluation basé sur des entretiens menés par les managers et les responsables, elle le fait avec la volonté de mieux écouter et développer ses collaborateurs. La finalité étant, bien sûr, d’améliorer les performances, la compétitivité et donc la pérennité de l’entreprise. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux faire les évaluations sans entretien.
Pour revenir aux erreurs, je citerais notamment quelques facteurs :
– manque de planification: on appelle les collaborateurs quand on a un créneau vide pour expédier la chose ;
– les objectifs fixés et les critères d’évaluation sont trop flous, même si l’objectivité totale n’existe pas ;
– manque de préparation d’un côté comme de l’autre: l’absence de support correct ou l’insuffisance de temps pour recueillir les données nécessaires à l’entretien entravent la bonne marche du processus ;
– le temps consacré et les conditions de l’entretien sont insuffisants : l’idéal est de passer une heure à une heure et demi d’entretien dans des conditions convenables sans aucune forme de perturbation ou de dérangement. Attention, plus de deux heures, c’est trop long ;
– l’évaluateur parle plus que l’évalué. Du coup, le temps d’écoute est faible. Les experts parlent de 30% de temps de parole pour l’évaluateur et 70% pour l’évalué ;
– ne pas aborder les pistes de progrès et s’embourber dans les discussions sur la rémunération : la rétribution peut être abordée dans un autre contexte avec les RH par exemple si c’est nécessaire ;
– l’entretien annuel est l’unique occasion de dialoguer et de communiquer avec la hiérarchie ! C’est l’erreur la plus répandue ;
– manque de formation sur le support, son utilisation et sur les techniques d’évaluation et d’entretien.
Comment cette période est perçue par les salariés ?
Cela dépend de la maturité du système et de son ancrage dans la culture de l’entreprise. Théoriquement, cette période doit être motivante, dans la mesure où l’on va s’exprimer sur nos aspirations de carrière, d’une part, et que l’on va découvrir les axes sur lesquels on pourrait s’améliorer, d’autre part. Il s’agit donc d’une bonne opportunité pour construire son avenir dans l’entreprise.
Cela dit, les salariés appréhendent cette période qui est généralement porteuse de changement dans leur situation professionnelle voire dans leur carrière, car ils ont «peur de l’inconnu». Certains peuvent même y être réfractaires à cause des mauvaises expériences passées : pas d’écoute, que du jugement, peu ou pas de reconnaissance, règlement de comptes, etc.
Pensez-vous que les salariés contestent souvent les processus d’évaluation ? Pourquoi ?
Malheureusement c’est le cas, mais ce n’est pas général. Vous savez, quand un processus de développement humain est mis en place, il faut l’accompagner pour éviter que cela se transforme en formalité sans intérêt. Dans la réalité de plusieurs entreprises, l’après-entretien annuel décrédibilise le processus. Quand les managers créent trop d’attentes non satisfaites, la frustration et la perte de confiance dans le système s’installent.
Y a-t-il parfois des oppositions des salariés à leur notation ?
Il y a souvent un écart entre la hiérarchie et le collaborateur concernant la perception de la performance de ce dernier. Cet écart peut être réduit, voire quasiment éliminé si la description de la fonction est claire et validée, si les objectifs fixés sont mesurables et pertinents, si les critères d’évaluation des attitudes et des comportements individuels et managériaux sont clairs et correspondent aux valeurs et au corpus managérial de l’entreprise…
Le niveau de subjectivité des critères et le lien de la notation avec l’augmentation de salaire, le bonus… dévient cet acte managérial de sa vraie vocation.
Dans le cas où l’entretien se passe mal, quel recours peut avoir le salarié pour qu’il ne soit pas lésé ?
Généralement, dans les systèmes d’évaluation, le recours au N+2 et à la DRH est prévu. Ce recours est de nature à apaiser la tension et à arbitrer s’il y a un litige ou un malentendu. Ce qu’il faut savoir c’est que l’entretien annuel ne devrait pas être de nature à se terminer par un litige ou un conflit. C’est une opportunité et pour l’évalué et pour l’évaluateur de s’inscrire dans une logique d’amélioration continue.
Le recours peut aller à d’autres parties désignées par la direction générale, notamment à la hiérarchie fonctionnelle.
J’ai vécu une anecdote liée à la signature du support par les salariés. Certains ont refusé de le signer pour exprimer leur désaccord sur son contenu. Quand ils ont compris qu’ils peuvent exprimer leurs réserves dans le même support, le problème a été réglé.
Le dialogue avec les collaborateurs doit être continu et ne doit pas être concentré en un seul rendez-vous annuel.
propos recuellis par b.h.
