Carrière
Entrepreneuriat social : une progression freinée par le manque de mesures incitatives
La demande persiste encore et progresse pour plus de qualité et plus d’impact. Pour beaucoup de start-up, la raison d’être n’est pas seulement environnementale et sociale mais aussi humanitaire.

Depuis quelques années, l’entrepreneuriat social ne cesse de séduire les jeunes entrepreneurs.
Pour Adnane Addioui, président du Centre marocain d’innovation sociale (MCISE), «les jeunes sont encore très engagés vis-à-vis des problématiques socio-économiques du pays, malgré le manque de soutien aux initiatives d’entrepreneuriat social. La demande persiste et progresse pour plus de qualité et plus d’impact».
De l’éducation à l’agriculture biologique, en passant par les énergies renouvelables, la santé, le recyclage…, beaucoup d’entrepreneurs ont choisi d’intervenir dans ces domaines qui offrent de plus en plus d’opportunités.
Pour Youssef Chakroun, fondateur de Shems For Lighting, le déclic est venu en visitant des régions dépourvues de tout système d’éclairage. Il décide dès lors de suivre sa voie et se lance en 2017 dans la création de lampes économiques et écologiques composées de mini plaques solaires.
Grâce à la participation dans des compétitions de start-up, l’entrepreneur en herbe a pu bénéficier d’un programme d’accélération et d’accompagnement personnalisé. «Les rencontres m’ont apporté beaucoup d’améliorations au projet, en particulier au niveau du business model», souligne-t-il. Financement, marketing, technologie, concurrence, tendances du marché, réseaux sociaux, tous ces paramètres ont dû être pris en compte pour entamer le nouveau business model.
Depuis, la start-up s’est rapprochée de coopératives, notamment à Safi pour l’équipement de barques traditionnelles de pêche mais aussi auprès des écoles, que ce soit dans la région de Marrakech, au Sénégal ou en Gambie.
Autant de projets sociaux qui ne manquent pas sur la place. Pour sa part, la start-up Cuimer, fondée par Aya Laraki, transforme les peaux de poisson en cuir exotique et écologique. Sa raison d’être n’est pas seulement environnementale et sociale mais aussi humanitaire, car changer les mentalités ainsi que le mode de consommation est une promesse que la start-up s’est faite dès ses premiers pas.
Il en est de même pour Educall, start-up spécialisée dans l’éducation. Elle propose notamment des programmes de support scolaire avec une nouvelle approche éducative ainsi que des ateliers et activités parascolaires (notamment dans les domaines de la musique, art et culture, programmation et robotique, communication et science). Les activités sont parfois symboliques ou même gratuites pour certains établissements comme les orphelinats, une façon gratifiante de créer de la richesse non seulement économique, mais aussi culturelle et sociale.
Le soutien financier aux start-up vient souvent du privé
Toujours est-il que la durabilité pour tout projet entrepreneurial reste très compliquée au Maroc. Pour celles qui ont la vocation sociale, la question est encore plus compliquée, vu l’absence de moyens, surtout pour accéder à l’investissement. L’opportunité de mobiliser les jeunes pour le progrès inclusif existe certes, la clé reste cependant dans la démarche et l’innovation à mettre en place pour cela. Il faut dire aussi que les questions d’allier rentabilité économique et impact social sont encore récentes et le sujet commence a suscité de l’intérêt et le soutien financier de la part du secteur privé en l’absence de mécanisme de soutien public et d’un cadre législatif dédié. Le problème est que beaucoup de petits projets finissent par mourir, faute de financement. Un grand nombre de hackathons et autres concours de start-up remportés par des jeunes porteurs de projets avec de super idées finissent par ne pas être viables…., car comme dans toute entreprise, y compris dans le social, il faut que l’entreprise fasse du chiffre d’affaires et dégage du profit.
Il faut également que ces porteurs de projet soient connectés aux écosystèmes existants pour qu’ils puissent faire leur réseau. De ce fait, le type de prestations que peuvent apporter les entreprises sociales peut être largement qualitatif de ce que peuvent apporter les institutions publiques ou autres.
Trouver un business model qui fonctionne, qui soit rentable et soit social est loin d’être facile. Après tout, d’autres y arrivent à l’étranger, pourquoi pas chez nous !

Entrepreneuriat social : Avis de Adnane Addioui, Président du Centre marocain de l’innovation sociale (MCISE)
