Carrière
Contrat de travail : Entretien Bouchaib Serhani, DG du cabinet Gesper Services
Les entreprises peuvent prévoir des avenants qui traitent du descriptif du poste, de la formation continue ou diplômante, de la part variable de la rémunération, de la gestion de l’astreinte, de la mobilité internationale ou du télétravail…
En général, les candidats à l’embauche ne prêtent pas tous attention à ce qu’ils signent. Pourtant, il y a lieu de lire attentivement le contrat et de l’amender si possible car il est difficile de faire marche-arrière. Bouchaib Serhani, DG du cabinet Gesper Services, détaille les principaux points à surveiller.
Quelles sont les clauses importantes à mettre dans un contrat de travail ?
Tout d’abord, nous recommandons vivement aux entreprises de privilégier le contrat de travail écrit en lieu et place d’une lettre d’embauche, car celle-ci ne contient pas tout ce que peut renfermer un contrat de travail digne de ce nom.
Le plus important dans un contrat de travail est que l’employeur comme le salarié y trouvent les réponses à leurs éventuelles questions. Pour atteindre cet objectif il faut que l’employeur, car il a plus de compétence que le salarié, anticipe les diverses futures interrogations. A partir du moment où l’on se pose cette question, le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) devient automatiquement écrit à l’inverse du code du travail qui n’a pas instauré l’obligation de l’écrit, ce qui est une de ses faiblesses.
De plus, les salariés, en général, avancent leur «statut» d’ignorants en la matière quand l’employeur essaye de leur rappeler certaines de leurs responsabilités.
Je me limite au CDI qui représente la grande majorité des cas. Pour revenir aux clauses, le contenu du contrat est fonction de l’entreprise, de la fonction à accuper et des contraintes de ladite entreprise vis-à-vis de ses propres clients. L’essentiel pour l’entreprise est de disposer de façon permanente de profils de salariés qui sont conscients de leurs responsabilités et des attentes de leurs employeurs et ce sont ces attentes qu’il faut classer par priorité dans un descriptif de poste qui fera partie intégrante du contrat de travail.
Voici quelques principes dont il faut tenir compte :
– la structure d’un contrat de travail doit être ventilée en un corps commun à des cadres et un autre aux non-cadres avec une personnalisation au moyen d’avenants pour chacun de ces types de contrat.
Au niveau du corps du contrat, rappeler en préambule que le non-respect des clauses contenues dans ledit contrat et de ses annexes par l’une des parties peut être une cause de sa résiliation, étant entendu que la partie estimée lésée doit avoir la possibilité de justifier ce non-respect par l’autre partie.
S’agissant d’un étranger, il y a lieu de rappeler que ledit contrat ne sera valable qu’après réception d’un visa de travail délivré par le ministère de l’emploi.
– la date d’embauche, le statut du salarié et son rattachement détaillé dans un descriptif de poste joint au contrat, la période d’essai légale avec éventuellement son renouvellement -je dis bien éventuellement- est à mon avis important. Il en va de même des conditions de rupture durant cette période d’essai.
Prévoir si à la confirmation, le salaire de base de la recrue sera ou pas revu à la hausse et dans le cas où il le serait, mentionner une fourchette en dirhams de cette augmentation en fonction des appréciations dont aura bénéficié la recrue.
Le contrat prévoit également une clause sur le salaire qui doit être mentionnée en salaire brut et jamais en net à payer car l’entreprise n’a aucune maîtrise sur les retenues sociales et/ou fiscales.
Il faut surtout éviter de mentionner les salaires variables qui ne sont liés à aucune mesure de performance comme le 13e mois qui est à mon avis une aberration. A mon sens, il est plus simple et plus transparent de diviser ce 13 mois (si c’est un acquis) par 12 et de l’inclure dans le salaire mensuel. En fin d’exercice, la performance individuelle sera rémunérée par des primes de performance.
S’agissant du salaire variable, commissions, bonus, etc., il y a lieu d’adjoindre au contrat de base, un avenant qui détaille les conditions d’octroi de ce salaire variable lié aux résultats, si cela fait partie de la politique de rémunération pour le poste confié à la recrue, et comment cette part est calculée. Pour le lieu du travail, c’est-à-dire la ville d’affectation du salarié, il s’agit de prévoir que la zone d’affectation de la recrue est à telle ville et que cette zone d’affectation pourra être modifiée par la société pour des raisons professionnelles.
Les frais occasionnés dans ces cas seront pris en charge par la société selon les procédures et conditions en vigueur.
Le contrat contient d’autres clauses qui concernent les horaires de travail, le droit aux congés, les couvertures sociales, le préavis de départ…
Une précision que nous ne voyons dans pratiquement aucun contrat, c’est d’informer le salarié que l’entreprise est habilitée à prélever les cotisations et impôts à la source. Il convient de rappeler que ces prélèvements seront défalqués de tout salaire brut pour la valorisation du salaire net à payer au salarié. Rappeler également que la responsabilité de la société ne sera en aucune façon engagée pour la garantie du net habituellement perçu si pour des raisons légales ou négociées dans le cadre de la couverture sociale une augmentation des prélèvements impacte automatiquement le montant du net à payer.
Les candidats prêtent-ils attention à leur contrat de travail ?
En général, les candidats à l’embauche ne prêtent pas tous attention à ce qu’ils vont signer comme engagements aux motifs qu’ils font confiance à leur employeur, n’ont pas le réflexe de contrôler ce qui est soumis et partent du principe que c’est à prendre ou à laisser.
Pourtant, il peut arriver que des clauses soient inapplicables ou leur portent carrément préjudice?
Aussi bien l’entreprise que le salarié ignorent parfois que certains engagements ne peuvent pas être respectés d’un point de vue juridique.
Par exemple, un laboratoire d’analyses médicales engage un laborantin et lui fait signer un engagement par lequel ce dernier s’interdit de travailler chez la concurrence dans un rayon de 100 km. Sachant que ce salarié ne sait rien faire en dehors de son métier de laborantin, il devra chômer pendant un an avant de devoir reprendre son activité, ce qui est illégal. Ce type de cas avait été soulevé il y a une dizaine d’années ou plus en France et un tribunal avait jugé l’affaire irrecevable, sauf si l’ancien employeur indemnise ledit ex-salarié durant une année et ainsi obliger l’ex-employé à ne pas travailler au niveau de la concurrence dans un rayon de 100 km.
Par contre, il existe des clauses qui restent opposables au salarié, comme par exemple s’il découvre ou conçoit quelque chose durant sa période de salarié qui lui enlève le droit sur cette découverte qui reste la propriété de l’employeur.
L’environnement de l’entreprise évolue, la façon de travailler aussi. Sur quels points du contrat faut-il être vigilant ?
Nous vivons actuellement des évolutions très fréquentes dans certains secteurs et les entreprises sont parfois amenées à changer leur mode d’organisation. Prenons le cas des entreprises spécialisées en relations clientèle. Elles pratiquent un horaire adapté à leur clientèle qui peut être huit heures par jour ou du 2 x 8 ou du 3 x 8. Si l’entreprise n’avait pas prévu dans ses contrats de travail la possibilité du travail par équipe, elle risquerait de s’opposer au refus des collaborateurs de changer d’horaire.
Y a-t-il des clauses particulières pour les postes stratégiques (DG, directeurs de pôles…) ?
Les hauts cadres sont engagés pour être performants; c’est un principe. Par conséquent, il serait prudent pour l’entreprise de prévoir une clause de résiliation de la relation de travail si au bout d’un certain temps la performance n’est pas au rendez-vous. Généralement, cette durée est de l’ordre de trois ans. Un directeur général est appelé à mettre en place la structure la mieux adaptée pour réussir d’un point de vue organisationnel. L’entreprise peut ne pas être performante dès la première année. Mais au-delà de la troisième, on doit se poser des questions sur l’efficacité des décisions prises.
Autre exemple, un commercial, homme de terrain, et son directeur commercial, ont pour mission de vendre. C’est leur raison d’être. Le contrat doit donc prévoir une clause de résiliation de la relation de travail si ces cadres ne réussissent pas à s’imposer et à générer du chiffre.
Certaines entreprises prévoyaient la fourniture, par ces profils, d’une lettre de démission non datée à l’embauche.Cette astuce peut ne pas être valable si l’intéressé refuse de légaliser sa signature le jour venu.
Donc, l’employeur doit prévoir le maximum d’avenants pour éviter les différends ?
Je recommande vivement aux entreprises d’inclure autant que possible des avenants au contrat d’embauche type, étant entendu que lesdits avenants doivent être adaptés à chaque cas, ce qui facilitera leur utilisation générale au niveau de tout le personnel concerné.
Par exemple, un commercial doit visiter des prospects et clients. Comme la voiture est le seul moyen qu’il peut utiliser pour faire correctement son travail, en posséder une devient indispensable.
Si l’entreprise ne lui en fournit pas, ce commercial doit être indemnisé pour l’utilisation de sa voiture personnelle pour le service, donc il ne faut pas attendre que le cas se produise pour s’interroger sur la solution. L’employeur doit donc prévoir un avenant qui détaille dans quelles conditions sera utilisée la voiture personnelle et comment les déplacements professionnels seront indemnisés, étant entendu que le processus d’indemnisation sera le même pour tous ceux qui sont autorisés à utiliser leur voiture personnelle pour le service; la seule différence réside dans l’indemnisation du kilomètre proportionnelle à la puissance fiscale.
On peut avoir des avenants qui traitent du descriptif du poste, de la formation continue ou diplômante, de la part variable de la rémunération, de l’astreinte, de la mobilité internationale, du télétravail…
A propos de la mobilité internationale, comment gérer les contrats des expatriés ?
Dans le cadre de la mobilité internationale nous avions été confrontés à des personnes qui voulaient le beurre et l’argent du beurre.
Travaillant en France par exemple lors d’une mission de plusieurs mois, certaines personnes voulaient bénéficier des jours fériés en France et récupérer les jours fériés dans le pays d’origine, le Maroc. De plus, ces personnes disaient que du moment qu’elles travaillaient en France, elles voudraient bénéficier des mêmes droits au congé annuel que leurs collègues français.
Ce sont des raisons identiques à ce qui est vécu qui militent en faveur de la mise en place d’avenants spécifiques pour bien anticiper les éventuels problèmes.