Carrière
Comment se défendre en cas de licenciement abusif au Maroc
Le licenciement ne peut être motivé que par la faute grave ou des considérations économiques bien définies. Un procès dure souvent plusieurs mois, il est donc préférable de trouver une solution à l’amiable si toute possibilité de réintégration est exclue.
«J’ai travaillé un an et demi en tant que cadre supérieur dans une société industrielle. Un jour, alors que nous étions en réunion avec le DG, j’ai contesté une décision, qui me paraissait préjudiciable pour notre business. Je croyais qu’on allait en rester là. Trois jours plus tard, le Dg me convoque et m’annonce qu’il ne pouvait me garder plus de trois mois. Le temps de trouver un nouveau job. Mais une semaine plus tard, il revient sur sa décision et me licencie brutalement, donc sans préavis ni lettre de licenciement. Il m’a juste demandé de contacter son avocat pour régler les formalités. J’ai su tout de suite que c’était un stratagème pour me coller un abandon de poste. Alors j’ai décidé de ne pas me laisser faire. J’ai entamé une première démarche chez l’inspecteur du travail qui n’a rien donné. J’ai porté l’affaire au tribunal et j’ai pu obtenir gain de cause», souligne Ali. S, 35 ans, cadre commercial.
«Toute entreprise est amenée à gérer des licenciements. Sauf que dans bien des cas, on tombe dans le licenciement abusif parce que les conditions de fond et de forme d’une procédure de licenciement n’ont pas été respectées», note Mouna Sebbahi, présidente de l’Association internationale des experts RH (IA of HRE).
Pour éviter les abus, le législateur s’est employé à mettre en place des garde-fous à travers le code du travail. Ainsi, l’employeur ne peut procéder au licenciement d’un employé que pour deux motifs : motif personnel, lorsque le salarié s’est rendu coupable d’une faute grave (vol, insulte, agression…) ou motif économique. S’il n’en est pas ainsi, l’employeur doit verser au salarié des indemnités compensatrices puisque le licenciement est alors considéré comme abusif.
Dans tous les cas, licenciement abusif ou pas, motif réel ou pas, le salarié doit savoir à quoi s’en tenir. «Pour commencer, il doit consulter son DRH ou les délégués du personnel», souligne Mohamed Jamal Maatouk, conseiller juridique. Si aucune solution n’est trouvée, il peut toujours solliciter l’inspecteur du travail. Une conciliation préliminaire auprès de celui-ci est une première étape que le salarié devra engager, soit pour réintégrer son poste, soit pour obtenir des dommages et intérêts. En cas d’arrangement, l’accord établi entre les deux parties met fin à tout litige. A partir de ce moment-là, le recours aux tribunaux n’est plus possible. Cette procédure met fin à toute tentative de surenchère consistant pour le salarié, après avoir reçu un premier bonus, à saisir le tribunal pour obtenir un peu plus.
Autre procédure fréquente, l’entretien préalable. Celui-ci constitue pour le salarié l’occasion de connaître les motifs de la décision de l’employeur. C’est également l’occasion pour lui de fournir des explications et d’organiser sa défense. «C’est une démarche importante que beaucoup de salariés ne saisissent pas à quel point», note Mohammed Emtil, auditeur social.
Très protectrice des droits des salariés, la législation en vigueur impose une procédure rigoureuse à suivre lors de cet entretien. Ainsi, la convocation du salarié doit s’effectuer par lettre recommandée avec accusé de réception, ou remise en main propre contre décharge, durant une période de huit jours à compter de la date de remise de la lettre de licenciement.
De même, le salarié a le droit de se faire assister par un délégué ou un représentant du personnel. «Rien n’empêche les deux parties de trouver un arrangement sans avoir à passer par la conciliation préliminaire ou le tribunal», note Jamal Maatouk. Dans cette étape, on peut se faire aider par un avocat pour être sûr de ne pas être lésé.
Le bras de fer avec l’employeur n’est donc jamais gagné d’avance
Pour ce qui concerne le montant des indemnités, le package financier comprend une partie légale, de préavis, et une autre au titre des dommages et intérêts. Sur la partie légale, le salarié peut toujours négocier le versement de primes de congé ou d’heures supplémentaires non payées. Quant à l’indemnité de dédommagement, elle est négociable en fonction du préjudice subi : âge, ancienneté, valeur professionnelle, charge familiale… Bref, autant fixer la barre très haut, quitte à faire des concessions par la suite. S’il est peu flexible, l’employeur peut mettre fin à la négociation. Le tribunal sera alors l’ultime recours.
Sachez, toutefois, qu’un procès ne coûtera forcément pas plus cher à l’employeur. De plus, il pourra facilement faire traîner la procédure. Autant le savoir, une affaire portée au tribunal peut durer plusieurs mois, voire plus d’une année dans certains cas. C’est un véritable parcours du combattant. Il faut donc s’armer de patience. Pour des raisons de gestion, les tribunaux administratifs traitent en moyenne un gros lot de dossiers chaque année. Ensuite, la complexité de la procédure peut repousser un dossier de plusieurs mois dès qu’il manque une pièce. Or, seul un avocat compétent en la matière et attentif aux évolutions de la jurisprudence sera en mesure de voir si les faits reprochés entrent ou non dans le cadre de la jurisprudence.
Le bras de fer avec l’employeur n’est donc jamais gagné d’avance, même si on affirme que c’est toujours le salarié qui obtient gain de cause au tribunal.
«Au cas où le salarié décide de recourir à la justice, il doit constituer un dossier en béton. Il faut réunir toutes les preuves possibles. Une procédure au tribunal repose sur des données objectives», note M. Maatouk.
Quand le salarié sent le climat se dégrader avec son employeur, il doit penser à mettre toutes les preuves de son côté : synthèses d’entretien d’évaluation positifs, courriers envoyés en recommandé avec accusé de réception témoignant la volonté de conciliation, notes de service… Ces documents sont indispensables pour constituer un dossier susceptible de faire gagner un procès.