SUIVEZ-NOUS

Carrière

Comment rebondir après un accident de parcours

Déprime, colère, culpabilité, sentiment de dévalorisation, perte de confiance…, un échec professionnel peut être psychologiquement douloureux. Humilité et abnégation sont indispensables pour préparer son retour.

Publié le


Mis à jour le

accident de parcours 2012 01 31

Un plan social suivi d’un licenciement, une promotion ajournée, une erreur de trajectoire, un projet qui tombe à l’eau ou encore une création d’entreprise qui s’écroule…, les risques d’avoir un accident sont nombreux dans un parcours professionnel. Après 20 ans de service dans une société de financement, Mohamed B., 49 ans, s’est vu proposer un plan de départ négocié. «Le climat était tendu suite à l’arrivée d’un nouvel actionnaire. De plus, l’entreprise voulait entreprendre un nouveau lifting. Du coup, les plus de 45 ans étaient les premières cibles de la nouvelle stratégie. Bien évidemment, je n’étais pas préparé à ce coup dur. Je m’acheminais vers une fin de carrière paisible et je n’avais ni le souffle nécessaire ni l’envie pour tenter de rebondir ailleurs. Comme parfois les malheurs se transforment en bonnes occasions, j’ai pu me reconvertir dans le conseil et l’organisation des entreprises. C’est tout à fait dans l’ordre des choses. Après plus de 25 ans dans le domaine du financement, j’ai senti que je devais me mettre à mon compte et apporter ainsi mon expertise aux managers qui se lancent dans l’initiative individuelle», explique-t-il.
Aujourd’hui, dans une conjoncture où les entreprises sont plutôt enclines à dégraisser pour anticiper sur les difficultés, une rupture de carrière avant l’heure peut arriver à tout le monde. Mais tout le monde n’a pas les compétences suffisantes pour se mettre à son propre compte dans le domaine que l’on connaît, à l’instar de ce consultant qui a pu réagir avec promptitude.
Pour Mouhcine Ayouche, DG du cabinet BMH Coach, «il s’agit d’abord de faire le deuil de cette situation car rebondir sur de nouvelles bases suppose d’abord un effort physique et psychologique». Effectivement, un échec professionnel peut avoir des conséquences néfastes sur le mental : déprime, colère, culpabilité, sentiment de dévalorisation, perte de confiance… Et parfois, cette période de deuil peut s’éterniser. Pour Jamal, 42 ans, ingénieur de formation, le refus de croire à une réalité douloureuse a été un obstacle sur le chemin de la reconstruction personnelle. Il avait participé pendant dix ans au développement d’une PME. Lorsque son activité a été supprimée, il a été anéanti. Des années après, il continuait à s’identifier à cette entreprise.
Pourtant, les possibilités d’éviter ce plongeon sont maintenant plus larges parce qu’une personne qui avait connu un échec n’est plus considérée comme incompétente. Dès lors qu’on n’est pas stigmatisé par la société, la remontée de la pente peut s’avérer moins laborieuse.

Mieux vaut travailler tout en cherchant que d’attendre une offre qui sied à ses attentes

La première étape est que tout accident de parcours doit être analysé pour définir sa part de responsabilité, identifier ses points faibles et se fixer un cap. Ce travail de réflexion permettra de tirer les enseignements utiles pour grandir, mûrir et progresser. «Si, toutefois, on ne sent pas le recul nécessaire pour le faire, vaut mieux se faire accompagner par un professionnel», suggère Mouhcine Ayouche.
Un bilan personnel va servir de boussole dans la carte topographique du monde professionnel. Il aide à déterminer non seulement ce que l’on sait faire mais également ce qu’on aime faire. Ce qui donne des premières indications sur les premières pistes à explorer. En effet, une crise peut être le révélateur d’une erreur de trajectoire. Ainsi, Redouane Khalfi, 32 ans, account manager dans un grand groupe, n’a découvert cette réalité qu’à l’occasion d’une profonde remise en cause. «Après quelques années dans la finance, j’ai rejoint un éditeur de solutions informatiques de la place. Après avoir exercé trois années dans la direction financière, j’ai failli me retrouver dans une voie de garage car je n’avais plus aucune motivation pour ce travail. J’ai alors demandé à intégrer la direction commerciale. C’était un challenge important car il s’agissait de développer de nouvelles compétences. Ce bref épisode m’a permis de consolider mon expérience pour la faire valoir auprès d’autres multinationales».
Cet exemple montre qu’il faut parfois oser sortir de sa zone de confort où l’on a l’habitude de tout maîtriser. Cela est valable aussi bien quand les possibilités de promotion sont anéanties que si on se retrouve sans emploi après un licenciement ou une faillite. C’est le cas d’Ahmed, 50 ans, un cadre en marketing, qui s’est reconverti dans la promotion immobilière. «J’ai fait l’essentiel de ma carrière dans le marketing et la vente. J’ai également eu une expérience dans les ressources humaines, mais je nourrissais une passion pour l’immobilier. C’est ce qui m’a poussé à poursuivre dans cette voie quand j’ai démissionné suite à une mésentente avec mon patron. Après des formations spécifiques sur les différents métiers qui touchent la construction, j’ai fini par me lancer. J’en suis à mon troisième projet immobilier».
Ce changement de direction a été rendu possible par l’abnégation mais aussi par l’humilité. Arrivé au bord de la retraite, il n’est pas donné à n’importe qui de reprendre une formation pour acquérir de nouvelles compétences en passant son temps à poser des questions et écouter les autres. C’est cette erreur qu’a commise un financier qui, pendant presque 10 ans, a géré un fonds d’investissement dans une banque étrangère. Une fois les sorties bouclées et le fonds fermé, et comme il n’a pas accepté les offres de réaffectation proposées par sa banque, il s’est naturellement retrouvé sur le marché. Reste qu’entre-temps, les opportunités de réinsertion dans un autre organisme se sont rétrécies. Pour lui, il n’était pas question de postuler pour un poste moins prestigieux que le précédent, question d’orgueil. Son chemin de croix a été long. Non seulement il est resté longtemps sans emploi, mais il a fini par accepter un poste moins rémunéré. C’est dire que dans une situation exceptionnelle, la priorité est d’abord de chercher à mettre le pied à l’étrier.
De manière plus prosaïque, mieux vaut travailler tout en cherchant que d’attendre une offre qui sied à ses attentes.