Carrière
Comment gérer les cas de maladie de longue durée
Les maladies chroniques sont de plus en plus fréquentes dans l’entreprise, mais n’entraînent pas toutes un arrêt de longue durée. Les entreprises préfèrent souvent un arrangement à un licenciement d’un collaborateur longtemps alité.

Le constat est effarant ! La dernière enquête du Haut commissariat au plan dresse un tableau alarmant par rapport aux maladies chroniques, faisant état d’une nette augmentation du taux des personnes atteintes de maladies chroniques : de 13,8% en 2004, il est monté à 18,2% en 2011.
Parmi ces maladies, l’hypertension artérielle a enregistré une hausse importante, en passant de 2% en 2004 à 5,4% en 2011, alors que le taux des personnes atteintes de diabète est passé de 1,6% en 2004 à 3,3% en 2011. Dans l’entreprise, ce mal est souvent passé sous silence. «Pas facile de sensibiliser le monde du travail sur les risques des maladies longue durée. Leur parler de prévention semble un sujet inabordable», précise Abdellah Fakir, médecin du travail.
Cependant, toutes les maladies chroniques n’entraînent pas un arrêt de travail de longue durée. En effet, face au progrès des soins, certaines maladies ne posent plus de problème aujourd’hui à l’entreprise. Certaines personnes atteintes de diabète s’adaptent très facilement et leur maladie n’a aucun impact négatif sur leur rendement, même si, parfois, il est nécessaire de réorganiser les horaires du malade et de l’affecter à d’autres tâches. Par exemple, «le diabétique ne peut assurer des fonctions de gardien de nuit, et l’épileptique ne peut occuper une fonction de chauffeur», souligne M. Fakir qui insiste sur le «droit à tous de travailler». «Cette prise en compte du facteur humain est très bien perçue par les autres salariés. C’est aussi un facteur de motivation», souligne Siham Ennajbi, DRH de Sodexo Maroc. Le gros problème se pose lorsque le malade est alité. «Pour certains cancers, dont le traitement est limité dans le temps (cancer du sein par exemple), l’entreprise pourra maintenir la personne. Mais si le pronostic d’un cancer est incertain… ce sera l’incapacité», explique un consultant en RH. Et l’on pourra ajouter cyniquement une précipitation vers la mort de ce malade doublement exclu.
A un cadre en convalescence qui avait beaucoup donné avant de tomber gravement malade, un patron également actionnaire n’avait trouvé de mieux que de lui poser cette question assassine : «Peut-on toujours compter sur vous ?». Histoire de lui faire comprendre qu’il serait impossible de le garder s’il n’arrive pas à retrouver rapidement le rythme.
Mais souvent, il est rare, sur la place, qu’on en arrive à cette issue moralement réprouvable, même si le coût financier peut être important et que le code du travail offre la possibilité à l’entreprise de se séparer d’une personne qui aligne plus de 180 jours d’arrêt maladie continu au cours d’une même année. En cas de maladie, le salarié doit, à partir du 4e jour, faire signer par son médecin un avis d’arrêt de travail. En effet, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) ne commence à payer les indemnités journalières pour maladie (IMJ) qu’à partir du 4e jour. La loi n’oblige pas l’entreprise à payer son employé pendant l’arrêt de travail. Il est en effet difficile de payer une personne à ne rien faire. En retour, est-il correct de l’enfoncer pour une raison indépendante de sa volonté ? A défaut de dispositions juridiques protégeant le malade (le code ne parle que de maladies professionnelles) ou l’aidant à se maintenir dans son emploi, l’entreprise trouve souvent des arrangements. A un collaborateur atteint d’une hépatite C, par exemple, on a proposé une retraite anticipée… ou une possibilité de reconversion.
Pour éviter ou limiter les désagréments que provoque un arrêt maladie, il est important d’agir en amont. Certes, beaucoup d’entreprises ont des contrats d’assurance assurant une couverture confortable et depuis l’entrée en vigueur de l’Assurance maladie obligatoire, les malades sont mieux pris en charge, sans compter que la CNSS se substitue à l’entreprise pour le paiement d’une fraction du salaire. Mais «l’entreprise peut anticiper ce type de situation afin de pourvoir assurer une certaine sécurité à travers des contrats d’assurance couvrant les maladies chroniques et une partie des dépenses qu’elles engendrent», recommande Mme Ennajbi. Quand les soins sont bien pris en charge, le malade a souvent la possibilité de se remettre très vite.
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