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Carrière

Brown-out, la nouvelle souffrance professionnelle

•Le brown-out touche principalement les entreprises hiérarchisées où il est difficile de cerner sa réelle contribution.
• Il peut mener loin par ses impacts et effets collatéraux qui peuvent prendre des dimensions de remise en question de toute une carrière.
• Il peut également atteindre les professionnels qui, sur le terrain, sont confrontés à une réalité bien éloignée de leurs attentes et de leur vocation initiale. En 2018, Dr.Baumann a défini la ‘‘maladie de l’absurdité’’ dans son livre «Brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens».

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Nous sommes nombreux à vouloir un travail qui nous permet d’être alignés avec nos valeurs et d’assouvir nos besoins existentiels (lien social, utilité, identité…). Cette quête de sens a été toutefois exacerbée par la crise sanitaire. En effet, le retrait professionnel (arrêt d’activités, chômage partiel, télétravail) nous a interpelés sur la finalité de nos missions, notre contribution/épanouissement, notre alignement avec les valeurs de l’entreprise et sur l’utilité de notre emploi.
Des métiers nous ont paru essentiels (médecins, infirmiers, enseignants…) et d’autres inutiles, voire néfastes à la collectivité. Vous avez peut-être voulu aider, contribuer mais n’avez rien pu faire. Les nouvelles technologies utilisées par un système de management multimodal sont venues bouleverser les frontières spatio-temporelles, impliquant une adaptation, un sentiment d’insécurité et une remise en question permanente.
Vous avez probablement déjà entendu parler de burn-out et de bore-out mais connaissez-vous le brown-out : la maladie du désengagement professionnel ?
Faisons tout d’abord la différence entre ces trois syndromes :
Vous êtes en surcharge continue de travail, vous surinvestissez par excès ou pour légitimer votre compétence, ressentez de l’épuisement physique, mental et émotionnel et une forte pression ?
Si oui, la spirale infernale du burn-out risque de vous consumer progressivement.
Risque psycho-social apparu en 1969, reconnu par l’OMS en 2019 et fréquent au Maroc (49% dans la santé), il se caractérise par plusieurs symptômes: insomnies, stress, douleurs musculaires, troubles digestifs, problèmes cardiaques, addictions, détérioration des relations, difficultés de concentration…
Par ailleurs, vous vous ennuyez par une sous-charge de travail, vous vous sentez «mis au placard» et effectuez des tâches répétitives sans challenge ni plaisir ?
Le bore-out, tourbillon de l’ennui professionnel vous guette. Apparu en 2007 et caractérisé par des sentiments de démotivation, d’anxiété, d’isolement, de culpabilité et de tristesse. Difficile quand-même d’avouer que l’on s’ennuie alors que d’autres sont débordés ou au chômage !
Qu’en est-il alors quand le travail devient absurde, que l’on ne comprend plus ni le sens ni la finalité et que l’on perd toute motivation pour le réaliser ?
Au-delà de ces deux affections psychiques reconnues, le brown-out a été identifié comme la nouvelle souffrance professionnelle.

De quoi s’agit-il ? Causes et symptômes
Expression désignant une chute de tension, le concept est évoqué pour la première fois en 2013 par l’anthropologue américain D.Graeber dans «Bullshit Jobs». Selon lui, les nouvelles technologies ont non seulement entraîné une profonde mutation, mais aussi créé des métiers ‘inutiles’, où le collaborateur ne cerne plus la valeur de sa contribution et démontre une forme de lassitude. En 2018, Dr.Baumann a défini la ‘maladie de l’absurdité’ dans son livre «Brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens».
Véritable mal-être en entreprise, le brown-out résulterait principalement d’une perte de sens et une contre-productivité au quotidien, un sentiment de perte de temps et de ne plus être à sa place, une incompréhension de l’utilité et de la valeur de ses missions, plusieurs changements et un manque de visibilité sur l’évolution de son métier, des objectifs irréalistes et un manque d’autonomie et de reconnaissance, des conflits internes permanents induits par des missions contraires à ses valeurs, engendrant une souffrance éthique et un mal-être professionnel.
Un processus destructeur s’installe insidieusement avec des effets dommageables sur la santé physique et psychique. Même s’il se manifeste de façon moins violente et visible que le burn-out, il risque de se multiplier très rapidement. En effet, 55% estiment que le sens du travail s’est dégradé (Enquête Deloitte 2017) et plus de 54% se sentent fatigués et désengagés de leur travail (Source:IPSOS).
Le collaborateur reste alerte, mais totalement démotivé et désengagé. Il continue à travailler sans plaisir comme un automate, et démissionne intérieurement de ses fonctions, considérées absurdes, moins stimulantes, souvent contraires à ses valeurs et en dessous de ses qualifications.
Sa perte de motivation progressive avec irritation et apathie en constitue le symptôme principal. Il traîne les pieds, procrastine, rechigne à s’investir, s’ennuie en réunion, est moins productif et ne manifeste aucun intérêt pour ce qu’il fait, même s’il y passe du temps. Il se sent dévitalisé, démotivé, épuisé, inutile, étouffé dans son potentiel, en désillusion quant à la qualité du travail à réaliser et en colère sans véritable raison. Il a l’impression de perdre ses repères et ne sait même plus quelle orientation donner à sa carrière : écartelé entre la nécessité d’avoir un emploi et l’impression de mener des tâches contre-productives, vaines, inutiles et sans aucun sens.
J’entends souvent: «Je ne comprends plus ce qui m’arrive! Comment faire pour m’en sortir?». L’accompagnement par un professionnel permettrait de prendre du recul et de reconnaître la perte de sens et le risque de brown-out.
D’autres symptômes sont moins visibles: perte d’attention, perte du sens de l’humour, sentiment de dépréciation de soi, d’anxiété et de mal-être, remise en question professionnelle et personnelle, insomnies, stress intense, dégradation de ses relations professionnelles (isolement, agressivité, cynisme…), sentiment d’impuissance et repli sur soi jusqu’à glisser lentement vers un état dépressif, voire une tentative de suicide en raison du sentiment de vide ressenti.
La vie sociale est impactée, l’absentéisme augmente et une démission est souvent envisagée pour se reconvertir et remettre du sens dans sa vie professionnelle.
Le brown-out touche principalement les entreprises hiérarchisées où il est difficile de cerner sa réelle contribution, notamment les dirigeants ne pouvant prendre en main leur carrière ou limités dans leur prise de décision et les jeunes salariés surdiplômés aux compétences et potentiel sous-valorisés. Ainsi que les professionnels qui, sur le terrain, sont confrontés à une réalité bien éloignée de leurs attentes et de leur vocation initiale (professeurs, consultants, coachs…).

Comment le prendre en charge ?
D’abord, admettre sa souffrance et en parler au plus vite pour s’en sortir et se reconstruire et ne pas empirer la situation. Seul un professionnel de santé pourra guider vers une prise en charge adaptée. Il reste entendu que l’accompagnement par un coach ne se substituerait aucunement à une consultation médicale, mais permettrait en complément d’avancer plus rapidement vers la guérison et d’en garder les bénéfices sur le long terme. Cela permettrait de se poser les bonnes questions, de prendre de la hauteur pour remettre du sens dans sa vie et se reconnecter à ses sources de motivation pour mieux réorienter ses choix et éventuellement envisager une reconversion professionnelle et un bilan de compétences dans la foulée.
Le concerné se retrouve ainsi en meilleure santé psychique, plus présent, plus motivé et plus créatif au service d’une entreprise plus performante. Par ailleurs, en parler à son manager permettrait de revaloriser ses missions. Et si son travail s’avérait incompatible avec son niveau de compétences et son potentiel, il serait judicieux de s’orienter vers un poste plus adapté avec des missions plus stimulantes et une vision plus constructive, sinon envisager une reconversion professionnelle, voire un départ si nécessaire. Pour certains, l’activisme social a été envisagé comme rempart contre le brown-out: investir des métiers porteurs de sens pour contribuer et se sentir plus utile (cause humanitaire, écologique, sociale, entrepreneuriat solidaire dans le monde associatif, secteur hospitalier…).

Vers des entreprises «responsabilisantes» et des managers porteurs de sens
Afin d’éviter le désengagement dans ce monde instable “post-Covid19”, et face à des collaborateurs exigeants et cherchant leur utilité dans ce nouvel écosystème, les entreprises doivent redonner du sens et mobiliser à nouveau leurs équipes pour faire la différence.
Des innovations améliorant les conditions de vie au travail n’ont cessé de germer (espaces de co-working interactifs, Chief Happiness Officer, télétravail à 100%, congés illimités…). Mais sont-elles pour autant suffisantes ?
Des entreprises se sont fait accompagner par des coachs pour redéfinir leur raison d’être et aligner l’amélioration de leur expérience client à celle de leurs collaborateurs. A titre d’exemple, Carrefour qui a intégré le concept de Symétrie des attentions, avec un label «Équipe heureuse, Client heureux».
Gage d’engagement de leurs collaborateurs et pour une meilleure performance économique et sociale, des entreprises «responsabilisantes» ont considéré quatre leviers efficaces:
1. Responsabiliser et faire confiance surtout aux opérationnels et prôner la subsidiarité à la délégation.
2. Privilégier l’autonomie, donner droit à l’erreur et favoriser la prise d’initiative;
3. Être à l’écoute des bonnes pratiques et feedback des collaborateurs terrain.
4. Opter pour un management de proximité favorisant l’écoute, l’échange, la disponibilité et la reconnaissance des qualités de chacun.
En plus de la mise en place de mesures préventives assurant la santé physique et mentale et une qualité de vie au travail (médecine du travail, dialogue social de qualité, audits psychosociaux), des formations de sensibilisation et des liens avec des tiers professionnels dans la santé et la relation d’aide.
Les managers, en tant qu’acteurs clés, veilleront à réenchanter leurs collaborateurs en leur donnant du sens ainsi que l’envie d’entreprendre ensemble au sein d’un collectif serein.
Grâce à un management horizontal, favorisant la coopération, le bien-être, l’adhésion et l’appartenance, ils responsabiliseront et partageront régulièrement des informations structurées en cohérence avec les orientations stratégiques. Un réel challenge pour le management multimodal actuel dispensé en mode hybride.
Ceci, au détriment d’un style de management vertical destructeur de sens, prônant le contrôle et la centralisation des prises de décision.
Aujourd’hui, plus que jamais, la prise en charge du brown-out constitue un réel défi pour l’entreprise à visage humain, qui a su intégrer le bien-être de ses collaborateurs dans son quotidien et le mettre au service de sa performance et de sa productivité. Sans omettre d’accompagner les managers car ils peuvent eux-mêmes souffrir de brown out.
Quant à vous, n’oubliez pas de :
• Prendre régulièrement du temps pour vous reconnecter à vos besoins et ressentis.
• Vous centrer sur vos réussites pour maintenir votre motivation.
• Demander les moyens nécessaires pour exécuter vos missions.
• Veiller à diversifier vos centres d’intérêt et à préserver votre équilibre de vie.
• Et surtout solliciter l’aide d’un spécialiste si nécessaire.