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Carrière

Brown-out : entretien avec Malgorzata Saadani Coach ICC

Désengagement progressif, laisser-aller sur la qualité des rendus, manque de discipline…, le brown-out se manifeste par plusieurs signes. Les conditions de travail, le mode de management, mais aussi le comportement individuel, sont à l’origine du mal.

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Après le burn-out et le bore-out, le monde de l’entreprise connaît un nouveau syndrome de travail, le brown-out. Malgorzata Saadani, coach international ICC, revient sur les principales caractéristiques de ce mal et les solutions pour y remédier.

Quelle définition donner au brown-out ? Est-ce vraiment un syndrome de souffrance au travail ?

Le brown-out dans le domaine du management des ressources humaines est un terme relativement récent, et qui complète les deux autres états décrits auparavant, à savoir le burn-out (l’épuisement par l’excès du travail et du stress) et le bore-out (l’ennui par manque de challenges). Le brown-out qui nous intéresse aujourd’hui est issu à l’origine du monde de la technique et signifie littéralement une chute de tension, une panne de courant. Dans le sens figuré, ce courant équivaut à la motivation qui est un élément clé d’une attitude positive au travail. Se sentir utile, voir l’impact de ses actions sur la réussite collective, obtenir la reconnaissance morale et matérielle pour ses efforts en sont autant de facteurs indispensables. Quand l’un ou plusieurs d’entre eux ne sont pas suffisants, la souffrance peut apparaître. Cependant, cette souffrance est une notion relative et subjective parce que les individus n’ont pas la même sensibilité ni la même évaluation de leur situation.

 Qui fait le plus de mal à votre avis, le brown-out ou le burn-out ?

Les deux sont nocifs, mais chacun de manière différente. Le burn-out est visible beaucoup plus clairement, y compris par les symptômes physiques. En plus, les chercheurs et les praticiens du domaine RH le connaissent mieux et depuis plus longtemps, ils ont donc plus l’habitude de le repérer et de le traiter. Par contre, le brown-out est plutôt sournois, il se fait discret. Il se réfère à la motivation intrinsèque de l’employé, et à l’adéquation des leviers de motivation organisationnels avec la personnalité de chaque collaborateur, à un stade précis de sa carrière tout en sachant que dans la durée les priorités changent leurs coefficients d’importance. Pour tout dire, repérer les signes du brown-out est un travail de fourmi et demande du temps. Dans ce cas, le risque principal pour l’entreprise est le turnover important.

Comment le reconnaître ? Et quels sont les comportements observés chez les individus lassés par leur travail ?

Le brown-out se caractérise par le désengagement progressif lié à la perte du sens du travail. L’observation attentive constante révèle un laisser-aller sur la qualité des rendus, sur la discipline (les absences justifiées et injustifiées, les retards), le relâchement des liens relationnels et de la communication verticale, le désintérêt envers les initiatives, les nouveautés et la formation continue. En un mot : une passivité trop importante pour être juste un phénomène passager.

Est-ce une problématique de personnes ou d’organisation ?

Comme toujours dans ce genre de situations, les deux parties sont concernées. L’organisation aurait besoin d’améliorer son organigramme, le descriptif des postes, le système de motivation et la communication interne pour donner du sens clairement identifiable au travail de chacun. De leur côté, les collaborateurs qui ressentent une baisse de motivation passagère devraient quand même faire de leur mieux pour accomplir leurs missions, et surtout parler franchement de leurs préoccupations avec les managers de proximité. N’oublions pas qu’un relâchement de longue durée, doublé éventuellement des soucis personnels dé-fidélise la personne par rapport à son entreprise, la pousse à la démission et peut même conduire à une forme de dépression. Il est donc très important d’en repérer au plus tôt les signes inquiétants et agir pour ne pas accumuler les problèmes.

Comment réagir face à cette situation, tant au niveau individuel que collectif?

Comment donner à quelqu’un envie d’avoir envie et la maintenir à un niveau suffisant ? C’est surtout une question d’éducation de base dès le plus jeune âge, tant familiale que sociétale et scolaire: cultiver la valeur travail, la satisfaction de contribuer au bien-être collectif, le civisme, la responsabilité personnelle, la rigueur, la franchise. Dans des conditions favorables, l’individu développe son auto-conscience et prend ses décisions vitales (y compris celle de l’engagement professionnel) en toute connaissance de ses motivations, de ses valeurs et de ses attentes. Ça facilite l’intégration et l’adéquation avec ce que l’entreprise aura à lui proposer.
Au sein de l’organisation, toutes les strates du management en commençant par le top, en passant par le département RH et en incluant celui de proximité, doivent agir de concert pour avoir une ligne de communication coordonnée en matière d’objectifs et d’explication de la place et de l’importance de chacun dans la structure. De sorte que chaque collaborateur puisse saisir les tenants et les aboutissants des missions dans lesquelles il est impliqué.

Évidemment, les bonnes pratiques quotidiennes étendues sur toute la structure contribuent à prévenir le brown-out : l’équité des traitements, les plans de carrière selon des règles transparentes, le repérage des préférences individuelles en matière de motivation, etc.

Lorsque nous parlons de motivation, il faut aussi mentionner les différences psychologiques générationnelles: les X, les Y les Z – qui n’ont pas le même rapport au travail et sont différemment sensibles aux leviers de motivation. Les gestionnaires RH avisés le savent et affinent leurs outils pour prévenir tous les phénomènes nocifs, y compris le brown-out.