Carrière
Aujourd’hui ce sont les fameuses «soft skills» qui font les bons commerciaux
Depuis près de deux ans, l’impact de la Covid-19 a fait bien des dégâts dans beaucoup d’entreprises. Face à cette situation, mobiliser sa force de vente nécessite beaucoup de tact. Pour Mohamed Bennouna, Directeur général du cabinet F2V Maroc, la crise actuelle va à nouveau mettre les commerciaux sous tension, mais aussi permettre aux candidats de révéler leur potentiel et leur valeur pour les structures. Explications.
• Beaucoup d’entreprises souffrent d’un déficit de commerciaux, quel constat dressez-vous actuellement ?
Trois tendances se combinent depuis plusieurs années. La vente a mauvaise presse au Maroc et ailleurs. Nos étudiants ne veulent pas en faire, ce n’est pas une filière royale. Les meilleurs s’orientent vers la finance, l’entrepreneuriat ou le marketing. Les nouveaux arrivants sur le marché du travail se font de plus en plus rares, alors que les entreprises ont de plus en plus de besoins ces dernières années.
Il faut dire qu’il y a peu de bonnes écoles de vente au Maroc. Les écoles de commerce deviennent des écoles de management et délaissent les programmes dédiés à la vente. Les entreprises n’ont pas le temps d’investir en formation, car le temps des commerciaux impacte directement le business. Par conséquent, il est difficile de trouver des profils bien formés.
Il faut dire aussi que le métier a profondément évolué depuis une dizaine d’années. Le marché s’est digitalisé et les acheteurs se sont professionnalisés. Aujourd’hui, ce sont les fameuses «soft skills» qui font les bons commerciaux (écoute active, empathie, force de conviction, leadership, ambition, enthousiasme et humilité…)
Si je dois dresser un constat, c’est un rapport de force entre l’entreprise et les candidats qui s’est inversé. Les commerciaux sont de plus en plus nombreux à ne pas donner suite à un entretien ou changer de job en raison de la rémunération (fixe trop bas, variable plafonné…). Ils savent qu’ils trouveront rapidement mieux ailleurs.
• Est-ce que la crise n’a pas réellement porté préjudice à cette population ?
Les fonctions commerciales sont habituées à traverser des crises. Elles sont réputées pour leur force de caractère et leur résilience, deux qualités fondamentales pour aider l’entreprise à conquérir de nouveaux marchés et relancer leur activité. La crise actuelle va à nouveau mettre ces professionnels en tension mais aussi permettre aux candidats de révéler leur potentiel et leur valeur pour les structures.
La période de confinement a forcé la profession à réinventer ses pratiques : les commerciaux les plus imaginatifs et adaptables ont su maintenir leur activité, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire et la santé, essentiels pendant la crise.
Extrêmement recherché en 2021, le Business Developer ou Ingénieur Commercial restera particulièrement prisé en 2022, et ce dans tous les secteurs d’activité. Expert de l’environnement commercial dans lequel il opère, ce professionnel établit la stratégie commerciale en vue d’étendre les activités de l’entreprise et d’en pérenniser la croissance sur le long terme. Ce positionnement fait de lui, plus encore dans le contexte actuel, un pilier pour les organisations.
• Quels sont aujourd’hui les challenges d’une équipe commerciale ?
Depuis près de deux ans, la Covid-19 et ses conséquences ont eu un impact fort sur beaucoup d’entreprises. Incertitudes, craintes, confinements, couvre-feux… En 2021, le moral de beaucoup de collaborateurs d’entreprises était au plus bas. Les industries et commerces ont subi nombre de fermetures. Des semaines, des mois d’activité ont été mis à mal, impactant très fortement le chiffre d’affaires des entreprises ainsi fragilisées.
Il est donc urgent de reprendre la main ! Face à cette situation il faut optimiser sa force de vente. De nouveaux enjeux nécessitent une organisation efficace dans ce contexte.
Faire le point sur la situation de l’entreprise afin d’en définir les nouvelles priorités : reconquérir des marchés, faire face à de nouveaux concurrents nés pendant la crise sanitaire, rassurer des prospects et clients inquiets, offrir de nouveaux modes de gestion et d’interactions et proposer d’autres canaux de distribution. Je pourrais conclure sur «vendre plus et vendre vite».
• La performance des équipes commerciales passe nécessairement par leur motivation, une thématique encore plus cruciale en temps de crise. Comment motiver ou remotiver une équipe ?
L’un des axes de motivation c’est de voir nos commerciaux comme des guerriers. Et les faire s’entraîner au maximum, comme un sportif, pour avoir la médaille d’or !
Ces salariés ont aussi de nouvelles attentes qui contribueront à leur motivation : flexibilité, autonomie, prise en compte du bien-être, transparence… La Covid a entraîné des changements comportementaux et de mentalité. La question n’est pas d’y résister mais de les accompagner.
Il faut des gens qui adhèrent au projet. Donc il faut l’expliquer, montrer son intérêt collectif et faire comprendre ce que chacun apporte, autrement dit donner du sens au travail.
Je préconise un management de proximité encore plus important. Les commerciaux sont encore plus seuls que d’habitude, il faut un temps de parole et de l’écoute. Si on me demande où investir, je dirais qu’il faut plus de managers.
C’est l’individu qui porte le collectif, pas l’inverse. Il faut manager des objectifs collectifs, mais re-personnaliser la relation avec le manager. Il y a aujourd’hui cinq erreurs qui ne passent plus : communiquer comme si la situation était redevenue normale, ne pas associer les personnes aux décisions qui les concernent, communiquer de façon trop combative, stigmatiser les collaborateurs et être réfractaire au changement.
Les managers doivent être «virtuellement visibles» , sur-communiquer et être attentifs au bien-être des équipes, pas uniquement à la performance.
• Cela prend-il du temps ?
La situation exceptionnelle que nous vivons nous oblige à nous adapter et réagir rapidement pour limiter les pertes et reprendre l’activité. Qu’il s’agisse de l’offre commerciale, des cibles ou des process et modes d’organisation, toutes les entreprises ont dû effectuer de nombreux changements.
L’agilité est donc le maître-mot pour relancer le business. En la matière, les challenges sont parfaitement appropriés par leur simplicité et leur rapidité d’installation. En effet, les opérations de stimulation permettent de mettre en place facilement des objectifs à court terme, idéal pour appuyer le plan d’action post-crise qui nécessite une rapidité d’exécution. Les critères de performances sont personnalisés en fonction des différentes actions et objectifs à atteindre et les choix des types de récompenses également.