Carrière
Attirer les bons profils : Entretien avec Saad Benkirane, DG du cabinet Idoine
Aujourd’hui, les bons candidats se posent des questions pas uniquement sur la politique de rémunération mais aussi sur la gouvernance et le cadre de travail et se renseignent sur les réseaux sociaux avant de rencontrer l’entreprise en question. Le risque pour l’entreprise est de vendre une image qu’elle n’a pas.
Dans un marché où les talents se font rares, ce n’est plus seulement aux postulants de se montrer convaincants mais aussi aux entreprises de savoir vendre le poste à pourvoir. S’il existe un risque aujourd’hui, c’est celui de rester convaincu que l’entreprise se vend d’elle-même et de ne pas se préoccuper de son attractivité, de sa capacité à attirer et retenir les talents. Explications avec Saad Benkirane, DG du cabinet Idoine.
On ne cesse de déclarer que la guerre des talents fait rage sur le marché de l’emploi. Avons-nous atteint le stade où les «bons candidats» choisissent leur entreprise et non l’inverse ?
Aujourd’hui, les candidats évaluent et choisissent l’entreprise qu’ils veulent intégrer et dans laquelle ils souhaitent évoluer au même titre que l’entreprise évalue et choisit le candidat qui lui convient le mieux. S’il existe un risque actuellement, c’est celui de rester confortablement convaincu que l’entreprise se vend d’elle-même et de ne pas se préoccuper véritablement de son attractivité, de sa capacité à attirer et retenir les talents et à pérenniser ainsi l’investissement en formation et en expérience que l’on offre aux personnes qui intègrent l’entreprise. Autre risque qui existe : celui de vendre une image que l’on n’a pas. Aujourd’hui, les bons candidats se posent des questions sur la gouvernance des entreprises, se renseignent sur les réseaux sociaux avant même de rencontrer l’entreprise en question.
Autrement dit, c’est aux entreprises de se montrer convaincantes ?
Tout à fait ! Beaucoup d’entreprises ne travaillent pas leur image. Par exemple, beaucoup d’entreprises ne donnent pas de feed-back aux candidatures spontanées, sans parler parfois de l’accueil désagréable réservé aux candidats lors des entretiens. Ce qui nuit forcément à leur image.
Aujourd’hui, il existe un nombre limité de compétences sur le marché et c’est l’attitude de l’entreprise vis-à-vis d’elles qui fera qu’elle est attractive ou pas. Et c’est bien pour cela qu’il existe -au Maroc et ailleurs- des entreprises attractives où tous les CV se bousculent. Et qu’il en existe une multitude d’autres qui le sont moins et qui souffrent pour recruter et conserver leurs collaborateurs…
Justement, comment ces entreprises qui souffrent du manque d’attractivité peuvent-elles agir pour «séduire» les bons profils ?
Il ne s’agit pas de séduire car la séduction a son effet limité dans le temps. L’objectif est d’attirer et de retenir.
La notoriété de l’entreprise doit être entretenue constamment. C’est la congruence entre le discours et la réalité. Car chaque entreprise a sa propre identité, sa culture, ses atouts et qu’il ne s’agit aucunement de les dénaturer pour rentrer dans un moule. J’ajouterais même que la notoriété est une affaire interne avant qu’elle ne soit externe.
Malheureusement, beaucoup d’entreprises se focalisent sur l’image à donner en externe sans se soucier des problèmes qu’elle vit en interne. Les entreprises qui s’y intéressent véritablement et qui en ont fait un projet structurant, étudié et cohérent restent minoritaires. Mais la réalité du marché rattrape celles qui ne s’y sont pas attelées et la «lucidité» sur la nécessité de s’intéresser à ce volet est croissante.
Pour revenir à la question, toute entreprise peut faire un bilan d’attractivité sur les volets internes, à travers l’analyse d’un certain nombre d’indicateurs (candidatures spontanées, taux de réponse aux annonces, turn-over…) et sur les volets externes (enquête d’attractivité sur le marché de l’emploi). Ensuite, elle peut définir sa stratégie d’employeur : analyse de l’environnement interne et externe, écoute des partenaires clés, d’un échantillon de collaborateurs, et ce, afin de pouvoir clairement identifier ses atouts (politique de management, métiers…).
n Quid des PME puisque malheureusement, ce sont les petites structures qui n’arrivent pas souvent à attirer les meilleurs candidats ?
Il est vrai que la PME peut être attractive pour les candidats qui débarquent sur le marché de l’emploi. Souvent, elles sont considérées comme une étape pour acquérir de l’expérience. Heureusement, dans plusieurs secteurs d’activité, des PME marocaines ont réussi leur mise à niveau et adoptent aujourd’hui un système de management moderne et évolutif. Il y a de plus en plus de transparence dans ces entreprises dont certaines s’introduisent en bourse et d’autres exportent leur savoir-faire vers plusieurs pays.
Certains candidats s’orientent vers des PME pour occuper un rôle plus pondérant dans la stratégie de développement de l’entreprise, avoir une relation plus proche avec le patron et une vision globale sur leur métier. Il y en a qui sont aujourd’hui prêts à échanger le prestige et la notoriété de la grande entreprise qui les emploie contre plus de responsabilité dans une PME.
La question de la rémunération est souvent celle qui retient les esprits. Faut-il aller jusqu’à la personnalisation des rémunérations pour être attractif ?
Oui, toute entreprise peut le faire tout en restant cohérente dans sa politique de rémunération. Sans pesée réelle du poste, on ne peut donner des salaires à la tête du client. Il suffit que le candidat ait une compétence distinctive pour que sa rémunération soit différente par rapport aux autres.Dans certains cas, cela peut être la maîtrise technique, la connaissance d’un marché ou tout simplement la maîtrise d’une langue particulière.Sinon, in fine, on tombe dans l’iniquité.