Carrière
A armes égales, c’est la qualité du management qui permet aux entreprises de faire la différence
Beaucoup de doute et d’angoisse, et une grande attente de signaux forts d’une reprise au début 2010.
Un bon leadership, le recrutement de bons profils sur de bonnes définitions de fonction et le travail d’équipe sont parmi les principaux critères de réussite.
Les cadres et les employés se sentent de plus en plus sous pression.

Dans l’ensemble, 2009 a été une année décevante, à cause de la crise qui a eu des répercussions notables sur l’activité économique. Naturellement, quand l’entreprise est touchée, ce sont les salariés, cadres et employés, qui sont les premiers à en souffrir. Faute de moyens, des promotions peuvent être bloquées et les primes réduites ou tout simplement différées. Il revient alors aux dirigeants d’expliquer, de rassurer et de montrer la bonne voie. Coach, formateur en média training, Slim Kabbaj, président d’Is Force, fait brièvement le point sur l’année qui vient de s’écouler, met en exergue quelques erreurs à éviter et partage quelques bonnes pratiques à adopter pour 2010 (voir encadré). Il n’est jamais trop tard pour agir.
Au regard des contacts réguliers que vous avez avec les dirigeants, quel bilan faites-vous pour 2009 ?
Selon ma perception et mon expérience directe avec les dirigeants de multiples entreprises au Maroc, le bilan que je fais est mitigé. Si ce fut une année de crise sur le plan international, à l’échelle micro-économique nationale, les divers secteurs économiques ont connu des fortunes diverses. Certaines entreprises, quoiqu’en nombre limité, ont fait du chiffre d’affaires, générant une croissance significative ; d’autres se sont endettées ou se sont installées en mode survie, ou alors ont carrément mis la clé sous la porte. Au-delà de l’optimisme apparent et des déclarations de bonne intention, il y a beaucoup de doute et d’angoisse, et une grande attente de signaux forts d’une reprise au début 2010.
Que faire pour éviter l’enlisement ou, pour rester positif, consolider les acquis ?
Ce qui devient significatif et judicieux de souligner, car pas assez analysé et communiqué, c’est qu’à armes égales, le management moderne fait la différence. Les dirigeants qui se mobilisent avec beaucoup de travail et d’agressivité, qui gèrent adéquatement les priorités, qui mobilisent l’énergie nécessaire pour mettre en place des organisations bien structurées et des règles de fonctionnement claires, qui exercent un bon leadership et qui recrutent les bons profils sur de bonnes définitions de fonction, ceux-là engrangent des résultats tangibles. Parmi ces bonnes pratiques, le travail d’équipe et le développement d’équipes-projet avec l’autonomie de fonctionnement nécessaire sont payants. A cet égard, on a vu certaines grandes entreprises et PME s’intégrer dans le marché international, en surfant sur les règles du jeu de la mondialisation et en mettant en avant des avantages compétitifs probants.
Il y a aussi les entreprises qui, même si elles n’ont pas connu de croissance, ont profité de ce temps de crise pour se structurer, former leurs cadres et leur personnel et partant se sont préparées pour le futur en bon ordre de marche.
Qu’en sera-t-il des autres ?
Pour les entreprises qui ont fait de l’attentisme, ont fait du surplace pour résister sans investir sur l’avenir, ou encore ont refusé de changer en se figeant sur leurs habitudes et leurs certitudes limitantes, voire sur des positions privilégiées, l’avenir pourrait leur réserver des surprises désagréables. Le client sera, à mon sens, en 2010 et au-delà, de plus en plus exigeant et de plus en plus regardant sur la qualité des services et des produits.
Pour rester sur l’immobilisme, qu’est-ce qui peut hypothéquer l’avenir et le changement ?
Premièrement, la crise n’a pas facilité la prise de conscience de nombre de patrons à la nécessité d’instituer de bonnes pratiques de gestion ; encore nombreux sont les exemples de chefs qui ont perdu pied avec la réalité de l’offre et de la demande, ou ont des attitudes défaitistes par rapport à leur environnement. Les cas ci-dessous ont un impact critique sur la culture de management locale et ont valeur d’exemples négatifs :
– les fuites en avant en matière de dette sans plans stratégiques viables ;
– les cadres dont la formation et l’expérience sont des atouts essentiels pour l’entreprise et qui sont remerciés: le manque à gagner pour l’entreprise est souvent considérable et durable ;
– les dirigeants qui ont du mal à donner du sens en interne et à développer un système RH basé sur la méritocratie ; les cadres et les employés se plaignent du manque de visibilité, de manque de clarté sur les règles et les procédures, de passe-droit, de problèmes de valeur et d’éthique. Les conséquences sur la motivation des employés sont parfois dramatiques;
– la corruption est vécue comme un phénomène parmi tant d’autres qu’il faut gérer et non rejeter.
Deuxièmement, la politique d’orientation client n’est pas suffisamment valorisée et traduite en actions concrètes et continues. Le problème commence à être critique pour beaucoup d’entreprises ; les clients sont parfois pris en otages avec des situations kafkaïennes. Il est encore trop courant de voir les employés en front-office peu concernés par la satisfaction client.
Troisièmement, en matière de délégation, je ne vois pas beaucoup de changement et de progrès, dans certains cas, il me semble qu’il y a même plus de micro-management, avec davantage d’intervention et de contrôle.
Enfin, je perçois beaucoup de stress dans les organisations et sur le marché du travail. La réalité émotionnelle dans les organisations, privées et publiques, est délétère : les cadres et les employés se sentent de plus en plus sous pression, sur leurs nerfs ou sujets aux maladies psychosomatiques (problèmes de peau, problèmes de digestion, dépression, cancers, crises cardiaques). Il est possible que nous ne soyons pas au niveau critique de certains pays européens, mais je constate qu’au Maroc ces aspects sociaux sont gérés comme des problèmes personnels, et vécus encore avec pudeur et dans la discrétion.
