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BMCE Bank se dote d’un numéro deux et FinanceCom se met à  l’heure du recentrage

Le conseil d’administration de la banque, tenu le 24 septembre, a nommé un administrateur délégué général en la personne de Brahim Benjelloun Touimi.
Des filiales du groupe FinanceCom, comme Finatech, Hanouty et Atcom, n’ont pas donné les résultats escomptés.
Le groupe condamné à  se recentrer sur ses métiers historiques que sont la banque, l’assurance et des participations sûres comme les télécoms et le transport.

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Grandes manœuvres stratégiques au sein de FinanceCom. Confronté à la baisse de régime de son principal actif BMCE Bank, un investissement colossal consenti pour prendre le contrôle de Méditel (plus de 4,5 milliards de DH), un effort de diversification aux résultats mitigés et la résurgence des inquiétudes du marché sur la problématique centrale de la succession, le deuxième groupe privé marocain entend bien prouver qu’il mènera sa barque tout seul, quitte à redistribuer les cartes du pouvoir.
En effet, le conseil d’administration de la banque, vaisseau amiral du groupe Benjelloun, tenu à Strasbourg le 24 septembre 2009 (chez l’actionnaire français le Crédit Mutuel), vient d’entériner la nomination, pour la première fois depuis la privatisation de l’établissement en 1995, d’un numéro deux «chargé de la coordination de l’ensemble des entités du groupe». Bien que cette décision n’ait pas encore été officialisée, pratiquement tout le staff de la banque en a été informé et les partants font déjà leurs cartons. Sans surprise, cette nouvelle mission incombe à celui qui incarnait depuis longtemps le rôle du gardien du temple, Brahim Benjelloun Touimi, couramment désigné en interne par le mot formant ses initiales : BBT. Ce dernier, jusque-là administrateur directeur général, a été nommé administrateur délégué général, soit pratiquement un mandataire désigné par le conseil pour gérer la banque. Il faut dire qu’outre l’extrême sens de la réserve et la confiance dont jouit ce banquier auprès des actionnaires, les autres sérieux prétendants parmi le top management soit ont atteint la limite d’âge de la retraite, soit sont chargés d’aller gérer les filiales à l’international et plus particulièrement BOA Group (bras armé de la BMCE en Afrique) pour Mohamed Bennani, en charge jusqu’alors de la Banque Retail, et Medicapitalbank, à Londres, pour Jaloul Ayed qui était en charge jusqu’à présent de la Wholesale Bank.

Medicapitalbank, un coup d’épée dans l’eau ou un investissement de long terme ?
Quels qu’en soient les tenants et les aboutissants, le paquebot, semble-t-il, avait bien besoin d’un seul commandant, sachant que le patron, Othman Benjelloun, aux prises avec un groupe tentaculaire, avait besoin d’être secondé dans la gestion opérationnelle et qu’un commandement collégial (à quatre plus précisément) a suffisamment montré ses limites. Selon les observateurs avisés, la désignation d’un dauphin incarne la volonté de l’actionnaire principal d’une part, de tordre le cou aux rumeurs sur un présumé désengagement de FinanceCom de BMCE Bank, et ce, au point de faire sortir Othman Benjelloun de sa réserve habituelle pour faire un démenti et, d’autre part, de fédérer les  troupes à un moment où les «guerres de chapelles» ont dispersé les énergies et embarqué le vaisseau vers des caps à haut risque. C’est l’exemple du projet londonien de Medicapitalbank, au titre duquel BMCE Bank a implanté au cœur de la City une banque d’affaires et corporate (une première pour un établissement maghrébin). Ce projet qui se veut comme un trait d’union entre les filiales africaines du groupe (plus d’une quinzaine) et les marchés financiers internationaux a déjà perdu des millions de DH sur un total d’investissement de près d’un milliard de DH. Plus précisément, fin juin 2009, la banque a enregistré une provision de 160 MDH au titre de la dépréciation de cette filiale.
Aussi, dans un contexte de décélération de la performance des activités bancaires domestiques, voire une baisse du résultat net social de 6% à 547 MDH à fin juin 2009, de redressement impérieux à mener pour les activités européennes, et d’une certaine démobilisation des troupes face à l’incertitude qui a prévalu au cours des derniers mois, notamment au sein de la Banque Retail (activité de distribution au Maroc), le nouvel administrateur délégué général aura fort à faire pour remettre le groupe sur le chemin de la performance. Et c’est justement sur ce registre que les plus critiques mettent la période euphorique (2003-mi 2008) sur le compte d’un vent favorable alimenté par un effort de surinvestissement (ouverture effrénée d’agences) et d’éléments exceptionnels (plus-values substantielles aujourd’hui taries). Il s’agit maintenant de défendre des parts de marché (dépôts et crédits) conquises alors que BMCE Bank mettait plus de moyens que tout le monde et courait le risque d’investissement à tout-va. 

Hanouty Shop démantelé et ses locaux exploités pour des activités financières
Mais la banque n’est pas le seul actif qui requiert des réglages managériaux ou autres. L’effort de diversification entamé au cours des dernières années, notamment dans la distribution, les nouvelles technologies et la communication/média, semble avoir englouti des fonds conséquents. Aussi, après avoir été lancés en grande pompe, les projets Hanouty Shop (petite distribution alimentaire), Finatech et Atcom sont aujourd’hui pointés du doigt aussi bien pour leur retour effectif sur capitaux employés que pour leur pertinence stratégique.
Hanouty Shop, dont l’un des fondateurs, Moncef Belkhayat, a quitté le navire et le capital dans la foulée de sa nomination en tant que ministre de la jeunesse et des sports, n’a pas encore révolutionné, comme ce fut l’ambition de départ, la petite distribution au Maroc. Le concept de la petite épicerie en franchise a rapidement montré ses limites. Lors de la conférence de presse du 29 septembre, le management de BMCE Bank a même expliqué que le projet est en cours de redéploiement, voire de démantèlement partiel qui aboutira à la transformation d’une partie des points de vente en agences bancaires ou en points de transfert d’argent.  

De l’argent frais pour se renforcer dans les métiers historiques…
Pour ce qui est de Finatech, que d’aucuns n’ont pas manqué de qualifier d’«IBM marocain», elle n’a pas tenu sa promesse de plus-value boursière. La présentation faite à Paris en grande pompe, en décembre 2007, à des banques d’affaires triées sur le volet, dans l’optique d’en sélectionner celle qui devait accompagner, fin 2009, une IPO de près de deux milliards de DH, a finalement fait long feu. Avec un capital de 650 MDH, les artisans de Finatech ont, certes, agrégé en un temps record quelque 22 filiales aux métiers des plus disparates allant de l’installation de portes blindées à l’abonnement à du contenu juridique en passant par l’intégration de réseaux télécoms. Mais la fin de l’euphorie boursière a sonné le glas du dessein de «vendre» au marché, en pleine déraison de valorisation, une belle histoire de consolidation industrielle et commerciale menée dans un délai très court. Avec des investisseurs qui ont remis pied sur terre, la rentabilisation des fonds propres engloutis par ce projet devient, du coup, plus compliquée et sera certainement plus lente d’autant plus que le holding devra démontrer que, loin d’être un gui sur le chêne, son existence renforce la sève de celui-ci (en stimulant la génération du cash-flow par les entités sous-jacentes). Autre handicap de taille, les brevets d’innovation affichés dans le site de Finatech sont le fait de participations minoritaires prises à la Silicon Valley, dont les synergies avec les filiales marocaines n’ont pas été démontrées. Du coup, parler d’un IBM marocain alors que l’effort de  R&D rapportée au chiffre d’affaires (lequel totalise près de 650 MDH en 2008) est, a priori, insignifiant, relève plutôt d’un parallélisme peu crédible à l’heure actuelle.  
Enfin, Atcom (Africa Teldis Communication), autre sous-holding né en 2008 pour asseoir les ambitions du groupe  FinanceCom dans les métiers de la communication, et ce, à l’échelle africaine, risque à son tour de tourner court. Après la création et la prise, dans la foulée, de participations majoritaires dans Mosaïk, Media Jet et Sigma Technologies dans l’optique de créer le premier groupe de communication intégré du Royaume, balayant respectivement la création, l’affichage publicitaire et la production audiovisuelle, il semblerait que l’euphorie initiale ait cédé le pas au scepticisme dans le sillage des turbulences traversées au cours des derniers mois. Ainsi, le non aboutissement de La 3, projet de télévision à diffusion nationale qui avait mobilisé des efforts et des moyens financiers des mois durant, suite à la décision de la Haute Autorité de la communication et l’audiovisuel (HACA) de surseoir à l’octroi de licences télé et le départ inattendu du chef d’orchestre Moncef Belkhayat affaiblissent le projet d’entreprise initial. Le sort d’Atcom est donc suspendu à la décision de la maison mère (FinanceCom) de poursuivre ou non dans cette voie.
En somme, l’issue de ces trois aventures apporte de l’eau au moulin des tenants d’un recentrage stratégique du groupe autour des métiers historiques que sont la banque (BMCE Bank) et l’assurance (RMA Watanya), les télécoms (Meditelecom) et le transport routier (CTM). Un mouvement d’autant plus opportun que BMCE Bank risque fort bien de nécessiter une augmentation de capital pour accompagner son développement aussi bien en interne qu’à l’international.