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Bientôt des insectes dans nos assiettes ?
Riches en protéines, grillons et autres scarabées représentent une alternative écologique prometteuse. Rencontre avec des entrepreneurs qui se sont lancés dans l’élevage d’insectes.
En raison de l’augmentation de la population mondiale et de la demande croissante en protéines qui en découle, de jeunes entrepreneurs affirment que les insectes constituent une solution alternative écologique et durable, ayant un faible impact environnemental. Riches en protéines, en acides gras essentiels et en minéraux, grillons et autres scarabées requièrent moins d’eau et d’espace que les autres sources de protéines. Autant d’avantages qui en font le nouvel eldorado de l’élevage. Dans cette optique, de nouveaux projets innovants voient le jour au Maroc, tels que Iziproteine et Renov Protein, deux start-up qui pourraient révolutionner nos perceptions et nos modes de consommation. Spécialisées dans l’élevage et la transformation des insectes, elles fournissent, d’une part, des protéines destinées à l’alimentation et, d’autre part, de l’engrais.
Aliments à base d’insectes, la nourriture du futur
IZIproteine a été créé en 2020, pendant le confinement, par Hasna Afounnas et son époux Mohamed Moustahfid. Le couple a conçu une méthode naturelle et écologique pour transformer les déchets alimentaires en une source de protéines respectueuse de l’environnement, afin de lutter contre la rareté des ressources avec une empreinte carbone minimale. «Notre entourage a eu du mal à accepter l’idée d’élever des insectes. Ils nous ont pris pour des fous !», confie Mohamed. «Cependant, grâce à notre persévérance et au soutien de plusieurs incubateurs, nous avons réussi à concrétiser notre projet». Dans sa ferme verticale, le jeune couple valorise les déchets organiques en utilisant la technologie de bioconversion, avec l’aide d’un insecte respectueux de l’environnement appelé la mouche soldat noire. Au cours de sa vie, une femelle peut pondre entre 700 et 900 œufs.
Pour se développer dans des conditions optimales, ces insectes ont besoin d’une exposition à la lumière et d’une température variant entre 25 et 30 degrés, ainsi qu’un taux d’humidité compris entre 60 et 70%. «Nous collectons les déchets organiques provenant des marchés et les transportons dans notre unité. Après broyage et fermentation, nous les donnons à manger aux larves de notre insecte», explique Mohamed. «Au bout de 12 jours, les larves sont matures et passent à l’étape de transformation. Ensuite, nous séparons les larves de leurs déjections, qui sont utilisables comme fertilisants biologiques en agriculture. Quant aux larves, elles servent de nourriture pour les animaux, tels que les oiseaux, les reptiles et les ouistitis. Le prix d’un kilo de larves sèches peut atteindre 350 dirhams. IZIproteine est capable de valoriser jusqu’à 2 tonnes de déchets organiques par jour». Ce traitement permet d’extraire plus de 400 kilos de fertilisants biologiques et de larves vivantes. «Nous aimerions élargir notre gamme de produits, mais nous sommes confrontés à un manque de textes juridiques autorisant l’utilisation de la farine à base d’insectes en alimentation animale», déplore Mohamed, ajoutant que «c’est un vrai frein qui entrave le développement de cette filière».
Le Maroc, une référence mondiale dans ce secteur ?
Renov Protein élève et transforme un autre type d’insectes. Il s’agit des Ténébrions Molitor, un petit scarabée dont les larves sont appelées les larves de farines. «On a mené à bien notre projet pilote. On a commencé avec 4 kg de Ténébrions Molitor, et on est arrivé en 6 mois à les multiplier par 1.000», précise Guillaume Regnery, co-fondateur de la start-up Renov Protein.
Cette organisation propose des protéines alimentaires, des lipides et des fertilisants 100% naturels à base d’insectes. Guillaume, qui a eu l’idée de lancer ce projet pendant le confinement, souligne qu’ils ont également un quatrième produit en développement, la chitine, qui sera utilisée pour la production de nano-textiles et de peau artificielle. «Je suis né et j’ai grandi au Maroc, et je sais que ce pays a toutes les qualités pour être une référence continentale et mondiale dans ce secteur», affirme-t-il.
Ce jeune entrepreneur a eu l’opportunité de bénéficier de plusieurs mois d’accélération au sein du Cluster Solaire Maroc, de Montpellier Business School et de l’incubateur HEC à la Station F de Paris. Afin de mettre en place son usine de production de manière légale et officielle, Guillaume espère réaliser une levée de fonds de 25MDH et contribuer à l’évolution de la législation marocaine.
«Selon la FAO, le monde manquera en 2030 de 60 millions de tonnes de protéines, et nous sommes obligés de trouver des alternatives qui sont surtout durables. Le Maroc autorisera forcément, un jour ou l’autre, ce genre d’industrie pour la consommation animale, puis humaine», pronostique-t-il.
Il ajoute : «A notre niveau, nous allons vendre la farine à base d’insectes à des industries de transformation en vue de la conditionner sous d’autres formes en fonction des marchés qu’elles ciblent, pour faire par exemple des croquettes pour chiens et pour chats, des pâtes, des biscuits…».
À travers son projet, Guillaume souhaite mettre en place la plus grande industrie d’élevage et de transformation d’insectes en protéines en Afrique, et placer le Royaume du Maroc comme référence dans le secteur. Un vrai travail de fourmi en perspective…
Des insectes dans vos tablettes de chocolat !
À chaque fois que vous consommez une barre de chocolat, elle peut contenir jusqu’à 16 parties d’insectes. Le chocolat peut contenir jusqu’à 60 morceaux d’insectes pour 100 grammes. Cela peut aller de 4 à 10% du poids de la tablette. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Un texte réglementaire, le «codex alimentarius», élaboré par la FAO, instaure, en effet, les quantités d’insectes à ne pas dépasser dans plusieurs autres aliments, comme la farine. Mieux encore, selon cette organisation de l’ONU, quelque 1.900 espèces d’insectes sont comestibles dans le monde, dont 250 en Afrique, plus de 500 au Mexique, 170 en Chine ou encore 428 dans le bassin amazonien. Les plus couramment consommés sont les coccinelles, scarabées, hannetons, (31%), les chenilles (18%), les abeilles, guêpes et fourmis (14%) ainsi que les sauterelles, criquets et grillons (13%), entre autres.
Le 4 mai 2021, les 27 États membres de l’Union européenne ont, pour la première fois, autorisé la mise sur le marché d’insectes en tant qu’aliments. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait conclu mi-janvier 2021 que les larves du ténébrion meunier, appelées aussi «vers de farine», pouvaient être consommées sans danger, soit sous forme d’insecte entier séché, soit sous forme de poudre. Selon les estimations, le chiffre d’affaires européen du marché des insectes comestibles pourrait dépasser 260 millions de dollars au terme de l’année en cours.