Affaires
Bagarre en perspective sur la subvention de la farine de luxe
Le système de régulation du marché du blé tendre pour la farine de luxe prorogé
jusqu’au 31 janvier 2008
D’ici là , un nouveau système sera mis en place
Les
opérateurs ont des vues divergentes sur la question.
Le système de régulation du marché du blé tendre destiné à la fabrication des farines «libres», mis en place le 21 septembre 2007 pour pallier la flambée des cours mondiaux, devait prendre fin le 31 décembre ; il a toutefois été prorogé d’un mois (jusqu’au 31 janvier 2008). Mais, avant cette échéance, administration et intervenants sur le marché céréalier s’emploieront à trouver un nouveau système de régulation de cette filière, dont l’administration a déjà esquissé le schéma, qu’elle soumettra pour discussions à ses partenaires à partir du 7 janvier.
Face aux inquiétudes qui se font jour ici et là , les pouvoirs publics se défendent d’emblée de vouloir imposer quoi que ce soit aux opérateurs, assurant que le nouveau système «sera celui sur lequel nous nous serons tous mis d’accord».
Sans en dévoiler les contours, des responsables au ministère de l’agriculture précisent toutefois que l’objectif qui sera poursuivi à travers ce nouveau système est double : d’une part, maintenir inchangé le prix de la farine, donc du pain ; et, d’autre part, encourager «la performance des opérateurs». Plus clairement, la subvention de la farine libre sera maintenue au moins jusqu’au mois d’avril, voire jusqu’au mois de mai, seuls changeront les modalités d’achat du blé tendre dont est issue la farine libre et le maillon de la chaà®ne dont on tiendra compte pour l’octroi de la subvention.
Les opérateurs, eux, ne manquent pas de s’interroger sur le sort qui leur sera réservé, en fonction de la place que chacun occupe dans la chaà®ne, et parfois en fonction de la position géographique o๠ils se trouvent. Les intérêts ne convergent pas toujours, c’est l’évidence même, et, en l’absence d’une libéralisation complète de la filière céréalière, qui donnerait la mesure du poids réel de chacun, tous veulent, à raison, que le système ne les pénalise pas. La question est de savoir si tous souhaitent que ce système d’encadrement de la filière disparaisse ! Une chose est sûre : aucun système n’est parfait. Pas même «le non-système», c’est-à -dire celui o๠c’est le marché qui fixe les règles du jeu !
Tout le problème est donc de savoir comment faire pour que toutes les composantes de la filière soient équitablement rémunérées et, en même temps, préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. C’est là , du reste, l’objectif que s’est fixé d’emblée le nouveau gouvernement qui avait déclaré vouloir réformer le système de la compensation des prix, pour soulager les finances de l’Etat, tout en continuant à subventionner, mais autrement. Des études sont en cours dans ce sens, et le ministère de l’agriculture, duquel dépend la filière céréalière, devrait d’ailleurs rendre publique son étude stratégique pour l’ensemble du secteur agricole au printemps prochain.
Refiler la patate chaude aux minotiers ?
Pour revenir à la farine libre, pourquoi changer le système actuel ? Essentiellement parce que les négociants (c’est-à -dire les importateurs) se plaignent d’avoir été «forcés» à passer du système libre o๠ils opéraient à un autre qui leur «lie les mains», comme l’expliquent les professionnels du négoce en blé. Avant, ils achetaient librement et, depuis septembre dernier, ils devaient d’abord être adjudicataires des appels d’offres de l’Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL) pour pouvoir importer et au prix retenu par l’office ; c’est-à -dire le plus bas (ou le moins élevé), parce que le prix rendu moulin est fixé à 250 dirhams le quintal. Ce qui semble poser problème pour ces importateurs, c’est que, comme pour les sociétés pétrolières, l’Etat qui doit leur régler la différence entre le prix du blé à l’achat et son prix à la cession aux minotiers (voir encadré), ne le fait pas toujours avec la diligence voulue. Et la machine des frais financiers commence à tourner ! C’est pourquoi les négociants en céréales demandent aux pouvoirs publics de remplacer le système actuel par un «système de restitution forfaitaire à la tonne écrasée par la minoterie industrielle et servie par l’Etat directement à la minoterie». Serait-ce une manière comme une autre de refiler la patate chaude aux minotiers ? La corporation des importateurs s’en défend et, pour donner un gage de sa bonne foi, se dit prête «à apporter [sa] contribution en matière de financement, en solidarité avec les minotiers» ; à condition toutefois, précise-t-elle, que «des garanties concernant leurs créances envers les minoteries [soient] données, selon des modalités à arrêter d’un commun accord (…)».
Les importateurs, bien sûr, mettent en avant d’autres «avantages» que présenterait leur proposition, mais les minotiers, qui se plaignent déjà du système de subvention de la farine nationale de blé tendre (FNBT), voudront-ils s’encombrer d’un autre système de subvention, celui de la farine de luxe ? Ce n’est pas sûr. C’est pourquoi on imagine que les discussions sur ce sujet seront ardues, et c’est un euphémisme. C’est pourquoi aussi, la réforme totale de la filière s’impose. Mais dans quel sens ? Car n’oublions pas qu’au centre de cette problématique il y a aussi, il y a surtout, le producteur et le consommateur !