Affaires
Avocat : 1 800 ha de plantations pour 10 000 tonnes par an
Le Maroc exporte en moyenne 2 000 tonnes par an vers le marché européen. Il en importe également entre 4 000 et 5 000 tonnes. Objectif du Plan Maroc Vert : multiplier les superficies par 9 et atteindre 10 000 tonnes d’exportations.
Il y a quelques années, il était considéré comme un fruit exotique et un produit de luxe inaccessible à la majorité des Marocains, à cause de son prix excessif qui avoisinait les 50 DH le kilo soit autant sinon plus cher que le kilo de viande. Aujourd’hui, l’avocat, comme la banane à une certaine époque, est sur la table d’un grand nombre de ménages. Ce produit est aussi désormais à la portée de tous à travers le réseau des laiteries (mahlabates) où son jus est très prisé.
Le secret de la «démocratisation» de l’accès à ce fruit ? Le développement remarquable d’une production locale. En fait, la demande croissante pour ce produit n’a pas laissé indifférents les agriculteurs marocains qui ont développé cette culture durant les quinze dernières années. «Au début des années 70, on comptait une dizaine d’hectares réservés à la plantation de ce fruit notamment dans la région de Skhirat. Des recherches étaient aussi initiées dans un centre à Taoujtate dans la région de Meknès», se rappelle un producteur. La production nationale ne dépassait pas les 1 000 tonnes par an dans les années 80.
Mais, depuis, cette culture tropicale a trouvé dans les terres marocaines des facteurs propices à son épanouissement. S’adaptant aux climats subtropicaux à hivers doux et supportant peu le froid, l’avocatier s’est développé dans les régions limitrophes des côtes atlantiques notamment dans la bande allant de Larache à Casablanca. Il s’est bien comporté également dans les régions de Khémisset et Souss-Massa.
L’Espagne a baissé sa production du tiers
Encouragés par les facilités d’entretien de cette culture, par son faible coût de production et surtout par des prix de vente souvent très intéressants, les producteurs nationaux ont amélioré leurs rendements au point de devenir les principaux fournisseurs du marché local alors qu’il y a trente ans, on recourait à l’importation pour satisfaire la totalité de nos besoins. Aujourd’hui, la récolte annuelle s’élève à 10 000 tonnes et les superficies cultivées totalisent plus de 1 800 ha qui regroupent des plants productifs et de jeunes plantations non encore productives. N’empêche que cette production n’est toujours pas suffisante pour répondre aux besoins de la consommation locale. Celle-ci est estimée à 12 000 tonnes. Le recours aux marchés étrangers est donc inévitable. On importe, bon an mal an, entre 4 000 et 5 000 tonnes, particulièrement des pays de l’hémisphère sud comme le Pérou, le Chili et l’Afrique du Sud. Et le flux des importations diffère en fonction des périodes de l’année. Pendant le mois de Ramadan, la consommation explose pour atteindre 3 000 tonnes, soit 25% de la consommation annuelle. Lorsque, comme c’est le cas actuellement, ce mois coïncide avec la période estivale où la production nationale est en arrêt (voir encadré), les importations deviennent très abondantes. Et les prix de vente s’inscrivent également à la hausse pour atteindre 35 voire 50 DH le kg contre 12 à 15 DH en périodes ordinaires.
Malgré tout, le Maroc exporte 2 000 tonnes, soit 20% de la production nationale. Et les perspectives de développement sont encourageantes pour deux raisons. D’abord parce que le marché européen est très demandeur pour ce produit et les prix de vente y sont, de l’avis d’exportateurs marocains, «très intéressants en particulier dans les pays de l’Europe du Nord». Et surtout parce que les concurrents ne sont pas aussi nombreux et agressifs comme dans d’autres filières comme les primeurs. L’Espagne, qui fournissait de grandes quantités à l’Union européenne, a vu sa production annuelle passer de 60 000 à seulement 40 000 tonnes en moyenne au cours des dernières années. «En raison du boom immobilier et touristique qu’a connu récemment ce pays, plusieurs terrains de la Costa Del Sol sont passés aux mains des promoteurs immobiliers», explique un exportateur. Une belle opportunité pour les producteurs marocains puisque l’Europe représente un marché de 260 000 tonnes qui enregistre une progression régulière.
Au regard de ce potentiel d’exportation, les concepteurs du Plan Maroc Vert ont inscrit cette filière sur la liste des secteurs prioritaires.
L’homologation : premier chantier de l’association des producteurs
Ils se sont fixé pour objectif d’étendre la superficie de l’avocatier pour la multiplier par 9,3 dans la perspective de réaliser 10 000 tonnes à l’export dans les années à venir. Seulement, pour bénéficier des mesures du PMV, les opérateurs du secteur doivent s’organiser en filière. Et c’est pour cela que les professionnels ont décidé de créer leur association professionnelle. «C’est devenu une nécessité pour s’imposer comme un interlocuteur du secteur vis-à-vis des instances administratives aussi bien au niveau national qu’international», souligne Aziz Abdou Simo, président de l’Association marocaine des producteurs exportateurs d’avocat (AMPEA). L’organisation professionnelle aura ainsi à s’attaquer aux problèmes auxquels est confrontée cette filière.
Elle est appelée à se pencher, en premier lieu, sur le chantier de «l’établissement d’homologation pour les intrants utilisés dans la production pour se conformer aux certifications qualitatives exigées par l’Union européenne», précise M. Abdou Simo. Cette mission ne peut être assurée que par une organisation professionnelle en partenariat avec les autorités compétentes.
A défaut de cette homologation, les producteurs marocains passent, pour le moment, par la liste établie par la filière espagnole pour remplir les exigences de certification afin de pouvoir accéder au marché européen. Les producteurs marocains ambitionnent même de créer un label qualité Maroc pour le marché local et export. Objectif : «Donner des garanties qualitatives aux consommateurs et protéger le produit national».