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Autorisations de construire : l’Administration retombe dans ses travers !

Grâce aux mesures de facilitation mises en place il y a 2 ans, les délais d’examen ont bien été écourtés mais au prix d’une systématisation des avis défavorables. L’obtention du permis nécessite toujours plus de 5 mois, soit le même délai qui était nécessaire avant l’assouplissement des procédures.

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Autorisations de construire

Les mesures de facilitation en matière d’autorisations de construire ont fait long feu. Les bienfaits qui ont pu être constatés suite à l’introduction de ces dispositions (principalement l’adoption du Règlement général de construction en matière d’autorisations dans l’urbanisme en 2013 et la mise en place à Casablanca d’une plateforme électronique pour la gestion de cette procédure) relèvent déjà du passé pour les professionnels, qui parlent aujourd’hui d’un retour à la case départ.

Pourtant, la grande promesse du RGC de ramener les délais d’examen des dossiers des grands projets à 15 jours est bien tenue, ainsi que le confirment les architectes et les promoteurs immobiliers. Mais il y a un prix à payer pour cela. «Lorsque le délai fixé par la loi expire, l’Administration remet son avis sur la demande d’autorisation, même si elle n’a pas pu mener le processus d’examen des dossiers à son terme», avance un promoteur immobilier.

Ainsi, les délais de traitement des dossiers restent bien dans la norme réglementaire, mais il en résulte beaucoup d’avis défavorables, ce qui reste tout aussi pénalisant pour les opérateurs. Karim Sbai, président de l’Ordre des architectes pour la région du Centre, détaille : «Un dossier reçoit en moyenne 4 avis défavorables et cela peut aller jusqu’à 6 avant sa validation. Pour chaque tentative, il faut compter 2 à 3 semaines avant que l’on nous précise la date de dépôt du dossier, ce à quoi s’ajoutent 15 jours pour l’examen. Si on fait le calcul, entre toutes les tentatives nécessaires, on en arrive facilement à un délai de 5 à 6 mois pour l’obtention de l’autorisation, soit le même temps qu’avant la mise en place des mesures de facilitation».

La systématisation des avis défavorables rapportée par les opérateurs est aussi à lier à d’autres raisons. Architectes et promoteurs déplorent en effet la frilosité des membres des commissions en charge de l’examen des dossiers d’autorisation qui s’acharnent à émettre le plus de remarques possibles pour se couvrir. «Auparavant, il n’y avait que les représentants de l’Agence urbaine qui examinaient de près les plans architecturaux soumis pour autorisation. Les autres membres s’alignaient simplement sur leur avis. A présent, chaque partie veut avoir son mot à dire et veille bien à se différencier», se plaint un promoteur. C’est pourtant cette lourdeur que les mesures de facilitation devaient régler. Les avis contradictoires sont ainsi légion, notamment entre l’Agence urbaine et la protection civile.

Plus encore, «même quand que le plan soumis pour autorisation est cacheté, des membres des commissions exigent des éléments qu’ils ont omis d’exprimer», explique le président de l’Ordre des architectes du Centre. Ce faisant, d’autres membres peuvent contredire les surcharges apportées au plan, ce qui en fait un processus sans fin.

Les moyens humains des communes sont insuffisants, quantitativement et qualitativement

Au-delà des insuffisances relevées dans le processus d’examen des dossiers, les professionnels soulignent que l’Administration est nettement moins diligente. Quasiment aucun échange n’intervient aujourd’hui entre le maître d’ouvrage et les membres des commissions d’examen. Par le passé, une démarche informelle de pré-instruction des demandes permettait aux investisseurs d’arranger leurs dossiers avant d’entamer la procédure de demande d’autorisations, insistent les architectes.

Plus que cela, l’Administration rechigne à transmettre des pièces constitutives des dossiers de demande qu’elle est pourtant seule à pouvoir fournir, selon les professionnels. L’exemple le plus cité par les architectes et les promoteurs est la feuille d’alignement, un document incontournable qui fixe l’implantation des constructions par rapport au domaine public. L’établissement de cette pièce nécessite le déplacement de géomètres de la commune sur les lieux des projets, ce qui se fait laborieusement. Précisons néanmoins que le RGC en matière d’autorisations urbanistiques a introduit une nouvelle organisation qui a accru la pression sur les ressources des services communaux. Autrement dit, il est nécessaire de mobiliser des moyens supplémentaires du fait de la création de nouveaux guichets. En effet, le RGC introduit au niveau de Casablanca de grands guichets, chargés des projets R+3, prévus pour les communes de plus de 50000 habitants, ce qui est le cas de la Commune urbaine de Casablanca. En parallèle, de petits guichets sont prévus au niveau des communes de moindre taille et des arrondissements pour les projets de R+2 et moins ainsi que les villas.

Le manque d’effectifs induit des problèmes autrement plus préoccupants. «La Commune urbaine de Casablanca traite aujourd’hui les dossiers du Grand Casablanca avec une équipe de trois architectes et 5 techniciens alors que 4 fois plus de ressources sont nécessaires pour faire convenablement les choses», assurent les professionnels. Le cas de la préfecture de Casa-Anfa retient encore plus l’attention. «La commune n’est représentée que par un seul technicien lors des commissions d’examen qui y sont tenues, alors qu’au moins deux architectes sont nécessaires vu le nombre et l’importance des dossiers qu’accueille la zone», dévoile un professionnel.

L’instruction des dossiers en pâtit directement. «Il n’est pas rare que les agents communaux soient amenés à siéger dans deux commissions d’examen simultanément ou qu’ils ne maîtrisent pas convenablement les dossiers sur lesquels ils doivent émettre des avis». Nombreux sont ceux à voir dans cette situation une raison de la dégradation du paysage urbain.