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Auto-entrepreneurs : le rythme des inscriptions se tasse

L’objectif de 100 000 inscrits chaque année est difficilement réalisable. Pour rendre le statut plus attractif, le ministère dit vouloir intégrer les auto-entrepreneurs aux écosystèmes constitués dans le cadre du Plan d’accélération industrielle. Les organismes financiers chargés de procéder aux inscriptions accusés d’exiger l’ouverture d’un compte et la souscription d’une assurance.

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L’engouement pour le statut d’auto-entrepreneur semble-t-il moins marqué qu’au départ ou est-ce le potentiel qui était surestimé? Selon des sources proches du ministère du commerce et de l’industrie, qui chapeaute le déploiement du dispositif à travers Maroc PME, pas plus de 45 000 demandes d’inscription ont été recensées à fin juin 2017 auprès des 3 800 agences de Barid Al Maghrib et des six banques équipées pour recevoir les dossiers d’enregistrement et remettre des cartes d’auto-entrepreneurs, contre un peu plus de 40 000 en 2016, première année de mise en œuvre de ce nouveau régime (le lancement officiel a été fait en octobre 2015). A ce rythme (5 000 inscriptions au premier semestre), l’objectif de 100 000 auto-entrepreneurs inscrits chaque année à partir de 2017 semble difficile à atteindre. «En arrêtant ce palier, les pouvoirs publics tablaient en grande partie sur les effectifs de la vente pyramidale qui comptent des milliers d’entrepreneurs, mais les récents scandales qui ont touché ce secteur ont freiné le rythme des inscriptions», explique une source bien informée.

D’après les données du ministère, près de 85% de la population aujourd’hui inscrite au registre national de l’auto-entrepreneur exerce leur activité de manière permanente et près de 50% travaillent à domicile. Quatre auto-entrepreneurs sur dix sont des femmes. La moitié des inscriptions est faite dans les régions de Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra. Le secteur du commerce concentre le plus d’auto-entrepreneurs (45%), suivi des services (27%), de l’industrie (24%) et de l’artisanat (4%). En tenant compte de cette situation, le but des autorités est justement de faire du statut d’auto-entrepreneur un levier d’intégration de l’informel dans l’économie organisée. Selon le Haut-commissariat au plan, le nombre d’entreprises informelles augmente en moyenne de 19000 chaque année. «Le fait d’intégrer ces petits opérateurs au tissu productif national et leur permettre d’exercer dans la transparence commence à porter ses fruits, notamment sur le plan du décrochage des marchés», affirme toutefois une source ministérielle.

Pour entretenir ce cercle vertueux, le ministère annonce sa volonté d’intégrer les auto-entrepreneurs aux écosystèmes lancés dans le cadre du Plan d’accélération industrielle (PAI). Il indique que les filières de la collecte et du recyclage des déchets pour la plasturgie, des matériaux de construction, des industries mécaniques et métallurgiques, de la chimie-parachimie et du textile et cuir prévoient d’intégrer les artisans, couturiers et sous-traitants pour les marques. Dans le même objectif, «l’appel à manifestation d’intérêt aux grands donneurs d’ordre prêts à instituer la préférence pour les petits entrepreneurs nationaux sur les marchés et commandes lancé en 2016 va commencer à donner des résultats tangibles», relève une source proche de Maroc PME.

La fiscalité reste une source d’inquiétude

Plusieurs parties proches des auto-entrepreneurs rapportent, quant à elles, que le dispositif continue de pâtir de plusieurs insuffisances. Elles relèvent que les administrations n’étaient pas bien outillés pour gérer le dispositif lors de son entrée en vigueur. Sur ce point, des sources à Maroc PME indiquent que des décrets d’application précisant la loi 114.13  de sorte à remédier aux dysfonctionnements seront publiés.

L’accompagnement est aussi négligé alors que le niveau d’études de la population cible est souvent modeste. Au ministère, on rétorque que des banques, des établissements étatiques, notamment Maroc PME, ou des organismes de promotion de l’entreprenariat, ont pris des initiatives pour coacher les inscrits et que des programmes supplémentaires sont en cours d’implémentation.

Mais ce n’est pas fini. D’autres dysfonctionnements sont relevés par la fédération nationale des TPME. Il est souligné qu’au niveau des banques et à la Poste, des conseillers exigent l’ouverture d’un compte bancaire et la souscription d’un contrat d’assurance avant l’inscription ou la remise de la carte d’auto-entrepreneur. Conséquence, des opérateurs auraient même contacté la fédération pour s’informer de la procédure de résiliation de leur inscription.

En tout cas, l’avancement de ce chantier est particulièrement suivi par les bailleurs de fonds. «Nous avons eu récemment une réunion avec un cabinet d’experts envoyé par l’Union européenne pour évaluer des programmes financés au profit des TPE-PME et auto-entrepreneurs», confie Abdellah El Fergui, président de la Fédération nationale des TPME

Conforté par d’autres parties prenantes, M. El Fergui déplore également l’absence d’une communication ciblée au lancement du dispositif. Autant ceux qui désirent s’inscrire que les déjà inscrits en souffrent. Chez ces derniers, la fiscalité constitue une source d’inquiétude qui revient dans la quasi-totalité des conversations.

La DGI fait savoir que les procédures ne sont pas encore finalisées. Du coup, le paiement des impôts n’est toujours pas obligatoire. «La possibilité de payer un montant annuel forfaitaire au lieu de 1% et 2% du chiffre d’affaires est en discussion. L’objectif est d’alléger la pression fiscale sur cette population et permettre aux auto-entrepreneurs non expérimentés d’éviter les problèmes de calcul et de comptabilité», informe une source proche de l’Administration. 

Pour l’instant, on sait que le contribuable ayant opté pour le régime de l’auto-entrepreneur sera tenu de déclarer trimestriellement son chiffre d’affaires encaissé auprès de Barid Al Maghrib. La déclaration et le versement trimestriels de l’impôt sur le revenu devront être faits au guichets de Poste Maroc, avant la fin du mois qui suit le trimestre au cours duquel le chiffre d’affaires a été encaissé. Cependant, les auto-entrepreneurs sont tenus de déposer leur déclaration de chiffre d’affaires même en cas de non encaissement ou réalisation de CA, en affichant la mention «Néant».