Affaires
Attijariwafa, BCP et BMCEÂ : elles s’agrandissent au détriment des autres
Le trio de tête du secteur bancaire accapare désormais 70% des dépôts et 65% des crédits. En cause, un rythme d’ouverture d’agences plus soutenu que celui des banques de taille petite ou moyenne.
Si les données sur le comportement du marché bancaire dans son ensemble sont largement diffusées, les chiffres concernant les parts de marché en termes de dépôts et de crédits de chacune des banques commerciales de la place font, eux, l’objet d’une communication très restreinte. En fait, les établissements de la place ne lèvent le voile sur la question que quand ils y sont contraints légalement, à savoir lors des communications financières semestrielles et annuelles. Il n’empêche que La Vie éco a réussi à se procurer des données renseignant sur la situation concurrentielle du marché bancaire sur les premiers mois de 2012.
Il faut en effet savoir que bien qu’il ne soit pas diffusé auprès du grand public, un récapitulatif faisant le point sur les performances en matière de collecte de ressources et de distribution de financements de chacune des banques est dressé chaque mois par le Groupement professionnel des banques au Maroc (GPBM). Ces mêmes chiffres sont en outre analysés de manière poussée par des départements dédiés au sein des banques qui traquent la moindre perte ou gain de part de marché afin de moduler leurs stratégies commerciales en conséquence.
Attijariwafa et BMCE font toujours la course aux dépôts rémunérés
Le premier constat qui se dégage de l’analyse de la situation concurrentielle sur le marché bancaire est que les trois premiers établissements dominant le secteur depuis quelques années, à savoir Attijariwafa bank, Banque Populaire et BMCE Bank, ont davantage renforcé leur leadership ces derniers mois. Entre décembre 2010 et mai 2012, le trio de tête a gagné un point de part de marché en termes de crédits et 1,5 point en termes de dépôts. Ainsi, en matière de collecte des ressources, les trois premières banques ont vu leur part de marché passer de 68,4% à près de 70% en un an et demi, tandis que la part accaparée en matière d’octroi de financements est montée de 64% à 65%. Elles possèdent actuellement 414 milliards de DH sur les 596 milliards de DH de dépôts de tout le secteur bancaire. Et elles sont détentrices de 362 milliards de DH d’encours sur un total de 555 milliards de DH de crédits distribués par tout le marché.
Mais il faut préciser que sur le trio de tête, ce sont surtout BMCE Bank et Attijariwafa bank qui ont réussi à gagner des parts de marché, la Banque Populaire ayant eu plutôt tendance à céder légèrement du terrain surtout au niveau des crédits. Cette dernière a en effet perdu 0,5 point sur ce dernier plan tandis qu’Attijariwafa bank et BMCE ont gagné respectivement près d’un point et un demi point de part de marché sur les dépôts et crédits. Cela dit, la banque au cheval demeure le champion en matière de dépôts avec une part de 28,5% tandis qu’Attijariwafa bank préserve son leadership sur le crédit avec 27,5% des crédits détenus. BMCE Bank s’arroge quant à elle une part tournant autour de 14% en matière de dépôts et de crédits.
C’est dire que «les trois banques les plus performantes continuent de tirer grandement parti de leurs programmes d’implantation d’agences très offensifs lancés il y a quelques années aux dépens des autres établissements qui ont tardé à mettre en œuvre leur propre politique d’expansion commerciale, ou qui n’ont pas la même puissance de tir, tout simplement», commente un analyste spécialiste des banques. Effectivement, les banques de moindre envergure, tout en ayant réussi depuis fin 2010 à faire croître l’encours de leurs crédits et dépôts détenus, se sont fait rafler des parts de marché par les champions du secteur. Et ce sont surtout BMCI et Crédit Agricole du Maroc qui ont été affectés par la domination des grands établissements. Actuellement, Société Générale Maroc arrive en 4e position en termes de parts de marché, au coude à coude avec le Crédit Agricole Maroc. Les deux établissements affichent un poids autour de 8% en matière de dépôts et de financements. Suivent BMCI et Crédit du Maroc qui affichent respectivement des parts de marché de 7% et 5,5% en moyenne. CIH ferme la marche avec une part de marché ne dépassant pas 4%.
La Banque Populaire championne des dépôts non rémunérés
Voilà qui dresse un tableau global de la situation concurrentielle sur le marché. Mais il convient de pousser davantage l’analyse pour déceler les politiques commerciales développées par chacune des banques. Sur le marché des dépôts, une majorité de banques semble avoir arbitré en faveur d’une préservation de la profitabilité plutôt que d’entretenir une course aux parts de marché sur les dépôts rémunérés, et ce, en dépit du tassement du rythme de collecte des ressources qui devient structurel. C’est notamment le cas de la Banque Populaire qui, tout en ayant régressé globalement sur les dépôts, s’est assurée de gagner des parts de marché sur la collecte de ressources non rémunérées plutôt que rémunérées. La banque au cheval a en effet enregistré le gain de part de marché le plus élevé en matière de comptes chèques et de comptes courants (plus d’un point gagné entre décembre 2010 et mai 2012). Alors qu’elle a perdu 0,71 point en matière de comptes à terme et de comptes sur carnet. BMCI, Société Générale, Crédit du Maroc, Crédit Agricole Maroc et le CIH déclinent des stratégies similaires. Mais Attijariwafa bank et BMCE Bank font exception. Ce dernier établissement a raflé, en termes de dépôts rémunérés, à lui seul 1,75 point de parts de marché depuis fin 2010, portant sa part dans l’encours total des comptes sur carnet et des dépôts à terme à plus de 18%. Plus offensive encore, AWB a gagné 2,5 points sur la période, s’arrogeant 24% des ressources rémunérées collectées au niveau du marché. En coulisses, les deux banques jouent la surenchère sur les taux offerts notamment auprès des grands comptes, apprend-on auprès des professionnels, et elles ont leurs raisons pour le faire.
«BMCE doit pallier un manque de liquidités devenu structurel et Attijariwafa a tenu ces derniers mois à regagner des parts de marché en matière de ressources rémunérées après avoir délaissé ce segment de marché en 2010 et début 2011», explique un observateur.
Le marché des crédits révèle en revanche des stratégies très différenciées d’une banque à l’autre, chaque établissement ayant choisi de miser sur certains types de prêts plutôt que d’autres. Une chose est sûre, «avec une nette raréfaction des opportunités de placement de crédits, la concurrence est actuellement très vive», révèle un directeur commercial au sein d’un établissement de la place. Les plus nets gains de part de marché sont à attribuer au champion de la catégorie Attijariwafa bank qui a mis le paquet notamment sur le crédit à la consommation, les financements à l’équipement et dans une moindre mesure les crédits habitat. Sur les deux premières catégories, la banque a raflé plus de 6 points de part de marché depuis décembre 2010, tandis qu’elle a grignoté 2 points sur le segment du crédit habitat. La banque semble viser une consolidation de son leadership sur le financement de l’équipement et de l’habitat et elle se montre très offensive sur le crédit à la consommation qui reste dominé par la Banque Populaire (34% de part de marché pour contre 24% pour AWB). Cette dernière, justement, ne semble pas prête à se laisser distancer sur le segment du crédit conso puisqu’elle sécurise un gain de part de marché approchant les 4 points tandis qu’elle se contente de stagnation voire de baisse sur les autres catégories de crédits. Pour sa part, BMCE semble avoir optimisé sa politique tarifaire pour se renforcer sur le crédit de trésorerie, grignotant de fait 2,5 points de marché à ses concurrents.
A noter également que sur ce dernier segment, la BP, avec une part de 24%, est toute prête de rattraper AWB qui a cédé du terrain en baissant à 25%.