Affaires
Assistance : tutelle et opérateurs planchent sur la clarification des clauses et des tarifs
Les primes collectées ont progressé à deux chiffres au cours des trois dernières années. Les clients pestent souvent contre le manque de transparence sur l’étendue de la couverture et les tarifs. Entre 45 et 50% des primes collectées retournent aux assurés sous forme de frais et prestations.

Le marché de l’assistance est en pleine forme. Sur les trois dernières années, les primes collectées ont progressé à deux chiffres. Selon les données officielles du secteur, entre 2014 et 2015, l’activité a crû de près de 23% avant d’enregistrer une hausse de 11,5% entre 2015 et 2016, pour s’établir à 1,2 milliard de DH. Pour 2017, en attendant les chiffres définitifs, les opérateurs sondés affirment que l’on est sur le même trend haussier. Les primes émises de l’année seraient de l’ordre de 1,3 milliard de DH, en hausse de pas moins de 10%.
A en croire les acteurs du marché, l’essor de ce métier, assez jeune au Maroc –ses premiers acteurs et textes réglementaires datent du début des années 90–, s’explique par le poids grandissant des polices de groupe souscrites par les entreprises. «Les managers ont pris conscience que cette couverture est indispensable pour apporter du soutien aux collaborateurs en situation de détresse», souligne un directeur développement d’une grande filiale spécialisée.
L’assistance internationale souscrite dans le cadre de l’assurance voyage a également contribué significativement à la croissance de l’activité. D’après les estimations recoupées des professionnels, 20 à 25% des primes collectées par les opérateurs de l’assistance correspondent à de l’assurance voyage, soit un courant d’affaires estimé aujourd’hui autour de 330 MDH. En moyenne, quelque 400 000 visas Schengen sont octroyés au Maroc chaque année. A cela s’ajoutent les polices d’assistance émises pour les autres destinations, notamment le Canada et les Etats-Unis.
Le reste des primes correspond aux couvertures souscrites individuellement pour l’assistance médicale domestique. Sur ce registre, les polices sont de plus en plus personnalisées et commercialisées selon plusieurs formules afin de répondre aux besoins des clients.
La consistance de la couverture et des garanties sont encore mal connues
Malgré cette forte croissance des primes, le taux de pénétration de l’assistance est encore très faible. Elle représente à peine 3,5% du marché total des assurances qui, lui, enregistre un taux de pénétration ne dépassant pas 4%, selon les dernières données de l’ACAPS datant de 2016. Rapportées aux recettes de la branche Non-vie à laquelle s’apparente le métier de l’assistance, les primes de celle-ci pèsent moins de 6%. Ce constat fait dire aux opérateurs que le potentiel du secteur demeure énorme, à en juger justement par les croissances observées sur les dernières années.
Sauf que «cette filière, très collée à l’assurance, n’est pas appréciée à sa juste valeur par les assurés», relève le directeur d’un grand cabinet de courtage qui gère le volet assistance de plusieurs milliers de particuliers. Assimilant souvent l’assistance à une simple formalité consulaire à l’occasion de la demande de visas, les assurés ne mesurent pas à sa juste valeur l’importance d’avoir un contrat.
«On peut avoir une excellente couverture médicale, mais si l’on n’a pas d’ambulance pour le transport d’un blessé ou d’un malade, en urgence, la couverture médicale ne remplit plus son rôle», explique-t-il.
L’assistance est une couverture dont la consistance et les garanties sont encore mal connues, alors qu’elle est d’une aide vitale en cas de détresse.
Un opérateur relève que l’activité souffre également de sa confusion avec l’assurance. Si les deux sont intimement liées, il n’en demeure pas moins que l’assistance constitue une branche indépendante du secteur. Dans la pratique, elles sont étroitement liées en raison de la filialisation. Cette configuration n’est pas une spécificité locale, la quasi-totalité des sociétés d’assistance à l’international sont filiales de compagnies d’assurances. Mais dans le secteur, l’on estime que cette liaison porte préjudice à la branche. «L’assurance fait de l’ombre aux compagnies d’assistance. Pour se démarquer dans l’esprit des clients, maîtriser les tarifs et par conséquent les marges opérationnelles, il faudrait prendre plus de distance vis-à-vis des compagnies mères», explique un expert. Malgré tout, ce lien a également ses avantages. En plus de bénéficier de l’assise financière des assureurs, les opérateurs de l’assistance profitent d’un marché quasi captif apporté par la maison mère et par le réseau commercial auquel la société d’assurance est liée.
Obligation de disposer d’une plateforme accessible en continu
Mais il n’y a pas que la méconnaissance par les clients des avantages de l’assistance qui nuit au secteur ! Du côté des filiales de l’assistance, il persiste un air de flou dans les conditions d’exercice de leurs activités. Des pratiques peu transparentes sont rapportées, notamment dans l’énoncé des couvertures et des exclusions de la police et la détermination des tarifs. Pourtant, il s’agit d’un secteur très réglementé. L’assistance, assimilée à une branche d’assurance, est soumise à un agrément dans les mêmes conditions exigées des entreprises d’assurance et de réassurance et aux mêmes exigences en matière de solvabilité (arrêté du ministre des finances et de la privatisation d’octobre 2005). En somme, une société d’assistance est une entreprise d’assurance à part entière, faisant l’objet d’un agrément auprès des autorités de tutelle pour pratiquer la branche 291 (assistance). L’une de ses caractéristiques est d’avoir les moyens physiques pour remplir les missions d’intervention et d’aide en situation de détresse. De plus, elle a l’obligation de disposer d’une plateforme accessible 24h/24 et 7j/7 et d’un réseau international de bureaux et de correspondants lui permettant de secourir ses assurés en toutes circonstances et dans le monde entier.
De par sa nature, l’assistance est plus exposée que l’assurance
Il n’empêche que les sociétés d’assistance ne se conforment pas toujours à la loi quand il s’agit des couvertures contenues dans leurs contrats. Plusieurs assurés ont été laissés à leur propre sort ou obligés de payer les prestations (censées être couvertes) lors d’une urgence au Maroc ou à l’international. Ceci se vérifie esntiellement pour les contrats d’assistance «offerts» par les compagnies d’assurance à leurs clients en accompagnement de la police d’assurance de base. La saison estivale apporte toujours son lot de réclamations et de mécontentements au secteur avec les départs en voyage.
Côté tarification, en dehors des prix affichés et proposés par le réseau ou directement par les sociétés d’assistance, ceux des contrats souscrits relèvent du secret. Parfois, pour les mêmes prestations, il peut y avoir des écarts qui ne sauraient être justifiés par les politiques commerciales.
Quoi qu’il en soit, les professionnels soutiennent que la branche a raison de vouloir maintenir ses marges. L’assistance étant plus exposée aux sinistres que l’assurance. En moyenne, entre 45 et 50% des primes collectées par les sociétés d’assistance sont remboursées aux assurés sous forme de frais et prestations. L’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) est en passe de mettre plus d’ordre dans le secteur. Elle est en train de discuter avec les opérateurs plusieurs volets de leurs interventions et couvertures pour mieux encadrer l’activité, notamment au niveau de la clarification des clauses des contrats et la tarification des garanties. «Nous sommes en pourparlers sur plusieurs points. Les discussions avancent», informe-t-on auprès de l’Autorité. Les sociétés d’assistance peuvent aider dans l’effort d’éducation du marché du moment qu’elles sont le premier point de contact avec les assurés…et le premier point de la chaîne de soins.
