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Articles de sport : Décathlon le rouleau compresseur
L’enseigne domine le marché marocain de la distribution des articles de sport avec 7 millions d’unités en 2017. Le réseau est constitué d’une douzaine de magasins. En plus de son usine de Ain-Sebaâ, l’enseigne développera le sourcing local autour d’écosystèmes industriels.
Initier un maximum de Marocains à la pratique sportive n’est pas l’apanage du gouvernement et des fédérations sportives. Pour Décathlon, ce principe est le moyen le plus efficace pour pérenniser son business. «Nos concurrents sont toutes les activités de loisirs hors sport», observe Borja Sanchez, le patron de la filiale marocaine qui, comme ses centaines de collaborateurs, enfile chaque jour le gilet blanc bleu aux couleurs de l’enseigne.
Des références dans pas moins de 70 sports, un réseau de 12 magasins qui sera porté à 30 d’ici 2021, une boutique électronique, un grand centre logistique pour approvisionner le Maroc et l’Afrique à partir de Tanger, un site de production fabriquant chaque année près de 8 millions d’articles : en l’espace de quelques années, Décathlon a construit un véritable empire au Maroc, et compte aller plus loin.
Ambition affichée : démocratiser l’accès aux articles de sport au Maroc et en Afrique, mais également satisfaire la demande des clients qui ne se considèrent pas comme sportifs. A en croire Borja Sanchez, cette catégorie constitue la moitié des clients. Ceux-ci cherchent des vêtements et chaussures «décontractées» ou pour des activités outdoor.
Sept millions d’articles vendus en 2017
Ultra discret, Borja Sanchez s’est contenté de lâcher que l’enseigne a vendu 7 millions d’articles dans les quatre coins du pays. Avec ce gros chiffre, il ne fait aucun doute que Décathlon a pris le dessus dans le marché de la distribution des articles de sports où sont présentes Planet Sport, Go Sport et Olympe. D’ailleurs, c’est pour cette raison que le top management considère chaque nouveau pratiquant de sport comme futur client. «Si demain quelqu’un décide de démarrer le basket-ball, il trouvera que l’offre de Décathlon – qui est pratiquement similaire à celle de la plupart des opérateurs – est la plus abordable», dit-il. Dans la même logique, les prix sont cassés pour défier toute concurrence. Y compris celle des réseaux informels qui pesaient jusqu’en 2016 près de 50% du marché (www.lavieeco.com).
«Avant l’arrivée de Décathlon, l’équipement en articles de sport était un luxe qu’une bonne partie des bourses ne se permettaient pas. Avec les prix que nous proposons, nous démocratisons la pratique sportive», observe
M. Sanchez.
Ballon de foot à 35 DH; chaussure de tennis à 89 DH, sac à dos à 33 DH, chaussure de running à 129 DH. Ces quatre articles «iconiques» qui se vendent comme des petits pains en disent long sur la politique des prix. «Vous voyez ces mères de famille qui viennent probablement de Sidi Moumen ou d’un autre quartier populaire avoisinant, c’est notre clientèle type», s’enthousiasme Imad Rida, expansion manager chez Décathlon.
«Sur le plan qualitatif, tous les produits et modèles proviennent de la même source. Nous proposons au client marocain les mêmes articles que nos clients français ou espagnols, mais sur le plan quantitatif, un magasin Décathlon au Maroc n’offre que les deux tiers de l’offre d’un magasin en France. Ce qui est déjà excellent», explique Borja Sanchez. Toutefois, l’entreprise française ne propose que ses propres marques, exactement 24 dont les plus connues sont Domyos, Kipsta, Quechua, Wed’z et Artengo.
Comme chez les autres enseignes des articles de sport, les nouveaux arrivages ne sont pas récurrents. Un article peut rester plusieurs années. «C’est ce qui nous permet justement d’avoir des prix bas et qui ont tendance à baisser sur la durée», explique Borja Sanchez. Exemple : la fameuse chaussure de running «Kalenji», qui est vendue actuellement à 129 DH, était écoulée à 189 DH il y a quatre ans.
Aucune publicité à la radio ou à la télévision
Au cœur du système bien rodé de Décathlon, la plateforme logistique de Tanger-Med permet d’approvisionner le Maroc et l’Afrique avec des courts délais optimisés. Érigée sur 12000 m2 – extensible à 20000m2 -, cette plateforme mondiale avait été installée parallèlement avec le dédoublement du réseau en 2016 en passant de quatre à huit magasins. «Avant l’implantation de notre entrepôt continental au Maroc, nous importions essentiellement de l’Europe. Aujourd’hui, nous nous approvisionnons directement auprès des marchés. Ce qui veut dire que nous ne sommes plus doublement taxés comme avant et donc on est plus compétitif», explique notre interlocuteur.
Si la firme continue de produire encore en Europe, en Turquie et au Maroc, une grosse part de ses articles est importée d’Asie – de la Chine, du Vietnam, de Thaïlande, de l’Inde ou du Bangladesh.
Implantée au Maroc via son usine en 1994 – alors que son premier magasin n’a ouvert qu’en 2010 -, Décathlon s’est engagée à accélérer son sourcing local en signant une convention d’investissement en 2016. A terme, la plateforme de sourcing autour d’écosystèmes de textile -textile à usage technique, maille, fast fashion-, en plus du vélo et de l’assemblage métallique, permettra de créer 7360 emplois. Côté maillage territorial de la distribution, la firme s’est engagée à porter à 30 le nombre de ses magasins d’ici 2021.
Le paradigme de maîtrise stricte des coûts dans la logistique est le même dans la promotion et le marketing opérationnel. Aucune publicité à la radio ou la télé, pas d’insertions publicitaires, très peu de sponsoring… Décathlon compte essentiellement sur le bouche à oreille et les réseaux sociaux, mais pas que.
Des évènements sont organisés occasionnellement au sein des magasins, à l’instar des séances de sport et de coaching sportif gratuites. «Travailler chez Décathlon, c’est être passionné de sport et développer la pratique sportive dans son entourage», se félicite M. Sanchez.