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Affaires

AMO : les délais seront respectés, mais à  quel service aura-t-on droit ?

Le gouvernement y tient : l’AMO devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2005

Aucune décision n’est encore arrêtée pour ce qui concerne le panier des soins, les taux de remboursement et de cotisation.
L’idée est d’appliquer l’AMO de manière progressive ; or, la loi interdit la sélection des risques.

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Driss Jettou a rouvert le dossier de l’assurance maladie obligatoire (AMO) lors de la réunion qu’il a tenue, vendredi 3 septembre, avec cinq de ses ministres ainsi que les représentants de la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale) et de la CNOPS (Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale). Mais, hormis la date d’entrée en vigueur de la loi (65-00) portant AMO, fixée au 1er janvier 2005, rien n’a encore été arrêté ; ni les taux de cotisation, ni les taux de couverture et pas davantage le panier des soins. Une demi-douzaine de scénarios ont été remis au premier ministre. Il appartient à ce dernier de trancher, après consultation des partenaires sociaux.
Trois mois et demi seulement nous séparent donc de l’échéance fixée. Cela fait dire à certains, en particulier dans le milieu des affaires, qu’il sera difficile pour le gouvernement de tenir son engagement de faire démarrer l’AMO le 1er janvier 2005.
Qu’à cela ne tienne !
M. Jettou, selon une source bien informée, a clairement l’intention de respecter le calendrier fixé et il aurait même décidé de bloquer des demi-journées entières pour plancher sur le dossier.

Le patronat veut limiter
les prestations aux grands risques
Mais, tout compte fait, il semble bien que cette entrée en vigueur de l’AMO le
1er janvier prochain se fera de manière graduelle, de sorte que, progressivement, on procéderait à la révision des taux de remboursement et/ou de la liste des soins ou encore des taux de cotisation.
D’une certaine manière, cette idée rejoint la position du patronat qui milite pour une «mise en œuvre douce» de l’AMO, selon la formule de Hassan Chami, président de la CGEM. Ce dernier estime en effet que, compte tenu de la «situation fragile» de l’entreprise marocaine, la mutualisation ne devrait concerner, tout au moins pour un certain temps, que les grands risques, les enfants et les femmes. Mais est-ce possible ? La loi 65-00 ne le permet pas. «Il est interdit aux organismes gestionnaires [CNSS pour le privé et CNOPS pour le public, ndlr] de pratiquer la sélection des risques (…)», stipule l’article 42 de la loi. L’article 7, lui, précise bien, tout en les énumérant, que les prestations auxquelles donne droit l’AMO sont à la fois curatives (gros risques) et préventives (soins ambulatoires) ; étant entendu que les soins de confort (acupuncture, cures thermales, chirurgie esthétique, thalassothérapie, etc.) sont exclus du champ d’application de l’AMO (article 8). Last but not least, la loi souligne bien, dans son préambule, que l’AMO vient parachever l’expérience marocaine en matière de couverture médicale et donc «consolide les droits acquis par les citoyens (…)».
Au regard de ce qui précède, on peut se demander dans quelle mesure la progressivité dans l’application de l’AMO pourra réellement se réaliser. Du moment que la loi interdit formellement de pratiquer la sélection des risques, donc d’en exclure une partie sous prétexte que ce sont des risques mineurs, sur quels leviers agir pour éviter, comme on le dit ici et là, des dérapages financiers ? Sur les taux de remboursement ?
Certes, dans son article 10, la loi portant AMO donne la possibilité de fixer, par voie réglementaire, les taux de remboursement, mais cette même disposition précise bien, plus loin, que ces taux ne sauraient être «inférieurs aux taux appliqués à la date d’entrée en vigueur de la présente loi».
Le Dr Ahmed Amamou, directeur par intérim de la CNOPS, auteur d’ouvrages très documentés sur le sujet, et servi par une expérience trentenaire dans le domaine, est formel : «La mise en œuvre progressive de la couverture médicale ne peut être réalisée que dans le cadre de la loi 65 00. Par conséquent, le seul scénario qu’il faudrait retenir, c’est celui prévu par la loi. Autrement dit, il faudrait absolument parvenir à marier le préventif et le curatif, c’est-à-dire les soins ambulatoires et les grands risques». Le Dr Amamou cite à l’appui de son idée cet exemple: une angine bien traitée (donc soins ambulatoires) coûte au maximum 200 DH ; mal soignée, elle peut générer un risque dont le coût est supérieur à 200 000 DH (chirurgie cardiaque et hémodialyse). De ce point de vue, la prise en charge des soins ambulatoires, contrairement à ceux qui pensent qu’elle générerait des charges importantes pour les gestionnaires et les employeurs, apparaît comme une pratique de bonne gestion, partant du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir.
Sachant donc que, de par la loi, l’exclusion de quelque risque que ce soit n’est pas possible (sauf à se mettre hors la loi), une solution médiane existe, selon le Dr Amamou, qui consisterait à assurer une couverture médicale non seulement pérenne mais aussi viable : agir sur les taux de remboursement, à condition néanmoins de mettre en place des mesures d’accompagnement qui permettent de toujours rester dans le cadre de loi. Plus explicite, M. Amamou estime que si, par nécessité, il y a lieu de réduire les taux de remboursement, il est nécessaire, afin que le citoyen ne soit pas pénalisé, de faire participer à cet effort tout l’environnement dans lequel s’inscrit l’AMO. C’est-à-dire inciter les producteurs de soins, qui «sont les vrais ordonnateurs de la dépense», à respecter les tarifications convenues ; encourager le recours aux génériques par l’octroi au pharmacien du droit de substitution, exiger la régularité dans le paiement de la cotisation patronale (dans le privé comme dans le public), soumettre les organismes gestionnaires à des contrôles financiers appropriés et à des audits annuels, etc.

Qui paiera la cotisation patronale des 70 000 retraités ?
Le Dr Amamou a à cœur de rappeler, à cet égard, que les fondements de l’AMO reposent «sur les principes et les techniques de l’assurance sociale, et cela ne doit pas être oublié».
Reste que pour le gestionnaire public, la CNOPS, la question de la prise en charge de la cotisation patronale des retraités (au nombre de 70 000), demeure toujours posée. La CNOPS, en tout cas, se dit prête à assurer administrativement et techniquement l’adhésion de cette population, mais l’Etat se décidera-t-il à mettre la main à la poche pour s’acquitter de la cotisation patronale les concernant ?

Il faut inciter les producteurs de soinsà respecter les tarifications convenues, encourager le recours aux génériques par l’octroi au pharmacien du droit de substitution, exiger la régularité dans le paiement de la cotisation patronale,…