Affaires
AMO : l’éligibilité des génériques au remboursement bloquée
L’Agence de l’assurance maladie a mis en place une nouvelle procédure qui rend difficile la sélection des génériques pour le remboursement. Essais cliniques et paiement de 8 000 DH pour l’admission de chaque forme d’un médicament générique.

Bras de fer entre les industriels du médicament et l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM). Alors que le ministère de la santé finalise sa politique du médicament, qui doit être annoncée dans les jours qui viennent, afin de permettre une meilleure accessibilité via une plus grande pénétration du générique, l’ANAM, estiment les laboratoires pharmaceutiques, va à l’encontre de cette démarche. Et pour cause, elle a mis en place une nouvelle procédure pour la sélection des médicaments génériques éligibles au remboursement dans le cadre de l’AMO. Selon les industriels, cette procédure est de nature à freiner le développement des génériques.
Primo, elle ne fait pas le distinguo entre un médicament princeps et un générique pour l’accès au remboursement. Explication : la sélection des produits pour le remboursement dans le cadre de l’AMO se fait sur la base de critères précis. Il s’agit du Service médical rendu (SMR) pour le princeps. Autrement dit, sur la base de ses effets thérapeutiques. Pour le générique, en revanche, on considère plutôt le Service économique rendu (SER), c’est-à-dire son prix qui doit répondre aux impératifs de la maîtrise des dépenses. Or, la nouvelle procédure exige pour la sélection du générique les essais cliniques et les études scientifiques attestant du service médical rendu, soit la même démarche que pour les princeps.
Secundo, il faut débourser 8 000 DH pour chaque présentation (ou nature) de générique (comprimé, sirop, suppositoire…) si un laboratoire veut qu’il soit remboursable. «Ce sont des frais supplémentaires. Alors que pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché d’un princeps, l’industriel paie en tout 12 000 DH, quelle que soit sa présentation», dénoncent-ils, en estimant par ailleurs que cette nouvelle formule va alourdir les procédures.
Les professionnels se disent ainsi «pris de court par cette nouvelle mesure décidée et appliquée par la Commission de la transparence de l’ANAM».
Le ministère de la santé n’a pas été consulté
Par conséquent, ils ont décidé de boycotter les demandes de remboursement pour leurs génériques jusqu’à nouvel ordre. Au ministère de la santé, on dit «ignorer cette nouvelle procédure pour laquelle nous n’avons pas été consultés car c’est la commission de la transparence au niveau de l’ANAM qui est chargée de ce dossier». Certes, la sélection des médicaments remboursables relève de l’agent de régulation de l’AMO, mais cela n’empêche pas qu’il y ait une coordination avec le ministère qui décide la politique nationale du médicament dont l’un des objectifs majeurs est la promotion du générique. L’ANAM que nous avons cherché à joindre n’a pas donné suite à nos appels. Les industriels, quant à eux, n’hésitent pas à accuser l’agence d’entrave au développement des médicaments génériques qui présentent pourtant deux avantages. D’abord, ils permettent une meilleure accessibilité aux médicaments, particulièrement pour les patients au pouvoir d’achat limité. Ensuite, ils réduiront les budgets médicaments des organismes gestionnaires de l’AMO, en l’occurrence la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) et la CNSS (voir encadré).
Rappelons que le remboursement des médicaments, qu’ils soient princeps ou génériques, se fait sur la base d’une liste établie au lendemain de l’entrée en vigueur de l’AMO. Cette procédure obéit à un impératif financier dans la mesure où l’on doit garantir l’équilibre financier et donc la viabilité des organismes gestionnaires. Cette liste doit être régulièrement allongée. Et c’est à l’ANAM, en tant que régulateur de la couverture médicale, et après approbation du ministère de la santé, que revient la sélection des médicaments remboursables en fonction du prix et, bien sûr, des effets thérapeutiques.
Actuellement, selon de récentes statistiques du ministère de la santé, le générique représente 30% du marché privé du médicament qui a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de l’ordre de 8,3 milliards de DH. Pour les appels d’offres (consommation du secteur public de la santé), le taux de pénétration est de 80%. Le ministère vise, dans le cadre de sa politique du médicament, de porter ce taux de pénétration dans le privé de 30 à 70%. C’est à dire s’aligner sur les pays étrangers, notamment en Europe où la part des génériques représente entre 60 et 70% de la consommation, et 85% aux Etats-Unis.
