Affaires
AMO : la tutelle décidée à renouveler les tarifs de référence d’ici fin juin
Les médecins du privé menacent d’arrêter les demandes de prises en charge et d’organiser des journées sans médecins privés. Pour montrer leur importance dans le système, ils assurent soigner 80% des assurés de la CNOPS et 90% de la CNSS.

Le ministère de la santé et l’ANAM accélèrent le processus de révision de la tarification nationale de référence de l’AMO. Si, d’ici fin juin, les négociations avec les professionnels n’aboutissent pas, un arrêté ministériel fixant les nouveaux tarifs sera publié par la tutelle. Une décision qui a provoqué la colère des médecins qui ont appelé, lors de l’assemblée générale du Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP) et de l’Association nationale des cliniques privées (ANCP) tenue le 18 mai, «à une forte mobilisation pour la défense des intérêts des médecins privés». Les deux corporations menacent d’arrêter les prises en charge et d’organiser des journées nationales sans médecins privés répétitives et à l’échelle nationale.
Comment en est-on arrivé là ? En raison des longues négociations, beaucoup de retard a en effet été pris sur le calendrier réglementaire. Si l’on se réfère aux dispositions légales, la tarification nationale de référence doit, tous les trois ans, faire l’objet d’une révision. Or, rien n’a été fait depuis 2006, date de la mise en place du régime. En fait, le processus de révision n’a été lancé qu’en 2010. Depuis, aucun accord n’a été trouvé du fait de l’obstination des médecins, indique une source officielle. «Les discussions sont sans fin et compliquées car les organismes gestionnaires font un blocage continu et ne cessent de brandir la menace du déficit du régime AMO», rétorque Dr. Mohamed Benaguida, président de l’ANCP. Et d’ajouter : «La situation des deux caisses, CNSS et CNOPS, est confortable. Selon les dernières statistiques, l’excédent du régime AMO s’élève à 23,5 milliards de DH, soit 8,5 milliards pour la CNOPS et 15 milliards pour la CNSS. Les deux caisses ont de l’argent et ne veulent rien lâcher alors que les cliniques et les patients souffrent». Et d’enfoncer le clou : «L’AMO est aujourd’hui défavorable, sur la base de notre bilan établi sur les trois dernières années, aussi bien aux prestataires qu’aux patients. Ceux-ci aujourd’hui supportent 53% de la dépense santé malgré la couverture médicale».
Les gestionnaires accusés de bloquer les négociations…
Selon le rapport de l’ANAM, l’excédent cumulé du régime est de 20 milliards de DH, dont 12 milliards pour la CNSS et 8 milliards pour la CNOPS, et non de 23 milliards. A la CNSS, on tient à préciser que «la situation est normale car en période de croissance, les cotisations évoluent plus rapidement que les dépenses» et qu’il «arrivera un moment où la tendance va s’inverser et ce matelas constitué servira à garantir la pérennité du régime». La même source fait savoir qu’en aucun cas, les risques de déficit ne sont invoqués pour peser sur les négociations.
Au-delà des aspects financiers, les médecins jugent aussi que le régime est défavorable aux prestataires de soins. Si l’on considère la convention signée en 2006, il s’agit principalement du déphasage des tarifs avec le coût réel de la médecine, de l’obligation d’adhérer au régime, de la fixation d’un délai de forclusion de 90 jours pour le dépôt des dossiers de remboursement et de la non-révision de la nomenclature des actes médicaux. Par ailleurs, le président de l’ANCP souligne les retards dans la délivrance des prises en charge, la lourdeur du contrôle médical et le déconventionnement abusif des médecins du régime de l’AMO. L’Association signale également que «le régime de la couverture médicale favorise le secteur public par rapport au privé, notamment au niveau des taux de remboursement». Explication : «Si l’assuré se soigne dans les hôpitaux il est remboursé à hauteur de 90% alors que s’il opte pour le secteur privé, le taux de remboursement varie de 70 à 80% pour les soins ambulatoires, alors que pour les hospitalisations, le remboursement est de 100% dans les hôpitaux». Mais, en dépit de cette inégalité, les patrons des cliniques avancent que les assurés AMO s’adressent, pour des raisons d’efficacité et de qualité des soins, au secteur privé. La preuve, disent-ils, 80% des assurés de la CNOPS et 90% des assurés CNSS se soignent dans le secteur privé.
Pour le ministère de la santé et l’ANAM, le renouvellement de la TNR doit se faire en tenant compte de l’équilibre financier du régime AMO et l’engagement des médecins sur certains points, notamment la prescription de génériques et le respect des protocoles thérapeutiques mis en place, en vue d’une rationalisation des dépenses.
Les médecins veulent que l’inflation soit prise en compte
Au vu des arguments des uns et des autres, les négociations pour la révision de la tarification nationale de référence de l’AMO pourraient tourner au bras de fer. Le président du CSNMSP, Saad Agoumi, avance que «la bataille sera rude». Et pour cause, les propositions faites par l’ANAM, lors de la dernière réunion tenue le 9 mai, sont basées sur le mémorandum des spécialistes signé en décembre 2011. «Beaucoup de choses ont changé durant ces cinq dernières années, et nos interlocuteurs doivent en tenir compte», explique Dr. Agoumi qui souligne que les revendications de la profession permettront de pérenniser le régime AMO. Elles portent sur la séparation des conventions (une pour les cliniques et une pour les médecins) en vue d’un meilleur fonctionnement de la couverture médicale, la revalorisation annuelle de la TNR en tenant compte du réel coût de la prestation médicale préalablement déterminé par une commission et de l’inflation, l’adhésion volontaire des médecins à l’AMO, la réduction du délai d’octroi de la prise en charge à 48 heures, la suppression du délai de forclusion, la réglementation du contrôle médical et l’instauration du secteur 2 pour les médecins qui ne souhaitent pas se conventionner AMO. Ces doléances, dont quelques-unes figurent déjà dans le mémorandum de 2011, seront exposées à la prochaine rencontre avec l’ANAM et le ministère de la santé.
