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«Le processus de transformation des entreprises est long et difficile»
Les entreprises marocaines naviguent dans un écosystème en mutation permanente. Il faut s’assurer de la capacité de l’entreprise à mener à bien son projet de transformation et des collaborateurs à être les acteurs du changement.

Optimum Conseil a mené en 2014, en partenariat avec IPSOS Maroc, une enquête sur la transformation d’entreprise vue par les dirigeants au Maroc. Les enseignements issus de cette étude mettent en lumière les pratiques des entreprises qui tirent l’économie marocaine. Karim Tazi, directeur associé du cabinet en charge de l’activité Corporate Change dédiée à l’évolution des structures, nous éclaire sur les principaux enjeux de la transformation.
Pensez-vous que les entreprises marocaines ont conscience que la transformation peut être un facteur de leur développement ?
Les entreprises marocaines naviguent dans un écosystème en mutation permanente, profonde, et dont le rythme des évolutions s’accélère. L’enjeu d’adaptabilité est dorénavant placé au cœur de l’avantage concurrentiel des entreprises. Aussi, sont-elles amenées à conduire des changements importants, structurants, qui vont significativement modifier l’organisation, les modes de fonctionnement, les technologies, la culture et le management. Se transformer devient un enjeu clé.
Conscients que le développement et la pérennité de leur entreprise passent parfois, voire souvent, par la conduite d’un projet de transformation, les dirigeants sont de plus en plus confrontés à cette problématique aussi bien dans les grandes structures que dans les PME. Ils se doivent de préparer au mieux leur entreprise pour faire face à des mutations qui apportent leur lot d’instabilités et qui mettent sous tension l’ensemble de l’organisation et des collaborateurs.
Quels sont les principaux objectifs recherchés par les entreprises qui osent la transformation ?
Les dirigeants qui entament un projet de transformation le font généralement pour trois objectifs principaux. Il s’agit d’abord de pérenniser l’activité de l’entreprise en sécurisant son patrimoine, son savoir-faire, son fonds de commerce… Ensuite, c’est pour développer le chiffre d’affaire, les parts de marché, la présence internationale… Enfin, c’est une question de rentabilisation des activités de l’entreprise en cherchant à gagner en productivité, en performance, en agilité.
Ceci est dans le but de s’adapter à l’évolution du marché de l’entreprise. Dans la majorité des cas, ces trois objectifs sont visés simultanément. La prépondérance de l’un ou de l’autre orientera néanmoins les leviers qui seront actionnés prioritairement.
Y a-t-il un timing particulier durant lequel une entreprise peut enclencher un processus de changement, ou bien cela peut-il intervenir à n’importe quelle étape de son parcours ?
Les transformations peuvent être induites par des facteurs externes à l’entreprise (évolution brutale du marché, évolution du cadre réglementaire, changement d’actionnaires…) et/ou par des facteurs internes (amélioration de la performance, optimisation…).
La transformation peut être assimilée à un cycle qui accompagne la vie de l’entreprise. Ce cycle comprend des étapes comme la définition d’une vision ou d’une ambition stratégique, l’alignement de l’organisation et du référentiel associé, l’évolution des politiques de l’entreprise (politique RH, politique d’achats, politique financière…), de ses outils et notamment des systèmes d’information, ou encore l’évolution de culture de l’entreprise.
Notre expérience des projets de transformation nous montre que ces cycles sont plutôt longs (de 2 à 5 ans en fonction des entreprises) et qu’ils ont tendance à se renouveler. En effet, au bout de quelques années, dans un environnement concurrentiel dynamique, il est généralement nécessaire d’ajuster la vision stratégique et de procéder aux alignements qui sont nécessaires.
En fonction du momentum dans lequel se trouve l’entreprise, elle actionnera certains leviers plutôt que d’autres. Dans tous les cas, le processus pourra être initié au moment où le dirigeant le sentira nécessaire. Rappelons simplement que ce processus de transformation est long et difficile. Il mobilise beaucoup les énergies de l’entreprise. Il faut donc s’assurer de la capacité de l’entreprise à le mener à bien et des collaborateurs à être les acteurs du changement.
Selon vous, y a-t-il des règles spécifiques à adopter lorsqu’une entreprise entame un projet de transformation ?
Il y a, en effet, quelques facteurs-clés de succès qu’il me semble important de rappeler, à commencer par mettre de l’énergie pour définir, planifier, structurer. Plus la destination (ndlr : la Vision stratégique) sera définie avec précision, et les conditions de route précises et partagées, moins le trajet sera difficile. Mettre encore plus d’énergie pour accompagner la mise en œuvre des changements opérés est également important. C’est souvent l’erreur que font certains dirigeants. Ils considèrent qu’une fois les décisions prises, leur mise en œuvre est automatique. Notre pratique montre que de véritables stratégies doivent être définies et déployées pour sécuriser ces déploiements.
Le facteur temps doit également être bien géré en trouvant le bon rythme en fonction du contexte de l’entreprise. Vouloir aller trop vite et l’on prend le risque de détacher la tête de l’entreprise de son corps ; aller trop lentement favorisera en revanche les résistances qui ne manqueront pas d’apparaître. Il ne faut pas non plus sous-estimer les aspects culturels. Ils peuvent être de formidables catalyseurs ou, au contraire, des freins puissants à la mise en œuvre des projets de transformation. Ces aspects culturels doivent être adressés avec finesse et détermination. Enfin, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par des spécialistes. La conduite des projets de transformation ne s’improvise pas. De nombreuses erreurs peuvent être évitées en capitalisant sur les expériences qui ont réussi ou qui ont échoué dans d’autres entreprises.
Un processus de transformation diffère-t-il d’une entreprise privée à une entreprise publique ?
A notre sens, il y a très peu de différences entre une entreprise privée et une entreprise publique. Contrairement à une idée préconçue, les entreprises et institutions publiques marocaines se transforment à marche forcée depuis quelques années. Nous nous en réjouissons. Les grandes différences entre ces deux types d’entreprises concernent les stratégies de transformation qui seront mise en œuvre et donc les leviers qui seront actionnés.
