Affaires
Agadir : professionnels du tourisme et officiels divisés sur les solutions de relance
La journée de réflexion qui avait pour thème «Agadir, une destination à réinventer» a été l’occasion de soulever de vrais problèmes mais aussi de relancer des polémiques inutiles. Rentabilité, offre aérienne, vétusté de certains hôtels, absence de foncier ou encore manque d’animation ont été au programme.
Beaucoup d’hôteliers croient à tort que le balnéaire se limite au front de mer.

On prend les mêmes –ou presque– et on recommence. Organisée à l’initiative du Conseil régional du tourisme (CRT) d’Agadir, la «journée de réflexion» qui s’est tenue, ce samedi 28 mars à Agadir avec pour thème «Agadir, une destination à réinventer», a rapidement pris des allures de remake des 11e Assises du tourisme, qui se sont tenues en septembre dernier. Quatre panels de discussion se sont enchaînés : «Agadir dans le benchmark des destinations concurrentes», «Redéploiement de la capacité hôtelière», «Développer la destination : aérien et promotion» et «Equipement et infrastructure d’accompagnement de l’activité touristique» ont ainsi vu la participation, entre autres, de Lahcen Haddad, ministre du tourisme, Abderrafih Zouitene, DG de l’Office national marocain du tourisme (ONMT), Tariq Kabbage, président de la Communauté urbaine d’Agadir (CUA), Abdellatif Kabbaj, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), Brahim Hafidi, président de la région Souss-Massa-Drâa (SMD) ou encore Zouhair El Aoufir, DG de l’Office national des aéroports (ONDA).
Même Mohamed Boussaïd, ministre de l’économie et des finances et ancien wali de la région SMD, a fait le déplacement. Pour la petite histoire, ce dernier avait choisi Agadir pour sa première sortie en tant que ministre du tourisme et de l’artisanat : c’était en 2007. Déjà à cette époque, les discussions avaient tourné autour de l’avenir d’Agadir en tant que destination balnéaire. Ce samedi 28 mars 2015, les opérateurs ont à nouveau parlé de rentabilité, de vétusté du parc hôtelier, d’offre aérienne ou d’absence de foncier. Des problématiques qui ne sont pas toujours justifiées, surtout si l’on considère le manque de valorisation de l’offre existante.
Les professionnels réclament du foncier, le ministère n’en voit pas l’utilité
«Durant les 15 dernières années, la progression moyenne de la capacité litière d’Agadir n’a été que de 2,7% par an alors qu’elle était de 17% à Antalya et de 19% à Charm El-Cheikh», a déclaré d’emblée Salah-Eddine Benhammane, président du CRT, dans son allocution d’ouverture. Certes, avec ses 28 000 lits, dont 7 000 mériteraient une mise à niveau, Agadir fait pâle figure face à Antalya (500 000 lits) ou Charm El-Cheikh (450 000 lits). Mais à entendre les professionnels, c’est notamment le manque de foncier qui retarde l’augmentation de la capacité litière de la destination. Un comble quand on sait que la ville ne manque pas de projets, entre la station Taghazout Bay et le pôle Founty. Quand ces mêmes professionnels, soutenus par quelques représentants du secteur public, réclament la libération de quelque 5 000 hectares de l’actuel Parc national du SMD, véritable atout de la région, il y a même de quoi enrager. «Le problème du foncier à Agadir est un faux problème. Nous en avons suffisamment. Il s’agit plutôt de libérer l’investissement», n’a pas manqué de répondre M. Haddad. Au final, c’est plutôt l’obsession des hôteliers d’Agadir de concentrer la capacité hôtelière sur le front de mer qui risquerait bien de leur coûter cher. Nulle part ailleurs, une station balnéaire ne se construit que sur son front de mer ! Sur place, un représentant du tour-opérateur allemand TUI s’est même étonné de voir les professionnels du tourisme d’Agadir se détourner de la ville elle-même.
Près de 7 000 lits sont gérés par des hôteliers peu scrupuleux
Là où les professionnels n’ont pas totalement tort, en revanche, c’est sur la nécessité d’agir contre des hôteliers peu scrupuleux. «Entre 6000 et 7000 lits réalisent moins de 30% de taux d’occupation, affirme Mohamed El Yazid Zellou, wali de la région SMD. Près d’une vingtaine d’unités datant des années 80 tirent Agadir vers le bas. Nous les avons reçus à maintes reprises. Nous avons essayé d’entamer un débat avec eux mais ils refusent». Tarik Kabbage enfonce le clou : «Nous avons besoin de grandes décisions juridiques pour gérer ces entrepreneurs qui gèrent mal». Reste à savoir si les autorités concernées ont déjà tenté d’utiliser les moyens légaux existants, telle que l’option de «l’utilité publique» pour justifier l’expropriation de ces hôteliers. «Les maux d’Agadir ont été créés par les Gadiris eux-mêmes et de leurs mauvais choix stratégiques», s’exaspère un responsable public. En pratiquant le all-inclusive en plein centre-ville, certains hôteliers contribuent par exemple au manque d’animation. Tous s’accordent à dire qu’un ou deux événements d’envergure internationale permettraient de redynamiser la destination. La valorisation du parc national SMD, à travers des parcours, des points d’observation ou encore des zones d’accueil, de restauration ou d’hébergement durables, ne serait pas inutile. De son côté, la ville travaille actuellement, en coopération avec les Iles Canaries, sur un projet de musée et de jardin botanique.
Au sujet de la rentabilité, là encore les autorités publiques n’ont pas manqué de répondre aux professionnels. «Le remplissage d’un hôtel dépend de l’agressivité commerciale des équipes», a rappelé, non sans raison, M. Zouitene. «Nous sommes dans le débat mais à un moment il faut passer à l’action. Travaillons pour faire émerger le territoire Souss Sahara Atlantique comme le prévoit la Vision 2020», a conclu M. Haddad. Ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que le Contrat-programme régional (CPR) d’Agadir était le moins bien avancé de tous ; d’autres destinations ont déjà atteint un taux de réalisation de 40%.
Quant à la question de l’aérien, elle fait l’objet de nombreux efforts, notamment de la part de l’ONMT. Ce dernier a en effet négocié plusieurs ouvertures de lignes avec des compagnies aériennes étrangères et la Royal Air Maroc (Lyon). De nombreuses lignes ont néanmoins été annulées, faute de remplissage.
