Affaires
A peine 36% des salariés du secteur privé occupent des emplois formels
Seuls 22% des travailleurs déclarés à la CNSS le sont toute l’année. L’enjeu est double : créer suffisamment d’emplois et améliorer leur qualité.

Fin 2017, le Haut Commissariat au Plan (HCP) et la Banque mondiale, dans le cadre d’un partenariat conclu en 2016, publiaient une note sur le marché du travail au Maroc contenant des chiffres qui en disent long sur la précarité des emplois existants. Sur les 10,6 millions recensés, un peu plus de 2 millions sont des emplois salariés formels (19% du total), dont 852000 relevant du secteur public ! Le reste se partage entre l’auto-emploi (3,4 millions), les aides familiales non rémunérées (2,34 millions) et l’emploi informel (2,9 millions). Et comme le privé concentre quelque 90% de l’emploi total, c’est dans ce secteur que l’informel est le plus important. En effet, alors que le nombre de salariés déclarés à la CNSS a atteint 3,3 millions au terme de l’année 2016, le document du HCP et de la Banque mondiale indique que seulement 1,2 million (36,4%) de salariés du secteur privé occupent des emplois formels.
Clairement, être déclaré à la CNSS ne constitue pas la garantie que l’on occupe un emploi formel ; tout au moins au regard des normes du Bureau international du travail (BIT) auxquelles le Maroc adhère et qu’il applique dans l’élaboration de ses travaux sur cette thématique. Du reste, les statistiques fournies par la CNSS tendent à corroborer ce constat. Selon la caisse, l’effectif des actifs ayant été déclarés, en 2016, durant les 12 mois de l’année représente 48% de l’ensemble des actifs déclarés. Autrement dit, plus de la moitié des déclarés l’ont été pour des périodes inférieures à un an. Et ce qui attire l’attention, c’est que cette structure des actifs par nombre de mois déclarés dans l’année est quasiment invariable depuis plusieurs années.
La ventilation par secteur d’activité montre que dans l’agriculture, seuls 28% des 242 581 actifs ont été déclarés durant toute l’année ; le nombre moyen de mois déclarés étant de 6,9 en 2016. Vu la saisonnalité qui caractérise cette activité, le niveau de déclaration dans le secteur agricole s’explique aisément.
Dans le secteur non agricole, en revanche, près de la moitié (49%) des 3 millions d’actifs déclarés l’ont été pour toute l’année. Mais plus de 20% (soit 620 737) ont été déclarés pour des périodes allant de 1 à 5 mois; le nombre de mois déclarés en moyenne étant de 9,2 en 2016.
La moyenne des jours déclarés à la CNSS est de 212
La ventilation des actifs par le nombre de jours déclarés dans l’année paraît encore plus significative du niveau de précarité qui caractérise l’emploi privé. Car un salarié déclaré un mois, par exemple, peut n’avoir travaillé réellement que quelques jours durant ce mois. Là encore, les chiffres de la CNSS sont assez édifiants. Sur les 3,3 millions d’actifs déclarés en 2016, pas plus de 22%, majoritairement des hommes, ont atteint le maximum de 312 jours au titre de l’année (soit 12 mois x 26 jours par mois). 16% ont été déclarés entre 1 et 72 jours dans l’année, 12% entre 72 et 144 jours, 13% entre 144 et 216 jours et 59% entre 216 et 312 jours. De sorte que le nombre moyen de jours déclarés dans l’année ressort à 212, soit deux tiers de la période maximum de travail de l’année.
Là encore, lorsqu’elles sont déclinées par secteur d’activités, les données de la CNSS sont plus parlantes. Dans le secteur agricole, par exemple, 7% seulement des salariés ont totalisé 312 jours de déclaration au cours de l’année 2016, et 24% n’ont même pas atteint 36 jours de travail! Mais, une fois de plus, la forte saisonnalité de ces activités explique, probablement pour une bonne partie, la précarité de l’emploi agricole.
Dans le secteur non agricole, 23% des actifs déclarés en 2016 ont cumulé un total de 312 jours de travail et 27% moins de 144 jours. En moyenne, sur l’année, le nombre de jours déclarés en 2016 des actifs de ce secteur était de 217.
Implicitement, ces données de la CNSS confirment le constat du HCP issu de ses enquêtes selon lequel 36,4% seulement des salariés du secteur privé occupent des emplois formels (voir encadré sur la qualité de l’emploi). Du coup, l’enjeu est double aujourd’hui : d’une part, remédier à la faiblesse des créations d’emplois afin d’absorber la croissance de la population en âge de travailler, et, d’autre part, améliorer la qualité des emplois créés.
[tabs][tab title = »Moins de 3 millions de salariés bénéficient d’une couverture sociale« ]Les enquêtes disponibles sur la qualité de l’emploi mettent toutes en évidence la faible qualification de la main-d’œuvre, la précarité des emplois occupés et le caractère peu organisé du monde du travail. Les données de ces enquêtes montrent en effet que 60,4% des actifs occupés, soit un peu plus de 6,4 millions de personnes, n’ont aucun diplôme, 27,2% (ou 2,9 millions) ont un diplôme de niveau moyen, et 12,4% (1,3 million) un diplôme de niveau supérieur. En outre, près de 80% des travailleurs (78,4%) ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Passe encore pour les aides familiales dont on sait qu’elles effectuent un travail non rémunéré ! Le problème est que même parmi les salariés, au nombre de 5 millions environ, 41,2% seulement (soit 2,9 millions) ont une couverture sociale. Environ 66% des actifs occupés ne disposent pas de contrat qui formalise leur relation avec leur employeur, et près de 97% d’entre eux ne sont pas affiliés à une organisation syndicale ou professionnelle. Pas étonnant dans ces conditions que plus d’un cinquième (21,4%) exprime le désir de changer d’emploi.[/tab][/tabs]
