Affaires
A Casa, plus de la moitié de la viande rouge vient de l’abattage forain
Les nouveaux abattoirs ont produit moins de 20 000 tonnes de viande, en 2004, pour une capacité totale de 70 000
La différence de prix entre le kg produit aux nouveaux abattoirs et celui des souks environnants peut atteindre 5 à 6 DH.
Plus de la moitié de la viande commercialisée sur le marché casablancais, qui compte entre
5 000 et 6 000 bouchers, provient de l’abattage forain, sachant que la métropole consomme entre 45 000 et 50 000 tonnes par an, sur un total de l’ordre de
250 000 tonnes pour tout le pays. Au moment de leur fermeture, les anciens abattoirs de Casablanca avaient un rythme d’abattage annuel de 27 000 tonnes par an. Or, en 2004, le nouveau complexe des abattoirs, construit à grands frais (plus de 700 MDH), a atteint officiellement et péniblement 19 500 tonnes pour une capacité de 70 000.
D’où vient la différence qui approvisionne la ville ? L’abattage clandestin, très sérieusement réduit (la dernière opération d’assainissement s’était soldée par 12 arrestations à Derb Ghallef, qui a valu aux contrefacteurs des peines de prison), n’intervient que pour une toute petite partie. C’est à l’abattage forain que l’on doit l’essentiel du différentiel. Cela se pratique, ce n’est un secret pour personne, à Sebt Tit Mellil, Khemis Médiouna, Tlat Bouskoura et Mohammédia. Cette viande, qui n’est pas à proprement illégale, présente de sérieux problèmes sanitaires. Et quand bien même elle aurait été entièrement couverte par les inspections sommaires des vétérinaires, dont l’effectif sur place est insuffisant, les conditions de manipulation, de manutention et de transport qu’elle subit la rendent, en fait, impropre à la consommation. Si elle ne nous vaut pas des intoxications quotidiennes, c’est à notre mode de cuisson à 120 degrés que nous devons d’en être protégés.
La santé du consommateur est en jeu
Pourquoi l’abattage forain a-t-il connu un regain d’activité ? A cela deux raisons essentielles. Il y a d’abord l’imprécision des contrôles, qui permet aux chevillards comme aux bouchers qui choisissent ce circuit de procéder à l’abattage de bêtes malades qui auraient été tout simplement incinérées sans aucune forme de dédommagement.
L’autre raison est qu’il faut payer des taxes de 2,65 DH/kg en passant par les abattoirs, ce qui se répercute sur le prix de vente, alors que dans les souks, le boucher peut acheter la viande légèrement moins cher. En définitive, il peut gagner 5 à 6 DH sur le kilo, même en payant aux communes concernées une taxe de l’ordre de 100 DH par bête abattue.
Il est clair que nombre de chevillards et de bouchers (il y a aussi des chevillards qui ont un ou plusieurs magasins de boucherie) qui recourent à l’abattage forain élargissent leur marge et fidélisent une clientèle très sensible au prix, vu son faible pouvoir d’achat. Et si le comportement de ces professionnels peu scrupuleux trouve son explication dans le profit, la tolérance des autorités quant à ces pratiques relève quant à elle du laxisme. En effet, la transhumance de la viande foraine vers les marchés de la ville est un phénomène connu, et qui doit être sérieusement combattu.
On se trouve dans cette situation paradoxale où, parce que nous avons enfin les moyens de produire une viande saine, la part de l’informel ou du semi-informel augmente. Aujourd’hui, c’est la campagne qui alimente la ville en produits douteux, qui présentent un danger potentiel pour la santé des citoyens..