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92% des ressources bancaires sont placés en crédits

Les crédits à  l’économie ont atteint 611,3 milliards DH à  fin 2010, soit +7,4% par rapport à  2009. Ils avaient crû de 9,66% en 2009 et de 23,2 en 2008.

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Désormais, les crédits à l’économie semblent évoluer en cohérence – ou presque – avec les fondamentaux de l’économie. La période de croissance du crédit à deux chiffres, atteignant même près de 30% comme en 2007, est-elle alors définitivement révolue ? Les chiffres des banques commerciales arrêtés par le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) le laissent penser, en tout cas. Sur l’ensemble de l’année 2010, en effet, les crédits à l’économie distribués se sont établis à 611,345 milliards de DH, en hausse de 7,41 % par rapport à 2009. Pour apprécier le fléchissement intervenu dans l’évolution des crédits, il faut rappeler qu’en 2009, ils avaient progressé de 9,66% à 568,4 milliards, au lieu de 23,2% en 2008 et…29,5% en 2007. Il y a donc une nette décélération dans la croissance des crédits. Et cependant, cela n’a pas permis de desserrer l’étau sur les ressources des banques, puisque le coefficient d’emplois ressort à 92%, en hausse de 2,10% par rapport à 2009.
Cette contrainte sur les ressources, alors même que les crédits connaissent une modération, s’explique par la faible progression des dépôts de la clientèle. En 2010, ceux-ci n’ont progressé que de 3,21%, au lieu de 4,7% en 2009, 13,8% en 2008 et 17% en 2007. Le coefficient d’emplois, lui, était respectivement de 90%, 86% et 78%. Les deux variables, on le voit, n’évoluent pas à la même vitesse. Il en résulte que le rythme de progression des crédits sur la clientèle en 2010 (+8,74%) et celui des dépôts de la clientèle (3,21%) accuse un gap de 5,5 points.

Les crédits immobiliers aux particuliers : + 13,14 % à 125,8 milliards de DH

Les principaux segments de crédits sont revenus à des niveaux de croissance plutôt modérés. En effet, les crédits à l’équipement ont augmenté de 16,23%, à 147,43 milliards de DH. On est bien loin des hausses de 27% en 2009, 18,5% en 2008 et 28,7% en 2007. Sans doute, faut-il voir dans cette modération les effets de la crise qui obligent les banques à être plus regardantes et les entreprises moins demanderesses! Idem pour les crédits immobiliers aux promoteurs : une quasi-stagnation (+ 1,16%) à 63,82 milliards de DH. En 2009, les crédits aux promoteurs avaient progressé de 39,2%, en 2008 de 124,5% et en 2007 de… 200%. Mais la crise est passée par là : de nombreux chantiers étaient à l’arrêt, notamment à Marrakech, Tanger, mais aussi, à un degré moindre, dans d’autres villes. Ce que confirment d’ailleurs les promoteurs eux-mêmes.
Les crédits immobiliers aux particuliers, en revanche, restent assez soutenus, même si leur courbe d’évolution a elle aussi fléchi : + 13,14% à 125,8 milliards de DH, au lieu de 13,4% en 2009, 15,5% en 2008 et 29% en 2007. La fièvre immobilière qui s’est emparée des ménages avant 2008 est visiblement bien retombée. Certaines institutions, à l’époque, n’avaient d’ailleurs pas hésité à tirer la sonnette d’alarme pour prévenir contre le risque d’apparition d’une bulle immobilière ; tant la croissance des crédits immobiliers, et plus généralement des crédits à la clientèle, était en déphasage complet par rapport à la réalité économique.
Avec les difficultés qu’a connues le secteur touristique et le rétrécissement des envois des MRE, alors même que les baisses successives de l’impôt sur le revenu ont permis de réinjecter du pouvoir d’achat chez les salariés, les crédits à la consommation sont retombés à un niveau de progression plutôt moyen (en comparaison avec le passé récent). Ils n’ont, en effet, augmenté que 8,2%, à 32,25 milliards de DH, contre 18,8% en 2009 et 28% en 2008. Ces chiffres sont évidemment à relativiser puisqu’il ne s’agit en l’occurrence que de crédits à la consommation distribués par les banques membres du GPBM ; le gros des crédits à la consommation étant assuré par les sociétés du même nom, dont c’est le métier principal.
Les crédits de trésorerie ne sont pas mieux lotis, loin s’en faut : + 1,5% à 69,5 milliards de DH, au lieu d’une hausse de 2,45% en 2009, 3,23% en 2008 et 10,7% en 2007. Les comptes courants débiteurs ont augmenté de 8,5% à 73,16 milliards de DH, tandis que les créances en souffrance brutes sont en baisse de 4,6% à un peu plus de 30 milliards de DH ; elles représentent 5,1 % des crédits à l’économie.

Les crédits à l’équipement représentent 24,12 % des crédits à l’économie

Au total, les créances (ou les crédits) sur la clientèle ont totalisé en 2010 un encours de 561,61 milliards de DH (+8,74%), soit 91,86% des crédits à l’économie ; les 8% restants étant constitués des créances sur les sociétés de financement. Par rapport aux dépôts de la clientèle, les créances sur la clientèle ont représenté un peu plus de 92% ; soit le même ratio des crédits à l’économie sur les ressources (ou coefficient d’emplois). Rappelons, pour souligner l’immense pression sur les ressources, qu’en 2009 les créances sur la clientèle représentaient 87,35% des dépôts de la clientèle et que le coefficient d’emploi se situait, lui, à 90% comme déjà indiqué.
Si l’on suppose que le PIB en 2010 a augmenté de 4,5% en valeur (c’est-à-dire en dirhams courants), le rapport des crédits à l’économie des banques commerciales sera alors de 79,4%, au lieu de 76,8% en 2008.
Au-delà des évolutions, les encours par catégorie de crédits montrent que ce sont les crédits à l’équipement qui dominent : ils représentent 24,12% des crédits à  l’économie et, mieux encore, 26,25% des créances sur la clientèle. En deuxième position viennent les crédits immobiliers aux particuliers avec un stock de 125,8 milliards de DH, soit 20,6% des crédits à l’économie et 22,4% des crédits à la clientèle. Ces deux segments à eux seuls représentent 44,7% des crédits à l’économie, soit 273,21 milliards de DH. Cela permet de faire tourner la machine économique.
Dans une économie qui a encore une marge de progression importante, comme c’est le cas du Maroc, et plus généralement des pays en développement ou émergents, le niveau de hausse du crédit enregistré en 2010 (7,4%) est tout à fait en cohérence par rapport à la croissance économique…potentielle.
Dans le cas particulier du Maroc, on sait que la demande intérieure, notamment la consommation des ménages, joue un rôle fondamental dans la croissance du économique. Mais, parallèlement, les ressources doivent suivre, et là encore la marge de progression est grande puisque le taux de bancarisation, en y intégrant les comptes chèques postaux (CCP) et ceux de la caisse d’épargne nationale (CEN), n’est encore qu’à 47 %. Et encore, dans ce taux, faut-il faire la part de ceux qui disposent de plusieurs comptes !
Comment faire pour améliorer le taux de bancarisation ? Les banques ont fait des progrès énormes en matière d’ouverture d’agences, donc de rapprochement avec la population, si bien d’ailleurs qu’aujourd’hui, il y a moins de 9 000 personnes pour une agence bancaire. Outre le développement de produits d’épargne attractifs (ceux décidés par le gouvernement dans la Loi de finances 2011 suffiront-ils ?), il serait peut-être temps de songer à rémunérer les dépôts à vue, même si, ça pourrait être la contrepartie non souhaitable, les commissions risqueraient alors de s’envoler. A ceci près que c’est déjà le cas aujourd’hui, malgré les rappels à l’ordre de Bank Al Maghrib sur ce point adressés aux banques.