Affaires
8 500 infractions des employeurs au code du travail en 9 mois
419 PV ont été dressés pour constater 7 811 contraventions et 659 délits. Marrakech est en tête des délégations de l’emploi où sont relevées le plus de contraventions. L’essentiel des contraventions est lié à la paie et aux relations de l’entreprise avec la CNSS.
Régulièrement, des infractions des entreprises au code du travail sont signalées ici et là et certaines ont même été à l’origine de déclenchement d’arrêts de travail. Qu’en est-il réellement, du moins statistiquement ? Selon des données recueillies auprès du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, 8 500 infractions ont été relevées au cours des neuf premiers mois de 2012. Ces infractions se répartissent entre contraventions (7 811) et délits (659), et elles ont fait l’objet de 419 procès-verbaux, un PV pouvant être dressé pour plusieurs infractions ou délits.
En 2011, les inspecteurs du travail ont relevé 11 114 contraventions et 699 délits, soit 11 813 infractions. C’est énorme ! Signalons tout de suite qu’avant de dresser un PV, un inspecteur du travail est tenu, de par la loi, de mettre en demeure l’employeur, ou de lui adresser des observations. Par conséquent, lorsque le PV est formalisé, cela veut dire que l’employeur a refusé de s’exécuter, de corriger les “anomalies” qui lui sont reprochées ou tout simplement de s’expliquer.
L’examen de la série statistique du ministère de l’emploi montre que le non-respect de la législation du travail, après une décrue entre 2003 et 2007, a repris de plus belle à partir de 2008. Cela a-t-il un lien avec la recrudescence des conflits de travail observés ces deux dernières années notamment ? Sans doute, puisque la ventilation des infractions par nature de contravention, par exemple, laisse voir des violations du code du travail en ce qui concerne la paie, le respect du SMIG même, le repos hebdomadaire, la déclaration à la CNSS, etc. (voir encadré).
Aucune visibilité sur le sort des PV adressés à la justice
La “palme” en matière de contravention revient à Marrakech où sont relevés 917 cas sur les neuf premiers mois de 2012, suivie de Béni-Mellal (709), Chaouen (652), Tétouan (581) et Safi (515). «A Marrakech, comme à Béni Mellal ou Tétouan, l’importance des contraventions constatées peut être expliquée par le fait qu’il y a beaucoup de nouvelles entreprises qui s’y sont installées ces derniers temps et qui ne connaissent pas le code du travail ou l’ignorent tout simplement», explique un inspecteur du travail.
En matière de délits, on trouve en première place la région Sous-Massa-Draa, suivie de Tanger-Tétouan et du Grand-Casablanca.
Cependant, c’est une chose de dresser des PV, et c’en est une autre d’en connaître le sort. Quand un PV est dressé par un inspecteur du travail, et conformément au code du travail (article 539), une copie est directement adressée à la juridiction compétente par le délégué provincial chargé du travail. Que deviennent ces PV ? Jusqu’à ce jour, le ministère de l’emploi est incapable de fournir la moindre information sur l’issue qui leur a été réservée. «Nous n’avons aucun retour sur nos PV, et cela nous met parfois dans l’embarras quand les organismes internationaux du travail, par exemple, nous demandent des statistiques à ce sujet», confie un cadre au ministère de l’emploi. Un inspecteur du travail à la retraite considère, lui, que «ce manque de visibilité sur l’issue de notre travail n’est pas de nature à nous encourager ; cela peut même être un motif de découragement…».
Dans l’accord du dialogue social du 26 avril 2011, le suivi des PV adressés à la justice figurait en bonne place. Une circulaire du ministère de la justice devait même formaliser l’engagement du gouvernement d’activer le traitement des dossiers qui étaient en instance ou, plus simplement, jaunissaient dans les tiroirs. Aujourd’hui, en l’absence de statistiques de suivi, il est difficile de dire que les dossiers ont été ou n’ont pas été traités par la justice, et dans quelles proportions. «Nous avons à plusieurs reprises engagé une coopération avec le ministère de la justice pour justement l’échange d’informations dans ce domaine, mais ça n’a jamais abouti», assure-t-on au ministère de l’emploi. La Vie éco a voulu recouper l’information auprès de la justice, mais c’est peine perdue.