Affaires
600 000 portes vendues chaque année au Maroc, 70% vont au social
Les fabricants traditionnels exerçant pour la plupart dans l’informel accaparent le marché. L’offre locale est de plus en plus concurrencée par les importations chinoises et plus récemment par les stocks d’entreprises européennes en liquidation.

Un logement au Maroc est équipé en moyenne de 6 portes. A raison de 100 000 habitations produites par an, ce sont donc plus de 600 000 portes qui sont écoulées sur le marché national. Avec un tel volume, le segment de l’habitation reste de loin le premier consommateur de portes : il représente plus de 90% de la demande tandis que le reste concerne des usages plus techniques (portes blindées, coupe-feu…) répondant aux besoins d’une clientèle de professionnels.
Comme c’est le cas pour d’autres équipements de logements, c’est le segment du social qui génère actuellement l’essentiel de la demande sur les portes avec une part estimée à 70% par les professionnels. «En 2011, cette part est même montée à 80%», fait savoir Vassilis Koufiotis, directeur général de 10 Rajeb. Cet opérateur revendique le statut de premier fabricant de portes au Maroc. Avec une capacité de production de 2 000 portes par jour, il n’est pas étonnant que son leadership s’étende au niveau régional. Cela dit, même avec cette capacité qui pourrait couvrir à elle seule le besoin annuel en portes du Maroc, la part de marché de 10 Rajeb demeure contenue à 30%. Le reste est éparpillé entre une multitude de fabricants traditionnels qui dominent le marché et qui exercent pour la plupart dans l’informel. Il faut dire que ces petits fabricants sont favorisés dans la conjoncture actuelle.
En effet, la demande, dominée par le social, fait du marché des portes un marché de prix, autrement dit les acheteurs s’orientent systématiquement vers les produits les moins chers, généralement auprès des opérateurs de l’informel. Mais auprès de la promotion immobilière structurée, l’on préfère s’adresser à un opérateur industriel, notamment pour la standardisation des produits que cela suppose et la capacité de disposer rapidement de grandes quantités. De fait, un opérateur tel que 10 Rajeb s’en sort à bon compte auprès de la clientèle des promoteurs immobiliers avec une part de marché de 50%. En revanche, les opérateurs structurés ont bien plus de mal à percer sur le marché de l’auto-construction qui génère, il faut le rappeler, 50% de la demande (près d’un logement sur deux au Maroc est auto-construit). Il faut dire que les usagers construisant pour leur propre compte optent souvent pour l’achat sans facture, et ce, pour ne pas supporter de TVA sur les intrants qu’ils ne peuvent récupérer étant hors champ de cette taxe.
Une norme marocaine pour les portes est en préparation
Avec tout cela, la production nationale doit faire face à une montée inquiétante des importations. «Aux produits chinois qui se sont faits de plus en plus présents ces dernières années au Maroc, s’est rajoutée plus récemment l’offre des importateurs opportunistes», constate M. Koufiotis. Ces derniers récupèrent à moindre prix des stocks d’entreprises européennes en liquidation pour les écouler au Maroc, selon les professionnels. Cependant, en raison des dimensions importantes des portes qui augmentent les frais de transport des produits d’importation, l’écart de prix avec la production locale reste réduit. Les modèles disponibles sur le marché démarrent actuellement à 700 DH en ce qui concerne le logement social car les modèles utilisés pour ce segment sont le plus souvent en menuiserie métallique. Les tarifs vont encore de 1 300 à 1 600 DH pour le moyen standing et ils peuvent aller jusqu’à 3 000 pour le haut standing. Pour les portes spéciales avec des spécifications techniques particulières, les prix peuvent monter jusqu’à 25 000 DH.
Même si l’on ne peut encore parler d’un déluge de portes importées, celles-ci sont très nuisibles pour le marché local. «Les portes importées de Chine contiennent très souvent de la colle à base de formaldéhyde, une substance cancérigène, interdite depuis peu au Maroc», explique un spécialiste. De même, selon les professionnels locaux, on ne connaît pas les spécificités techniques des produits importés ponctuellement et l’on ne sait pas s’ils sont adaptés aux normes marocaines. Encore faut-il qu’une norme marocaine pour les portes existe. Ce vide est sur le point d’être comblé ; une norme est actuellement en préparation au sein de l’Institut marocain de normalisation (Imanor). Calquée sur le modèle européen, cette norme devrait être finalisée d’ici à deux mois et s’imposer dès son entrée en vigueur à tous les produits d’importation, apprend-on auprès des professionnels. A terme, l’idée est d’imposer l’usage de portes conformes aux normes pour toutes les constructions au Maroc.
Malgré l’absence de normalisation jusqu’à présent, le produit national n’en reste pas moins de qualité. «Il faut dire que s’il peut être moins regardant sur la qualité de certaines composantes d’un logement, le consommateur marocain est intransigeant pour ce qui est des portes», note M. Koufiotis. Cela fait que les portes de fabrication locale disposent d’un bon potentiel à l’export. A ce titre, 10 Rajeb a déjà investi l’Algérie, la Tunisie et plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Il se renforce à présent en France auprès de la grande distribution et des entreprises de construction. Exportateur depuis seulement 2 ans, le fabricant envisage déjà de porter la part de son chiffre d’affaires à l’export à 20% d’ici la fin de l’année avec un objectif à terme de 40%.
