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Affaires

30 000 entreprises à  créer en trois ans, les détails du plan Jettou

Des guichets gérés par le privé seront ouverts pour accompagner les porteurs de petits projets.
Les porteurs de projets peuvent bénéficier de crédits
dont le montant est compris entre 50 000 et 250 000 DH, sur une durée
maximale de 10 ans.
L’Etat accordera une avance de 15 000 DH remboursable sur six ans sans
intérêts.

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Depuis le forum Initiatives emploi, tenu au mois de septembre dernier, les commissions qui en avaient découlé n’ont pas arrêté de travailler. Les premiers résultats concrets sur le terrain ne vont pas tarder à  voir le jour. En effet, la commission chargée de réfléchir au thème de l’auto-emploi vient de finaliser son travail et les pouvoirs publics s’apprêtent à  annoncer un dispositif inédit pour l’appui à  la création de petites et très petites entreprises (TPE) que Noureddine Ayouch, membre de ladite commission et par ailleurs fondateur de l’association Zakoura pour le micro-crédit, qualifie même de «révolutionnaire».
Ce dispositif s’articule autour de la création de guichets, des espaces dédiés à  l’appui à  la création de petites entreprises. Les 10 premiers guichets seront opérationnels dès le 15 mai et le personnel qui y exercera est déjà  en formation depuis le 17 avril.

Objectif du gouvernement : arriver très rapidement à  un premier réseau de 60 guichets à  travers le pays, ce qui devrait, selon les prévisions, permettre la création de pas moins de 30 000 TPE et 90 000 emplois d’ici 2008. Pour les artisans de ce dispositif, ce chiffre est même sous-estimé par rapport au potentiel et à  la qualité du dispositif envisagé.

Comment y arrivera-t-on ? L’idée consiste à  créer un peu partout dans le pays, avec une attention particulière pour les petites villes, patelins et régions éloignées, des points qui auront pour mission d’appuyer les jeunes porteurs de projets. Ces jeunes devront, toutefois, disposer d’un niveau d’instruction minimal à  savoir le niveau Bac ou encore un diplôme de formation professionnelle.

L’appui qui leur sera apporté à  travers les guichets commencera évidemment par la prise en charge. Comme l’explique Younès Sekkouri, cadre de l’Anapec (Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences) et chargé auprès de la primature de piloter la mise en Å“uvre de ce projet, «les jeunes ne sont pas obligés d’arriver aux guichets avec des projets tout faits». C’est là  une première originalité de ces guichets. Les jeunes peuvent n’être qu’au stade de l’idée. Au niveau des guichets, le personnel dûment formé devra donc, entre autres, les aider à  donner corps à  leurs idées. Ainsi, une première présélection est faite aussi bien sur la base de l’idée mais surtout, comme l’explique M. Sekkouri, «sur la base du profil du jeune et de ses aptitudes entreprenariales». Une fois ce premier tri effectué, le guichet transmettra à  un comité régional, présidé par le CRI de la région, un dossier plus consistant comprenant des fiches plus détaillées sur le promoteur, sur le projet…

La banque disposera de 21 jours pour répondre
Le comité o๠siégeront, aux côtés du CRI, d’autres intervenants comme l’Anapec, les chambres de commerce, les autorités locales et le secteur privé (CGEM ou autre), devra, lui, statuer sur les demandes pour décider des dossiers réellement bancables.

Une fois le dossier approuvé par le comité régional, retour au guichet. Le jeune porteur de projet devra alors suivre une formation intensive (un mois et demi) aux notions de management. Durant cette formation, il alternera la théorie et la pratique, sachant qu’au terme des six semaines, il devra avoir réalisé ses études de marché et son business-plan. Le tout sera alors remis à  la banque. Cette dernière aura un délai de 21 jours pour rendre sa décision de financer ou non, et dans le premier cas, de préciser les modalités de financement du projet comme le montant, la durée et les taux.

Selon le scénario retenu, le petit entrepreneur se verra proposer des crédits allant de 50 000 à  250 000 DH sur des durées pouvant aller jusqu’à  10 ans. Dès que le dossier est approuvé par la banque, le porteur du projet recevra aussitôt une avance de l’Etat pouvant aller jusqu’à  10% de l’investissement global, sans pour autant dépasser un plafond de 15 000 DH. L’avance sera remboursée sur une durée de 6 ans avec un délai de grâce de 3 ans et sans intérêts. Cette avance doit en principe servir à  couvrir les premiers frais de création et d’installation.

La garantie de la CCG ne pose plus problème
L’atteinte de ces objectifs dépendra incontestablement de la mise en Å“uvre de ce plan d’action de manière à  éviter les travers dans lesquels était tombé son ancêtre, le «Crédit jeune promoteur» (CJP). Et d’entrée de jeu, les concepteurs du dispositif insistent sur le fait que celui-ci est complètement différent du CJP. Pour Noureddine Ayouche, «la première différence de taille est que le CJP s’adressait plus aux professions libérales, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec ce nouveau produit».

Ensuite, comme l’explique aussi Younès Sekkouri, «l’accent a été mis sur l’accompagnement avant et surtout après la création», rejoignant ainsi M. Ayouche pour qui, «il n’est plus question de donner à  des jeunes des crédits et de les lâcher dans la nature». Hamid Benelfadil, directeur du CRI de Casablanca, pour sa part, insiste sur la qualité de l’accompagnement qui, pour lui, doit être rigoureux et assuré par des spécialistes.

Quant à  Hammad Kessal, président de la Fédération de la PME (FPME), il va plus loin, en invitant les grandes entreprises à  s’impliquer par le biais du parrainage. L’idée est simple : chaque grande entreprise prend sous son aile une, deux ou plusieurs TPE pour les faire bénéficier de ses moyens logistiques, de la formation… Ce système a été pourtant prévu dans la Charte grandes entreprises – PME signée en 2001 mais restée lettre morte depuis. Il s’inspirait d’ailleurs d’une première expérience lancée en 1995 par des associations de jeunes entrepreneurs et qui avait fait long feu.

Al Amana et Zakoura ouvriront les premiers guichets
M. Kessal rappelle que les grandes entreprises doivent faire un effort au niveau des délais de paiement, souvent intenables, qu’elles imposent aux PME et aux TPE.

Reste la question de l’accès au financement. En effet, devant le manque de garanties, il se peut que les banques refusent le nouveau dispositif. Et là , apparemment, rien n’a été laissé au hasard. D’abord, les crédits seront adossés à  une garantie de la Caisse centrale de garantie (CCG) à  hauteur de 85 %. Toutefois, certains opérateurs avancent que «la garantie de la caisse, telle qu’elle a fonctionné dans les crédits de mise à  niveau, par exemple, pose plus de problèmes qu’elle n’en résout». On indique que, très souvent, «les banques, une fois le dossier instruit, doivent attendre que la CCG statue elle-même sur la demande pour accepter d’accorder sa garantie». Les membres de la commission «Auto-emploi» ont alors décidé de faire sauter le verrou à  travers une convention de délégation de la garantie au profit des banques. Concrètement, cela veut dire que, une fois le dossier approuvé par la banque, cette dernière a une délégation de la part de la CCG pour faire jouer systématiquement la garantie. «Avec cela, les banques n’ont aucune raison de refuser», conclut M. Ayouch.

Autre question qui se pose : pourquoi créer une nouvelle structure publique alors qu’il y a déjà  les CRI ? Mais la question est d’emblée écartée. Les guichets d’appui à  l’auto-emploi et à  la création d’entreprise ne sont pas une structure publique mais bel et bien des points de service gérés par le secteur privé. Et c’est là  une autre originalité du système. En fait, de manière schématique, le but du jeu est d’amener les opérateurs privés ou les associations à  créer eux-mêmes et à  gérer ces guichets.

Au final, ce sera une sorte de réseau de points de services qui auront tous les mêmes couleurs, le même design et surtout qui fonctionneront de la même manière, avec des procédures unifiées, standardisées. Pour créer un guichet de ce genre, le demandeur, qu’il soit personne physique ou morale (association), devra, comme l’explique Younès Sekkouri, «se conformer aux dispositions d’un cahier des charges». Ainsi, l’association ou la personne devra justifier les ressources humaines et matérielles qui seront dédiées exclusivement à  cette activité d’appui.

Bien entendu, en contrepartie de l’accompagnement qu’ils assureront aux jeunes porteurs de projets, les gestionnaires de ces guichets auront droit à  une rémunération qui sera de l’ordre de 10 000 DH par projet accompagné dans toutes ses phases, pré et post création. Le tout fera l’objet d’une convention. D’ailleurs, à  ce jour, une dizaine de conventions ont déjà  été signées avec les grandes associations de micro-crédit (Al Amana, Zakoura, Fondep) et quelques chambres de commerce pour l’ouverture, en mai prochain, des premiers guichets.

Reste la question du suivi. Les pouvoirs publics n’entendent apparemment pas répéter les erreurs du passé. «Le contrôle et le suivi seront rigoureux, promet M. Sekkouri, et tout dérapage au niveau d’un guichet pourra donner lieu à  des sanctions pouvant aller jusqu’à  la fermeture», en rappelant que ce sera un service public orienté vers le résultat. Pour garantir l’adhésion de tout le monde, le gouvernement compte mettre en Å“uvre les moyens nécessaires. Et pour commencer, une enveloppe de 18 MDH pour couvrir les dépenses en attendant d’autres fonds, notamment ceux du Millenium Challenge. Et pour toucher le maximum de participants, une vaste campagne de communication est en cours de préparation et devra être lancée le 22 mai prochain.

18 mois de suivi après la création

Comment éviter de se retrouver avec les mêmes erreurs que celles qui ont conduit à  l’échec de la formule «Crédit jeunes promoteurs» ? Les intervenants reconnaissent à  l’unanimité que ce qui fera la différence, c’est l’accompagnement avant, pendant et après. Au moment de l’accueil, les guichets d’appui orienteront ainsi les jeunes promoteurs vers des secteurs en fonction des potentialités des régions. Pour ce faire, il y aura des banques de projets dans différents secteurs comme l’artisanat, le tourisme rural, l’agriculture et l’élevage… Mais c’est surtout après la création que l’accompagnement sera le plus crucial. Les jeunes patrons auront ainsi droit à  18 mois de suivi de la part de consultants et d’experts, de manière à  ce que leurs petites entreprises atteignent leur vitesse de croisière. Il n’empêche qu’un taux de «casse» minimal, comme l’appelle le directeur du CRI de Casablanca, est incontournable. Pour lui, il est normal qu’une certaine proportion d’entreprises ne dépasse pas le cap des cinq ans.

Comment fonctionneront les guichets

1 – Accueil des porteurs de projets, orientations, entretiens préliminaires…
2 – Présélection des projets sur la base des profils des promoteurs et de leurs aptitudes entreprenariales.
3 – Les projets présélectionnés sont instruits et transmis à  un comité régional présidé par le CRI et composé des chambres de commerce, des autorités, du secteur privé, de l’Anapec.
4 – Le comité régional effectue une sélection des projets bancables.
5 – Sessions de formation de 6 semaines assurées par le guichet au profit des jeunes porteurs de projets (technique de gestion, études de marché, élaboration de business-plan…).
6 – Le dossier est transmis à  la banque pour instruction.
7 – La banque dispose de 21 jours (trois semaines) pour communiquer sa décision.
8 – Une fois le projet approuvé par la banque, cette dernière débloque au promoteur 10% du montant de l’investissement ou 15 000 DH pour couvrir ses premières dépenses de création.

Qui peut ouvrir un guichet ?

Les guichets ne seront pas des structures publiques mais à  100% privées. Peuvent ouvrir un guichet d’appui à  la création d’entreprises des associations, des chambres de commerce et des personnes physiques détenant des locaux de service (téléboutiques, cyber…).
Le gestionnaire devra se conformer à  un cahier des charges et justifier des ressources dédiées à  l’activité de conseil et d’appui (espace, logistique) en contrepartie d’un honoraire de 10 000 DH pour chaque jeune porteur accompagné.
Les premiers guichets seront opérationnels le 15 mai.

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