Affaires
2012, annus horribilis pour le secteur des matériaux de construction
Les volumes écoulés de ciment, de sable, de briques et de bétons préfabriqués font du surplace par rapport à 2011. L’activité du secteur déstabilisée par la surproduction, la concurrence des importations et la surtaxation.

Le secteur des matériaux de construction en aura vu de toutes les couleurs en 2012. S’agissant du ciment d’abord, jusqu’en juillet, la consommation a progressé à deux chiffres (22% de croissance au premier trimestre, par exemple), dopée sans surprise par la construction de logements économiques et sociaux (38 236 unités produites au premier semestre dont plus de 26 000 en auto-construction). Mais elle s’est essoufflée de manière marquée durant les derniers mois. Selon les statistiques non encore dévoilées par l’Association professionnelle des cimentiers (APC), les ventes de ciment à fin novembre s’enfoncent dans le rouge, baissant de 0,47% par rapport à la même période de l’année passée pour un volume écoulé de 14,5 millions de tonnes. «La faute aux intempéries qui ont perturbé les chantiers depuis octobre», justifie-t-on auprès de l’APC. Le mois de décembre ayant lui aussi été marqué par des précipitations, les professionnels s’attendent à une légère baisse du marché sur toute l’année ou, au mieux, à une stagnation alors que les prévisions initiales tablaient sur une progression annuelle de 5%.
Le fait que la consommation du ciment fasse du surplace est révélateur par ailleurs d’une stagnation sur d’autres filières, car ce produit sert d’intrant à d’autres matériaux de construction comme il peut être consommé à des quantités proportionnelles par rapport à d’autres produits. Et, sachant que 2,2 tonnes de sable sont consommées par tonne de ciment, les écoulements de sable ont eux aussi fait du surplace en 2012 avec un volume d’un peu plus de 35 millions de tonnes. Les produits en bétons préfabriqués qui absorbent 7% de la production de ciment ne font pas mieux avec des ventes qui stagnent à près de 9,5 millions de tonnes. La stagnation de la demande est d’autant plus délicate à gérer que les opérateurs de la filière se sont multipliés, induisant une surproduction croissante. «Il n’y a pas actuellement d’unité de béton préfabriqué qui exploite plus de la moitié de ses capacités de production», assure Mehdi Maachi Haddou, vice-président de l’Association marocaine de l’industrie du béton (AMIB).
Les prix ont baissé sauf pour le ciment
La même situation de surcapacité sur fond de stagnation de la demande caractérise la filière de la brique en 2012. A l’échelle de tout ce secteur, la surcapacité est évaluée actuellement à plus de 15% du fait du doublement de la capacité de production il y a un peu plus de 2 ans avec la mise en service de plusieurs nouvelles unités.
Plus que d’avoir vu leur demande stagner, d’autres filières ont perdu de substantielles parts de marché face aux produits d’importation. C’est notamment le cas du rond à béton dont les fabricants ont perdu en l’espace de quelques mois 30% de parts de marché, ce qui a d’ailleurs poussé la filière locale à requérir des mesures de sauvegarde d’au moins 8 ans. Idem pour les fabricants de carreaux en céramique qui, avec une production de 90 millions de mètres et une intensification des importations, ne détiennent plus que 72% de parts de marché actuellement contre 85% en 2008.
Toutes ces perturbations au niveau des volumes écoulés sont doublées de fluctuations notables sur les prix de vente, ce qui enfonce davantage l’activité du secteur. En effet, les fabricants de carreaux en céramique et surtout de ronds à béton n’ont eu de choix que de baisser leurs prix en rognant sur leurs marges pour faire face aux importations massives. De même, les stocks de briques qui s’accumulent du fait de la surproduction contraignent les fabricants à casser les prix. Les tarifs de la brique de 7 cm d’épaisseur qui représente 70 à 80% de la demande ont démarré l’année à 2 DH l’unité pour être divisés par 2 par la suite et se reprendre légèrement ces derniers mois.
A l’inverse, les cimentiers ont dû augmenter leurs prix pour répercuter l’augmentation de la taxe spéciale sur le ciment, portée de 0,10 à 0,15 DH/kg dans la Loi de finances 2012. Les premières augmentations sont intervenues dès le mois de juin avec un surcoût de 4 centimes par kg. Et plus récemment en novembre, des hausses de 2 à 2,5% ont été appliquées selon les opérateurs. Dans les prochaines semaines le rond à béton et le sable devraient forcément suivre la même voie puisque la Loi de finances 2013 prévoit des prélèvements de 100 DH et 30 DH la tonne pour ces produits respectivement. Ces deux matériaux rentrant dans la fabrication du béton préfabriqué, celui-ci verra à son tour son coût de revient augmenter de 8 à 15% selon les professionnels qui devraient immanquablement augmenter leurs tarifs. Autant de révisions forcées de prix qui se profilent et qui tombent mal pour un secteur tout près de basculer.
