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2011, la grande récré : 44 000 constructions anarchiques en six mois !

Printemps arabe, manifestations, tensions sociales, élections : le contrôle s’est relà¢ché et on en a profité. 20 000 unités construites dans le Souss, 5 600 dans Chaouia… Des opérations de démolition ont été lancées ces dernières semaines à  El Jadida, Safi, Salé, Tanger et surtout à  Agadir.

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Construction anarchnique Agadir 2012 03 05

Le phénomène n’a rien de nouveau, mais il a connu en 2011 une inflation galopante. A tel point que le wali d’Agadir, préoccupé par la poussée d’habitations anarchiques a lancé une opération d’envergure sans précédent : 4 000 constructions démolies.
Effet des manifestations qui ont suivi le printemps arabe, de la tension sociale, de la conjoncture électorale, les autorités ont laissé faire, estimant sans doute plus urgent de maintenir d’abord l’ordre public dans un contexte tendu. Mais elles étaient loin de s’imaginer que le phénomène allait prendre une telle ampleur.
En six mois seulement, le nombre de constructions anarchiques (ou insalubres) qui était de 232 000 officiellement recensé par l’Etat a crû de 19% !

Le secteur du ciment a bénéficié de la hausse des constructions anarchiques

Selon les statistiques du ministère de l’habitat, obtenues en exclusivité par La Vie éco, l’année 2011, essentiellement le deuxième semestre, a enregistré la création de plus de
44 000 habitats de ce genre ! (voir tableau). Dans le lot, autant de constructions de plain-pied que de R+1 et R+2 et même des villas. Certaines régions semblent bien plus touchées que d’autres. Par exemple, la région de Chaouia Ouardigha a connu à elle seule l’implantation de plus de 5 600 logements non réglementaires. Mais le record revient et de loin à Souss Massa Draa où 20 000 habitations sont sorties de terre l’année passée, d’après les statistiques du ministère de l’habitat.
Et encore, on pourrait être très en dessous de la réalité. En effet, les données fournies par le département de l’habitat correspondent aux infractions relevées par les contrôleurs des 26 agences urbaines présentes dans toutes les régions du pays. Or, le travail de recensement de ces dernières est limité par plusieurs contraintes, à savoir que «les contrôleurs sont gênés par l’opposition de la population et la difficulté d’accès à certains quartiers d’habitat non réglementaire», de l’aveu de responsables au sein de l’Habitat. De fait, les estimations fournies par d’autres sources confirment la gravité de la situation. Ainsi, la ville d’El Jadida à elle seule aurait connu en 2011 la création de 7 000 unités d’habitat non réglementaire d’après les estimations fournies par les autorités locales de ces régions. Pire, à Tanger, on compterait à l’heure actuelle dans la commune de Fahs-Beni Makada 20 000 logements anarchiques selon des sources préfectorales. Autant auprès des autorités locales que du département de l’habitat, l’on fait remonter  l’accélération de l’habitat anarchique à mars 2011. «Le climat social tendu qui a caractérisé cette période a provoqué un relâchement des contrôles en matière de construction», justifie un responsable local. Cependant, «le phénomène a connu une accalmie entre juin et août 2011 avant de reprendre avec force», précise-t-on auprès du ministère de l’habitat.
C’est pour endiguer le phénomène que des opérations coup de poing ont été lancées ces dernières semaines, ce qui explique d’ailleurs que les officiels délivrent actuellement de l’information au compte-gouttes sur la question.
De fait, plusieurs démolitions ont eu lieu depuis le début de l’année non sans heurts avec les occupants, notamment à El Jadida, Safi, Salé et Tanger. Mais le cas le plus emblématique est celui d’Agadir. «Ces actions entreprises au niveau local contribuent déjà à réduire la proportion de l’habitat non réglementaire à l’échelle nationale», selon le département de tutelle. Mais la problématique est encore loin d’être maîtrisée. Certaines sources anticipent un nouveau flottement, lors des prochaines élections régionales prévues pour le mois de juillet. C’est notamment l’avis des cimentiers qui ont déjà largement tiré parti de la recrudescence de l’habitat anarchique l’année passée, bénéficiant -à leur grande surprise- d’une croissance de leurs ventes de plus de 10% alors que les constructions de logement sociaux n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière.     
En outre, certaines régions continuent de faire de la résistance. La région de Settat notamment a connu depuis le début de l’année une augmentation importante de l’habitat non réglementaire avec 1 587 constructions illégales apparues jusqu’à début février, apprend-on auprès de l’agence urbaine de la région. Le rythme des constructions s’y est à ce point accéléré qu’il devient difficile de les recenser, informe-t-on.
Il faut dire que dans certains cas tout concorde pour favoriser le développement de logements anarchiques. «Lorsque la population bénéficie d’un pouvoir d’achat, et que l’offre de logements se fait rare en raison d’une inadéquation avec la demande ou d’un retard pris sur les plans d’aménagement, on peut comprendre le recours à l’habitat anarchique», concède un officiel à El Jadida. «Mais quand bien même ces logements seraient caractérisés par des constructions ordonnées et un bâti acceptable, leurs réseaux d’infrastructure seraient nécessairement défaillants ou insuffisants, ce qui pourrait causer des problématiques sociales ultérieurement», souligne-t-il. En outre, «l’on ne peut occulter que les acteurs qui tirent parti de la construction d’habitats non réglementaires sont surtout les promoteurs immobiliers illégaux, certains agents de l’autorité locale, par encouragement du phénomène ou par négligence de leurs attributions ainsi que des spéculateurs n’appartenant même pas à la région», précise-t-on au département de l’habitat.