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Affaires

2006 : une bonne année, mais pas pour tout le monde !

Les industries électriques et électroniques ont souffert de l’explosion des prix du cuivre (+300%) et de l’aluminium (+80%)

L’industrie de la conserve n’a plus de poisson à mettre en boîte.

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Personne ne le conteste : 2006 a été globalement une bonne année. Presque tous les indicateurs macro-économiques sont au vert. Pour le deuxième trimestre, le Haut commissariat au plan a annoncé un taux de croissance de 7,9%. Cette embellie est appelée à se maintenir d’ici à la fin de l’année en raison, notamment, de la forte sollicitation du marché du travail par le secteur du BTP.

Cela dit, tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Malgré la croissance et l’effet de synergie entre les différentes branches, certains secteurs n’ont apparemment pas profité de l’embellie générale. Certaines filières industrielles seraient même, pour plusieurs raisons, au bord de l’asphyxie. D’ailleurs, le HCP avait bien souligné dans son enquête sur l’emploi au terme du premier semestre que les destructions d’emploi enregistrées sont toutes imputées au secteur industriel. «Il s’agit essentiellement de micro et petites entreprises», explique une source au HCP. N’empêche, ce tissu a été, selon les cas, plus ou moins malmené et même des entreprises mieux structurées n’arrivent pas à remonter la pente.

Sur la liste des secteurs mal en point, on citera en premier lieu celui de l’électricité et de l’électronique dont les entreprises ont subi de plein fouet les augmentations des cours des matières premières. En dix-huit mois, les prix des deux intrants principaux, à savoir l’aluminium et le cuivre, ont explosé. Plus 80 % pour le premier et 300 % pour le second.

Certaines entreprises d’électricité disent travailler à perte pour l’ONE
Le président sortant de la Fenelec (Fédération de l’électricité et de l’électronique) et directeur général du groupe Energie Holding, Abdelaziz Taârji, ne mâche pas ses mots. «Nous travaillons pratiquement à perte pour les marchés de l’ONE, notre principal donneur d’ordre, dit-il. Les contrats conclus avec l’office avant le renchérissement des cours ne sont pas révisables». D’ailleurs, la primature, via la CGEM, a été saisie, mais aucune réponse n’a été donnée pour l’instant. Le Perg (Programme d’électrification rurale globale) a d’ailleurs enregistré, selon les industriels, un retard de huit mois par rapport au calendrier initial en raison «de l’incapacité des entreprises à soumissionner aux marchés». M. Taârji estime qu’à la fin du programme, en 2007, une quarantaine d’entreprises ne pourront plus se maintenir en activité. Les plus touchés sont les installateurs, dernier maillon de la chaîne. «2006 est une année financièrement difficile. Dans tous les cas, j’espère que les entreprises ont bien appris la leçon de l’envolée des cours des matières premières et essaieront de mieux se protéger à l’avenir», précise, de son côté, le nouveau président de la Fenelec, Salah Eddine Kadmiri. Les seules entreprises qui s’en sortent, de l’avis des industriels, sont les grandes structures, notamment celles adossées à des multinationales et capables de faire des achats à terme pour se prémunir contre les fluctuations des cours. «Mais même cette technique devient risquée en raison de l’instabilité de plus en plus accentuée des cours et de l’absence de visibilité sur les marchés internationaux», tempère-t-il.

La Cosumar achète son fuel 60% plus cher qu’en 2005
L’agroalimentaire, particulièrement les exportateurs, n’est pas mieux loti. «Nous sommes loin de la courbe ascendante qu’enregistrent les autres secteurs», fait remarquer d’emblée Mohamed Chraïbi, actuel président de la Fenagri, qui rappelle que la branche exportatrice a connu de grands problèmes au niveau de l’approvisionnement en matières premières, comme ce fut le cas pour l’huile d’olive et les produits surgelés, alors qu’en face le marché extérieur enregistrait une explosion de la demande pour ces produits.

Sur cette liste, il faut ajouter «la tomate, les agrumes et la conserve qui ont connu une légère régression». Toujours dans l’agroalimentaire, 2006 est aussi une année difficile pour la Cosumar. Deux facteurs sont à l’origine des problèmes du raffineur national. Le premier est celui de l’augmentation du prix du fuel ( plus de 60 % entre août 2005 et octobre 2006). Le second est relatif au renchérissement du cours de la tonne de sucre importé qui a augmenté de 200 dollars entre novembre 2005 et juillet 2006. A ces éléments, il faut ajouter la réglementation des prix. «Etant donné que les prix sont fixes et que la compensation est figée à 2 DH/kg, nous n’avons pas pu répercuter ces augmentations sur les prix de vente», explique un membre du management. «Tout cela a rendu le raffinage plus difficile. Les résultats de 2006 sont en baisse par rapport à ceux de 2005», ajoute la même source. Pour la Cosumar, les analystes d’Attijariwafa bank (AWB) tablent, au titre de l’exercice 2006, sur «un chiffre d’affaires en croissance de 2% seulement. (…) La marge d’exploitation devrait continuer à se détériorer, passant de 9,3% en 2005 à 8,9%».

Un jugement similaire est aussi porté sur le secteur des huiles qui traverse une année relativement difficile. En cause, non seulement le renchérissement du coût de la matière première mais également la forte concurrence qui a entraîné une baisse de prix, dont pourraient être victimes, plusieurs huileries.

Une autre branche de l’agroalimentaire est confrontée à de grandes difficultés d’approvisionnement, celle de la production de farine et d’huile de poisson qui a dû faire face, durant les huit premiers mois, à une chute drastique des débarquements de poisson pélagique, sa principale matière première. Les captures ont en effet chuté de 62,6 %. Quant aux industriels de la conserve, après une excellente campagne jusqu’en septembre, ils s’attendent à un dernier trimestre très difficile. Ils devront faire face à d’importants besoins de matières premières au moment où ils auront déjà épuisé leur stock stratégique.

Les torréfacteurs de café vivent une situation quasi identique. L’année a débuté par une augmentation de la TVA passée de 14 à 20 %. Une étude faite par BMCE Bank souligne que le secteur organisé, fortement concurrencé par le circuit traditionnel via le café en vrac, qui représente encore jusqu’à 75 % des ventes, est «menacé par un renchérissement momentané du cours international du café, impactant les segments du café moulu et du café en grains». Face à cette situation, «c’est la marge brute d’exploitation qui est en baisse», note Abdelali Bencadi, directeur commercial de la société des cafés Dubois.

Pour d’autres secteurs, à l’instar de la plasturgie, les réalisations sont plus contrastées. La filière se trouve à l’amont d’autres industries et est donc tributaire des performances de ses clients, notamment dans le BTP, l’automobile et l’agroalimentaire. Si les deux premières se sont bien portées durant les 10 premiers mois de l’année, la branche exportatrice de l’agroalimentaire a été moins performante. Par conséquent, «ceux qui fournissent par exemple l’industrie de l’huile d’olive n’en ont pas eu pour leur compte», explique Mamoun Marrakchi, président de l’association de plasturgie. De plus, toutes les entreprises de fabrication de plastique ont dû affronter un doublement des prix des matières premières en l’espace de deux ans. Du coup, elles sont confrontées à d’importants besoins en fonds de roulement. «En face, les banques ne suivent pas toujours. Seules les grosses structures s’en sortent avec peu de dégâts», ajoute un industriel.

Les tanneries toujours handicapées par leur archaïsme
Le secteur du cuir, au niveau de la filière des tanneries, ne fait pas exception. «En raison de problèmes structurels de mise à niveau, les tanneries n’ont pas pu profiter de la demande importante adressée au secteur en 2006. Quant à la maroquinerie, elle a enregistré une stagnation de son activité», explique Abdessalam Alaoui, président de la Fédération nationale du cuir. Décidément, le marasme économique a la peau dure malgré le retour, en cette année 2006, de la croissance et de la confiance

Contrecoup
Acier : chiffre d’affaires en hausse, marge brute en baisse

Le secteur de l’acier, qui tire profit de l’embellie du BTP, a subi quelques contrecoups causés essentiellement par les envolées, à l’international, des prix des matières premières et du coût de l’énergie. Les industriels ont dû s’adapter en sacrifiant quelques points de leur rentabilité. Sonasid, par exemple, n’a répercuté sur ses prix de vente qu’une partie des augmentations survenues sur les matières premières et l’énergie tout en veillant «à optimiser les charges», explique Nacer Bouimadaghene, directeur général adjoint de l’entreprise. Du coup, même si le volumes des vente a progressé, ce sont les marges brutes d’exploitation qui trinquent.