Affaires
10 000 hammams traditionnels au Maroc
Un hammam consomme en moyenne 1.5 t de bois et entre 60 et 120 m3 d’eau par jour. Eau et bois représentent 75% de sa charge. Les tentatives pour rendre les hammams moins énergivores ont jusqu’à présent échoué. De nouvelles chaudières consommant à peine 250 kg de bois par jour leur sont proposées.

Symbole culturel du Maroc s’il en est, le hammam traditionnel a néanmoins perdu de sa superbe depuis quelques années. D’une moyenne d’âge qui dépasse les 40 ans, beaucoup d’entre eux n’ont pas été restaurés depuis longtemps. Très consommateurs en eau et en bois, ressources naturelles épuisables, ces bains traditionnels sont encore trop souvent équipés de chaudières d’un autre âge, d’une durée de vie très limitée et encore trop polluantes. Selon Hassan Ihichem, secrétaire général de l’Association régionale casablancaise des bains et douches traditionnels (ARCBDT), «un hammam traditionnel consomme en moyenne 1,5 tonne de bois et entre 60 et 120 m3 d’eau par jour, selon qu’il s’agisse d’un hammam pour hommes ou d’un hammam pour femmes. Ces deux éléments représentent 75% des factures mensuelles des propriétaires de hammams». Sachant que la tonne de bois coûte entre 600 DH et 900 DH, difficile d’imaginer qu’ouvrir un hammam traditionnel soit aujourd’hui un business rentable.
Un objectif de 5 000 nouvelles chaudières installées
«Les propriétaires de hammams ne réalisent pas de réels bénéfices», poursuit M. Ihichem. Bien qu’ils soient convaincus de la nécessité d’investir dans la durabilité de leur établissement, très peu de propriétaires de hammams engagent de tels investissements, par simple manque de moyens financiers.
Bien sûr, la problématique a depuis longtemps intéressé bailleurs de fonds internationaux et organisations non gouvernementales (ONG). Des initiatives ont déjà été entreprises, à l’image du programme Bois Energie de l’ancien Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), rebaptisé en 2010 Agence nationale de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE). Financé par l’Agence française pour le développement (AFD) et la coopération allemande (GTZ), le programme a consisté, au début des années 2000, en la mise au point d’une chaudière améliorée permettant de réduire la consommation de bois de 60%. Force est de constater que cette chaudière n’a pas convaincu la centaine de propriétaires de hammams qui ont bénéficié du programme à l’époque. «Ces exploitants ont fini par retourner à l’ancien système de chaufferie pour des raisons purement techniques», explique ainsi M. Ihichem. Aujourd’hui, une nouvelle chaudière a été élaborée par la société marocaine Hierro, en collaboration avec le laboratoire français Planète Bois. Associée à la réflexion depuis les débuts du projet, il y a 3 ans, l’ARCBDT s’est montrée enthousiaste à la vue du prototype de la chaudière, révélé il y a quelques semaines à l’association. «Dès le début, nous avons été intéressés par ce projet. Toutefois, nous attendrons le démarrage de la phase pilote pour juger de la performance de cette nouvelle chaudière», précise M. Ihichem.
Aujourd’hui rejoint par la Fédération nationale des associations des propriétaires et exploitants de bains traditionnels, le programme en arrive à ses concrétisations. En novembre, une poignée de hammams casablancais expérimenteront en conditions réelles la chaudière haute performance énergétique. D’après les premiers résultats des essais en usine, cette chaudière répond à plusieurs problématiques : elle élimine les fumées nocives qui ont déjà fait l’objet de plaintes auprès du Centre antipoison, ne nécessite que 250 kg de bois par jour contre actuellement 1,5 t et produit des fumées contenant moins de 20 ppm de résidus solides contre près de 4 000 pour les chaudières actuellement utilisées. «Nous visons les 5 000 chaudières installées», indique Ivan Pujol, ingénieur au sein du laboratoire Planète Bois. Le seul obstacle apposé par les propriétaires consultés est la question du coût. Ce kit chaufferie, incluant la chaudière d’une capacité de 250 personnes et ses deux ballons, est affiché au prix de départ de 170 000 DH, installation et maintenance d’un an comprises. «Les hammams ne pourront assumer ce coût qu’à hauteur de 25% maximum. Nous espérons donc pouvoir compter sur une ou plusieurs subventions», précise M. Ihichem. C’est là qu’intervient le Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarités (GERES), ONG française également implantée au Maroc, qui coordonne le projet. Celle-ci est d’ores et déjà partie à la recherche de financement non seulement pour soutenir les propriétaires de hammams, mais également pour encourager Hierro qui compte investir dans une ligne de production dédiée.
