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Risque de grande casse dans l’industrie minière !

L’ensemble des industriels sérieusement mis à mal par la chute brutale des cours des minerais. Métaux de base, substances utiles et métaux précieux…, aucune filière n’est épargnée. Les petits opérateurs plus fragilisés en raison de la faiblesse de leur capacité financière, technique et de gestion. 

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L’industrie minière vit des moments difficiles. L’année 2015 a été marquée par une chute brutale des cours mondiaux, pratiquement de tous les minerais produits par les industriels locaux (hors phosphates). A commencer par les métaux de base qui constituent le gros de la production minière nationale. A titre d’exemple, le prix de la tonne de cuivre (coté sur le London metal exchange) est passé de 8 000 à 4 500 dollars, soit une baisse de 43% sur un an. Subissant des baisses plus sévères, les entreprises spécialisées dans l’extraction des substances utiles (non cotées) ont été plus fragilisées. Le prix de la tonne de fluorine a fondu de moitié par rapport à 2014. Idem pour le point de manganèse qui s’échangeait à 2 dollars contre plus de 4 un an auparavant. Le fer n’a pas été épargné. Son prix a chuté de 60%, à 40 dollars la tonne. Seuls les métaux précieux ont pu résister avec des baisses de prix relativement modérées.

90% de la production minière nationale hors phosphates sont exportés

«C’est un miracle que des opérateurs très touchés par cette conjoncture se maintiennent encore en activité», s’exclame Lhou Lmarbouh, président de la Fédération marocaine des industries minières (FDIM). Et d’ajourer : «Nous espérons la reprise des cours mondiaux le plus tôt possible parce que si ça continue, il y aura certainement des dégâts colossaux dans le secteur». Les PME qui constituent la grande masse du secteur broient littéralement du noir. Elles sont plusieurs dizaines à avoir arrêté leur activité. D’autres suivront à coup sûr. C’est une sorte d’assainissement naturel parce qu’en raison de l’absence de barrières à l’entrée, le marché est devenu très atomisation depuis 1995. Les grands groupes ne sont pas non plus épargnés, même si leur capacité de résistance est plus forte.

Pourtant, les paramètres d’activité de 2015 ne laissaient apparaître rien d’anormal. La production s’est maintenue dans les niveaux des années antérieurs. Il y avait même des industriels qui ont rehaussé le taux d’utilisation des capacités pour compenser la chute des cours par plus de volume. Côté réserves, bien que la tendance observée sur les dix dernières années reflète la baisse des gisements -en raison de la rareté des travaux de recherches et de sondages-, la majorité des sites n’ont pas encore atteint leur durée de vie. De plus, en matière de débouchés commerciaux, les politiques d’achat des principaux clients en termes de teneur et de volume n’ont pas subi de grands changements. Mais le paramètre prix est imprévisible, surtout si l’on n’a pas de moyens de peser sur le marché grâce à la modulation de l’offre. Il convient de signaler à ce titre que 90% de la production minière nationale hors phosphates sont exportés.

De l’avis des industriels confortés par le président de la FDIM, le risque d’une grande casse plane réellement sur le secteur, d’autant plus qu’une bonne partie des petits opérateurs ont investi le marché sans véritable expertise du métier, sans capacités techniques, et sans vraie assise financière exigée pour une industrie aussi capitalistique. «Ceux qui sont entrés facilement au marché ont plus de chances aujourd’hui d’en sortir sans grande résistance», schématise un opérateur.

La nouvelle loi va rendre le secteur plus professionnel

En effet, la nouvelle loi sur les mines (anciennement appelée code minier) met fin aux permis d’exploitation délivrés au nom de personnes physiques. Aujourd’hui, seules les sociétés qui répondent à des pré-requis draconiens en termes de moyens techniques, humains et financiers peuvent faire des explorations. «Nous avons traversé la phase la plus dure pour l’adoption de la loi sur les mines», se félicite M. Lmarbouh. Il informe en substance que le décret d’application vient d’être adopté en conseil de gouvernement. La profession attend sa publication au Bulletin officiel. Cependant, certaines dispositions, à caractère purement technique, doivent faire l’objet d’un arrêté du ministre de tutelle, en cours d’élaboration par les équipes du ministère. Le président de la FDIM estime que les textes d’application en suspens vont être prêts au deuxième semestre.

En plus de rendre le secteur plus professionnel, le nouveau texte va dynamiser le marché et attirer de nouveaux investisseurs pour intensifier l’exploration et les travaux de recherche, selon les industriels. M. Lmarbouh, qui fait partie de l’équipe qui a préparé la loi, estime que l’investisseur a désormais la visibilité et les conditions optimales pour exercer son activité minière. D’une part, la durée du permis d’exploration des sites miniers est passée de 4 à 10 ans, prenant en considération le caractère long du cycle de l’industrie minière. Elle équivaut au moins à l’horizon sur lequel l’opérateur est censé amortir ses installations. De plus, pour conforter l’investisseur dans ses travaux de prospection, la loi a introduit la notion de zones d’exploration (plus grandes que les sites de recherche). Cette nouveauté permettra aux opérateurs de mener dans des conditions optimales leur travaux de géophysique aéroportée, très pratiquée dans les sondages miniers à travers le monde, avec des résultats probants.

En attendant les textes d’application de la nouvelle loi, les cours continuent leur orientation à la baisse. «Vu l’ampleur des baisses, cette année va être le fond du bateau, il ne pourra y avoir pire que 2015», résume le président de la FDIM.