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Idées

Les DRH préfèrent-ils les courtiers en CV aux chasseurs de têtes traditionnels ?

Le courtier en CV séduit dans une perspective de court-terme, le chasseur de têtes reste le garant de l’adéquation durable entre un profil et les perspectives du poste. Certaines statistiques démontrent avec le temps que le nombre de CV envoyés rapporté à la pertinence de ces derniers est faible et entraîne une perte de temps pour l’entreprise.

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Marc chalet

Conjoncture économique compliquée et incertaine, restrictions budgétaires significatives, marché de l’emploi tendu, postes à pourvoir de plus en plus sensibles, incohérence des offres de services… Ces éléments qui changent la vision et les attentes des décisionnaires en recrutement, modifient dès lors significativement la relation avec leurs prestataires, tout comme les pratiques de ces derniers. Le temps où le marché du recrutement se composait d’un nombre restreint d’acteurs dans un contexte de visibilité quasi totale est désormais révolu. En effet, de par son statut de «hub» pour les régions maghrébine et subsaharienne francophone, le Maroc a suscité, ces dernières années, les convoitises de nombreux entrepreneurs RH locaux ou groupes de recrutement étrangers, menant le secteur d’activité à saturation et lui imposant une diversité de pratiques.

Dans un domaine où la réputation, la confiance (souvent établie depuis de nombreuses années entre le DRH et son prestataire) et l’intuitu personae priment par-dessus tout, nombreuses ont été les stratégies adoptées par les nouveaux entrants afin de challenger (efficacement?) les acteurs établis. Aujourd’hui, quels sont les impacts de ces stratégies sur le recrutement et plus largement le conseil en ressources humaines ?

Durant les années 90, des dirigeants d’entreprise, directeurs des ressources humaines ou autres décisionnaires en recrutement émettaient le besoin de pourvoir un ou plusieurs poste(s) par d’autres biais que les évolutions internes, la cooptation, leurs réseaux professionnels, semi-professionnels ou encore privés. C’est dans ce contexte de demande sans offre qu’ont été créés quelques cabinets de chasse de têtes.

Compte tenu des attentes et du marché inexistant à l’époque, ces pionniers ne pouvaient être que majoritairement des spécialistes de la fonction RH en entreprise, davantage orientés «évaluation et psychologie» que «développement commercial et opportunisme».

Le processus d’un mandat de recrutement, s’apparentant à une «mission projet» confiée en exclusivité (un seul et unique cabinet mandaté) et délimitée dans le temps avec une obligation de résultat, était donc relativement simple et étoffé :

y émission d’un besoin de la part de l’entreprise ;

y dimensionnement d’une équipe de recherche en charge d’approcher des profils répondant au cahier des charges établi conjointement ;

y entretiens physiques avec les candidats : présentation détaillée du poste à pourvoir, de son contexte, des attentes de l’entreprise et évaluation de l’adéquation poste-profil ;

y présentation d’une short-list d’approximativement trois candidats ;

y suivi d’intégration et de satisfaction.

Parmi les stratégies adoptées par certains nouveaux entrants depuis la fin des années 2000, la plus courante est l’envoi de CV anonymes (nom, prénom et coordonnées volontairement masqués) en réponse à un besoin. Si toutefois l’un des CV retient l’attention de l’entreprise et que s’ensuit l’intégration dudit profil, une contrepartie financière, défiant toute concurrence, est naturellement due et arrêtée avant même la rencontre entre les deux parties. Compte tenu de la rapidité du processus enclenché, aucun versement d’arrhes (ou frais de lancement ou acompte) n’est de fait évoqué (a contrario des chasseurs de têtes traditionnels, qui facturent le dimensionnement d’une équipe projet).

Cette approche, proactive et volontaire, bien que dénudée de la dimension «conseil» souvent attendue d’un partenaire en recrutement, a parfois fait ses preuves. Son point fort et différenciant : la rapidité du processus de recrutement, et donc de l’intégration du futur collaborateur.

Avec le temps, certaines statistiques démontrent que le nombre de CV envoyés rapporté à la pertinence de ces derniers est faible et entraîne davantage une perte de temps pour le destinataire. Par ailleurs, dans une telle démarche, aucune exclusivité n’est accordée à un cabinet. Une autre problématique se pose alors : Comment s’y retrouver lorsqu’un même CV, qui plus est intéressant, arrive par le biais de deux prestataires ou encore via une candidature spontanée ?

La monétisation de CV et la chasse de têtes sont deux métiers distincts

Ces pratiques, occasionnellement gagnantes, ont inconsciemment modifié les attentes des DRH ou personnes en charge du recrutement, rendant ces derniers parfois méfiants. Pourquoi payer «avant de voir» ? Pourquoi se voir facturer un montant d’honoraires nettement supérieur? Pourquoi recruter «plus lentement» ? Pourquoi prendre le temps de cadrer un besoin avec un prestataire lorsque son agenda ne le permet pas ?

La facturation, parfois élevée certes, ne relève pas uniquement du papier sur lequel sont imprimés un parcours professionnel et une formation. Le CV et le candidat en personne ne sont que la matérialisation d’une prestation intellectuelle, la finalité d’un travail. De plus, lors de discussions tripartites relatives à une embauche, vitesse et précipitation n’ont pas toujours fait bon ménage. C’est bien la combinaison réactivité – méthode – évaluation qui reste le facteur clé de succès d’un recrutement réussi.

Dans un contexte stratégique ou sensible d’attente d’un rapide retour sur investissement, tout décisionnaire en recrutement recherche un conseil, un appui, un soutien dans sa prise de décision, l’avis d’une tierce personne objective (éventuellement extérieure), etc. notamment lorsque l’on connaît les coûts et le manque à gagner qu’engendre une «erreur de casting» !

En théorie, un consultant en recrutement se doit d’être le conseil de son client en termes de recrutement et en amont de celui-ci, son confident quant à sa stratégie RH le cas échéant, son ambassadeur vis-à-vis du marché de l’emploi, son prescripteur auprès des candidats à convaincre, son porte-parole lors d’une éventuelle négociation salariale…

La monétisation de CV et la chasse de têtes sont donc deux métiers distincts, souvent mélangés lors de séduisants discours. L’un séduit dans une perspective de court-terme. L’autre reste un garant de l’adéquation durable entre un profil et les perspectives du poste au sein du contexte spécifique de chaque entreprise.