Affaires
Afrique : Entretien avec Moncef Ziani Directeur général du Conseil
Les entreprises marocaines manquent de ressources humaines opérationnelles prêtes à s’exporter en Afrique. Le principal risque rencontré dans le continent réside dans le ralentissement ou l’arrêt des projets en raison de troubles politiques.

Jusqu’à quel point le potentiel d’investissement en Afrique pourrait-il être profitable pour le Maroc ?
Le potentiel d’investissement en Afrique est immense. Il englobe de nombreux secteurs d’activité : industrie, agriculture, énergie, infrastructures, habitat, éducation,… Ceci étant, les secteurs porteurs peuvent varier considérablement selon les pays en fonction des besoins et surtout des moyens de financement. Concernant ce dernier facteur, on note déjà que la chute des cours des matières premières a obligé certains pays africains à revoir à la baisse leurs programmes d’investissements publics. Cela dit, le Maroc a toute sa place et de nombreux investisseurs marocains l’ont compris. L’impulsion royale dans ce sens a été un facteur déterminant.
Quels seraient les secteurs porteurs pour les entreprises marocaines ?
Ce sont bien entendu les secteurs où les opérateurs marocains détiennent des atouts comparatifs par rapport à leurs concurrents originaires d’autres pays, car il faut savoir que le marché africain, que tout le monde qualifie de prometteur, est en fait très concurrentiel. Certes, les entreprises européennes sont présentes depuis des années sur le terrain. Mais ces dernières années il y a eu l’entrée en jeu d’opérateurs de pays émergents. Cela sans parler des entreprises locales car on constate que le secteur privé dans certains pays africains, particulièrement en Afrique anglophone, est très dynamique et commence même à s’exporter au niveau de certaines sous-régions.
Le secteur du BTP, où notre société est active au niveau de 15 pays africains, présente de grandes opportunités pour les opérateurs marocains, que ce soit les sociétés d’ingénierie, les entreprises de travaux ou encore les fournisseurs de matériels ou de matériaux. Presque tous les pays africains disposent maintenant de programmes gouvernementaux pluriannuels, particulièrement dans les infrastructures, ce qui donne une visibilité à notre démarche commerciale.
A quels risques ces entreprises sont-elles confrontées ?
Exporter ses services ou ses produits dans des pays tiers n’est jamais sans risques. Cela nécessite de maîtriser en particulier les conditions économiques, administratives et juridiques du secteur que l’on cible. S’agissant des grands projets d’infrastructures (autoroutes, ports, barrages,…) et dont la conception et la réalisation s’étalent sur plusieurs années, le principal risque que nous rencontrons réside dans leur ralentissement, voire leur arrêt, à l’occasion d’évènements politiques qui perturbent le fonctionnement de l’administration locale ou qui rebutent les bailleurs de fonds internationaux.
Est-ce qu’elles disposent, selon vous, des moyens nécessaires pour relever le défi de la concurrence ?
Les projets réalisés au Maroc par les sociétés marocaines, bureaux d’études et entreprises de travaux sont les principaux atouts ou les meilleurs arguments de vente quand elles vont à l’export. C’est pour cela qu’il faut continuer à les soutenir sur le marché national et à améliorer leur cadre d’exercice. Je pense en particulier à la problématique des délais de paiement qui handicape sérieusement le développement des sociétés qui opèrent dans les marchés publics. Pour revenir à l’export, et si encore une fois les sociétés marocaines disposent de belles références, elles manquent de ressources humaines opérationnelles prêtes à s’exporter en Afrique. Le cadre marocain n’est pas toujours facilement mobilisable à l’export et ne perçoit pas tous les avantages pour sa société et pour son parcours personnel.
Par ailleurs et s’agissant du secteur des infrastructures, les opérateurs marocains se trouvent souvent défavorisés ou même exclus par l’origine des financements des grands projets. C’est le cas des financements européens ou chinois. Dans ce contexte, l’engagement récent des banques marocaines dans le financement des infrastructures devra être amplifié. Enfin, l’Afrique verra de plus en plus de grands projets réalisés dans le cadre du partenariat public-privé et ceci nécessite de la part des opérateurs marocains une nouvelle approche multidisciplinaire intégrant banques, sociétés d’ingénierie, entreprises de travaux et gestionnaires.
L’intérêt des entreprises marocaines peut-il s’étendre au delà des pays francophones pour toucher les pays anglophones et lusophones ?
Bien entendu et c’est même une nécessité compte tenu de l’importance des économies de ces pays et parmi lesquels certains disposent de ressources importantes et jouissent d’une stabilité politique. Au niveau de notre société et si, entre les années 2002 et 2012, nous avons opéré exclusivement dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale, notre marché cible a été étendu en 2012 à l’Afrique de l’Est où nous menons actuellement de grands projets, en particulier au Soudan et au Burundi.
