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«L’Etat a misé 10,6 milliards de DH depuis le démarrage du Programme villes sans bidonvilles»
L’investissement global dans le cadre du programme atteint 32 milliards de DH. Les bénéficiaires ont une faible connaissance du Fogarim et du programme d’accompagnement social. Plusieurs problèmes rallongent la durée d’exécution des opérations recasement/relogement.

Quels sont les grands enseignements que l’on peut tirer de l’enquête nationale pour l’évaluation des impacts des programmes de lutte contre l’habitat insalubre sur les conditions de vie des ménages ?
Cette enquête a été réalisée en collaboration avec ONU Femmes en juin 2014. L’échantillon ciblé est constitué de 5 851 ménages bénéficiaires du Programme villes sans bidonvilles (PVSB) lancé depuis 2004. Elle a permis de souligner plusieurs résultats positifs que le programme est appelé à renforcer dans le but de maintenir et pérenniser les acquis. Il a en effet permis une amélioration du raccordement aux services de base d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et une amélioration du bénéfice de service de collecte des ordures ménagères. Les bénéficiaires du programme VSB ont enregistré une baisse notable du taux de pauvreté monétaire d’environ 20 points, passant de 48,7 à 28,3%. Le taux de chômage a également baissé de 4 points, passant de 27,3 à 23,5%. La population était exposée aux maladies conjoncturelles avec un taux de 5,7%, après le bénéfice du programme VSB ce taux a baissé d’environ un point et demi. Pour traiter et guérir ces maladies les familles recouraient aux consultations médicales dans environ 32,5% des cas, après le programme ce taux de consultation a doublé, passant à 64,8%. Le PVSB a aussi permis aux bénéficiaires de devenir propriétaires de leurs logements. Le taux de propriété a atteint 92,5%. Enfin, l’enquête d’évaluation a permis de déceler la faible connaissance du Fogarim et du programme d’accompagnement social, ce qui implique plus d’efforts à mobiliser dans le cadre de mise en œuvre future du programme.
Quelles mesures pourraient justement découler de ces enseignements pour améliorer et affiner les instruments et les modalités d’intervention du programme VSB et des programmes de l’habitat insalubre en général?
Il faut tout d’abord préciser que le PVSB fait l’objet d’évaluations périodiques pour mesurer son efficience et son efficacité. Dans le même sens, des études d’évaluation initiées en particulier dans le cadre de la coopération internationale, et qui avaient pour objectif spécifique l’amélioration de l’opérationnalité du PVSB, ont été réalisées. Les enseignements tirés de l’ensemble de ces évaluations servent à produire une information plausible et des recommandations scientifiques sur lesquelles des réajustements s’opèrent au fur et à mesure qu’on avance dans la réalisation de ce programme. S’agissant de la dernière enquête, ses recommandations appellent surtout à la lutte contre la déscolarisation des enfants, l’accélération de la cadence de généralisation du RAMED, le renforcement de l’implantation des structures éducatives et de santé et surtout les centres de formation professionnelle, la réduction de la durée d’exécution de projets, le développement de programmes intégrant l’éradication de la pauvreté et la lutte contre les inégalités entre les sexes et la mise en place des mécanismes pour favoriser l’accès des femmes à la propriété.
La majorité des bénéficiaires sont insatisfaits de la durée d’exécution de l’opération de recasement/relogement. A quoi sont dus les retards sur le terrain ?
La conduite de ces opérations, principalement dans le cadre du PVSB, se fait dans un cadre contractuel passé entre le ministère et les villes concernées représentées par les autorités et les collectivités locales ainsi que par l’opérateur désigné. Les clés de réussite des opérations dépendent largement de l’adhésion des autorités locales vu leurs prérogatives (transfert des populations, négociation avec les propriétaires fonciers récalcitrants ou non disposés à accepter de céder leurs terrains…). Il est possible de constater dans certains cas un retard dans l’aboutissement de certaines opérations du fait de plusieurs facteurs. Il s’agit du déroulement du transfert des populations et la démolition des baraques car, sur le plan social et humain, le transfert constitue une étape difficile où les habitants sont tenus de quitter la baraque dans laquelle ils ont souvent passé toute une vie et de déménager en embarquant leurs effets personnels. Le retard peut aussi s’expliquer par la situation des ménages confrontés à des difficultés financières, retardant ainsi le délai des travaux relatifs à la valorisation (manque de disponibilité immédiate de financement, aucune estimation préalable faite par les ménages du coût de la construction de leur logement qui se finançait par de petites sommes prélevées sur les dépenses de consommation quotidienne. On peut également mettre en cause certaines défaillances des entreprises au niveau de l’exécution des projets ou encore les difficultés rencontrées en matière de mobilisation et d’apurement du foncier. On peut enfin rattacher cela aux aspects de la maîtrise d’ouvrage sociale dans la conception et la conduite des opérations de résorption spécialement face à une population difficilement bancarisable, rencontrant souvent des difficultés à épargner et donc à accéder à un logement ou à le valoriser (chantiers pouvant durer plusieurs années).
Avec un budget de 32 milliards de DH, le programme VSB ne consomme-t-il pas une trop grande partie des ressources mobilisables contre l’habitat insalubre ?
Dans le cadre des efforts déployés pour la lutte contre l’habitat insalubre sous toutes ses formes, le gouvernement a arrêté une stratégie basée sur le partenariat et la contractualisation avec l’ensemble des parties prenantes et ceci à toutes les phases des programmes. L’objectif étant la mise à niveau des villes à travers la résorption des bidonvilles, la requalification des quartiers sous-équipés et non réglementaires, ainsi que le traitement de l’habitat menaçant ruine. La résorption des bidonvilles est inscrite comme prioritaire à travers la mise en œuvre, dans une vision à moyen terme, du PVSB. Ainsi, ce programme compte essentiellement sur les contributions des ménages des bidonvilles (fonds propres ou/et emprunts), sur la vente des autres produits réalisés éventuellement dans le cadre des projets intégrés et sur les subventions de l’Etat. De ce fait, si l’investissement total est de 32 milliards de DH, la subvention de l’Etat n’est alors que de 10,6 milliards. Il en est de même pour les autres programmes (restructuration des quartiers d’habitat sous-équipé, traitement d’habitat menaçant ruine…), le montage financier est arrêté dans un cadre conventionnel définissant le mode de partenariat et d’intervention pour chaque programme, et en prenant en compte les spécificités de chaque opération et son degré d’urgence.
