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Affaires

Social : le premier rapport d’évaluation du BAJ

Couvrant 14 provinces, le programme BAJ a été lancé en
1996-97 et achevé en 2003.
L’éducation de base, la santé de base et la promotion nationale en constituent les trois volets.
Dans la plupart des cas, les objectifs fixés ont été dépassés, mais le défaut d’intégration des projets a réduit leur portée.

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rub 1274

BAJ : voici un acronyme que l’on a presque oublié et qui revient aujourd’hui avec force, au cœur d’une actualité marquée par la problématique du social et le lancement de l’INDH (initiative nationale pour le développement humain). Le Haut Commissariat au Plan (HCP) vient en effet de recevoir l’étude, réalisée par un cabinet externe et portant sur l’évaluation de l’impact et des réalisations du programme BAJ I (Barnamaj Aoulaouiyat Jtimaiya I – premier programme de priorités sociales).
Constituant la première phase dans la mise en œuvre de la stratégie de développement social élaborée et adoptée par les pouvoirs publics en 1993, le BAJ1 a été lancé en 1996-97 et son exécution s’est étalée sur six ans. Quatorze provinces jugées prioritaires ont été ciblées : Al Haouz, Al Hoceima, Azilal, Chefchaouen, Chichaoua, El Kelaâ des Sraghna, Essaouira, Ouarzazate, Safi, Sidi Kacem, Taroudant, Taza, Tiznit et Zagora.
Le programme se compose de trois projets : éducation de base, santé de base et promotion nationale ; cette dernière composante devant servir d’appui aux deux précédentes. Son coût global est de 266 millions de dollars dont 150 millions proviennent d’un prêt de la Banque mondiale.
S’il faut, d’emblée, résumer en quelques mots les conclusions de cette étude, on dira ceci : le BAJ1 a atteint et même dépassé les objectifs qui lui étaient assignés.
C’est pourquoi, d’aucuns estiment indispensable de capitaliser cette approche en mettant en place le BAJ II, par exemple, moyennant des montages financiers à trouver. L’initiative nationale pour le développement humain (INDH), lancée par le Souverain il y a quelques jours, transcende cette approche et rend la mise en place d’un deuxième BAJ caduque. Toutefois, il serait dommage que les acquis du BAJ1 ne soient pas consolidés et valorisés à travers une démarche intégrée, étant entendu que la satisfaction d’un besoin donne toujours naissance à d’autres besoins, et ainsi de suite. Quoi qu’il en soit, le bilan, en termes quantitatif et qualitatif à la fois, parle de lui-même.
Le taux brut de scolarisation des filles atteint 82,5 %
D’abord, l’éducation de base. L’objectif de départ fixé dans le projet était de réaliser 1 370 salles de classe. A l’achèvement du BAJ1, en 2003, ce sont 2 524 unités scolaires qui ont vu le jour. Il est vrai cependant, comme le notent les rédacteurs du rapport d’évaluation, que le dépassement de presque de moitié de l’objectif fixé, s’explique aussi par le fait qu’en raison «de problèmes de décaissement», le ministère de l’Education nationale a été amené à intégrer dans le BAJ1 son programme normal d’investissement réalisé dans les provinces cibles.
Qualitativement, l’impact de ces réalisations physiques est très positif, et cela apparaît nettement à travers les indicateurs de performance choisis par les experts de la Banque mondiale en collaboration avec les experts nationaux. Il en est ainsi par exemple du taux de participation des filles dans l’enseignement primaire : avant le lancement du BAJ1, la valeur de cet indicateur était de 31% ; en 2000-2001, elle passe à 43,9% alors que le projet tablait sur un taux de participation (valeur cible) de 41,4 %, soit un dépassement de l’objectif de 2,5 points. Plus significatif est le taux brut de scolarisation des filles (nombre de filles inscrites sur le nombre d’enfants âgés de 7 à 12 ans) : de 34,8 % en 1994-95, ce taux est passé à 82,5 % en 2000-2001. Pour les garçons, le taux de scolarisation dépasse les 100 % par rapport à l’objectif retenu qui était de 98,8 %, alors qu’au moment du lancement du projet, ce ratio n’était que de 77,7 %. Et on peut, comme cela, multiplier à loisir les exemples de performances réalisées dans le projet «éducation de base». Une chose est sûre : le rapport d’évaluation indique clairement que l’ensemble des indicateurs concernant l’éducation de base ont évolué à un rythme beaucoup plus important, comparativement aux provinces hors BAJ, et même par rapport à la moyenne nationale.
Le nombre d’établissements sanitaires a crû de 57 %
S’agissant de la santé de base, le programme BAJ1 a permis la réalisation de 252 formations sanitaires (entre création, extension, rénovation, reconstruction – voir encadré). Et cette amélioration quantitative des établissements de soins de santé de base dans les provinces couvertes par le BAJ1 (+ 57 % entre 1995 et 2002) apparaît nettement lorsqu’on la compare aux provinces hors BAJ où le taux d’accroissement des infrastructures sanitaires, sur la même période, n’a été que de 26 % (et 36 % au niveau national). De la même manière, le niveau de l’encadrement médical a, lui aussi, crû très significativement : le nombre de médecins qui exercent en 2002 dans les provinces du BAJ1 s’élève à 1722, contre 826 en 1995, soit + de 100 %. D’où il résulte que le ratio médecin/habitants est passé, sur la même période, de 1 médecin pour 8 600 habitants à 1 médecin pour 4 500 habitants. Bien sûr, il y a l’apport du secteur privé dans cette progression des ratios, mais, précise le rapport d’évaluation du BAJ1, la part des médecins privés dans l’effectif global n’est que de 26,7 % (contre 36,9 % avant le BAJ).
Il serait fastidieux d’énumérer ici toutes les réalisations du BAJ1 en termes de santé de base. Signalons tout de même – puisque ce sont les populations défavorisées qui sont concernées – que ces acquis ont été renforcés par la distribution de médicaments pour un montant de 663 millions de DH, ainsi que par l’appui au programme de planification familiale en encourageant l’utilisation de moyens modernes de contraception.
Les bénéficiaires affichent un sentiment de satisfaction inachevée
Enfin, composante essentielle du BAJ1, puisqu’elle a pour objet d’appuyer les deux précédentes, la promotion nationale, par les actions réalisées (aménagement de pistes, adduction d’eau potable, reboisement, etc.), a concouru, dans une certaine mesure, à l’amélioration des conditions de vie dans les provinces cibles, la création d’emplois et la monétarisation des activités rurales grâce aux revenus distribués. Seule contrainte relevée par les évaluateurs du BAJ1, une part importante du budget de la promotion nationale (36,7 %) est allée aux chantiers dits d’opportunités occasionnelles, alors que le programme n’a prévu qu’une part de 20 % du budget pour ces activités. «Cela est dû à l’incompressibilité de l’effectif employé et à l’augmentation du SMAG [salaire minimum agricole garanti] durant la période d’exécution du BAJ1», explique le rapport.
Cela étant, et en dépit des améliorations notables apportées par le BAJ1 dans les provinces concernées, les populations interviewées, individuellement ou collectivement, par les enquêteurs, tout en réagissant positivement à ce programme, ont affiché un «sentiment de satisfaction inachevée». Et pour cause : face à des besoins nombreux, l’effet des actions menées s’avère «relativement limité». «La construction d’un établissement scolaire sans un effectif d’enseignants suffisant, avec une couverture limitée en manuels, fournitures scolaires et cantines, réduit l’effet du projet. De même, la construction d’un établissement sanitaire sans apport en personnel qualifié et en nombre, sans médicaments, sans ambulance et sans service d’urgence adéquat, limite forcément l’impact du programme», lit-on dans le rapport d’évaluation. Surtout, l’après BAJ1 paraît être l’interrogation principale que posent non seulement les concepteurs et les superviseurs de ce projet, mais également les populations bénéficiaires. Car, construire une école primaire, c’est évidemment une excellente chose et c’est par là qu’il faut de toute façon commencer. Mais c’est encore mieux si l’on peut éviter les déperditions en construisant ce qui est son prolongement naturel, à savoir le collège et, si possible, le lycée. Et ce raisonnement vaut pour tout le reste : santé, infrastructures économiques, etc. Bref, ce qui est maintenant souhaité, c’est de préserver les acquis mais aussi et surtout d’envisager une nécessaire intégration des projets à venir ; et l’INDH pourrait être une opportunité.
Sachant que le développement social, au sens des Nations Unies, est, pour ainsi dire, la plaie saignante du Maroc, ce genre d’actions, pour produire pleinement ses effets, requiert d’être inscrit dans la durée, suivant une dynamique d’ensemble qui tendrait à une mise à niveau sociale, condition nécessaire d’une croissance soutenue et, in fine, du développement du pays. Il n’est jusqu’à la Banque mondiale, naguère citadelle de capitalistes froids et calculateurs, qui n’ait fini par admettre, depuis quelques années maintenant, l’intérêt qu’ont les pays à développer le social. A ceci près que, contrairement au passé, le social désormais doit être pris en charge – passez l’expression ! – non pas socialement mais économiquement .

Dans la cadre du BAJ1, des travaux d’adduction d’eau potable ont été réalisés. 26 chateaux d’eau, 169 citernes, 13 sources, 14 réservoirs,… ont été construits.

Le détail de ce qui a été réalisé en six ans

Au total, 4 199 localités ont bénéficié des actions BAJ1, soit 25 % du nombre total de douars disponibles dans les 14 provinces cibles.

Education de base
– Construction et extension de 2524 salles de classe ;
– Renouvellement de 85 salles de classe ;
– Construction de 794 logements, 261 bureaux, 554 blocs sanitaires et 135 clôtures ;
– Aménagement de 2 191 unités scolaires ;
– Acquisition des fournitures et matériel de bureau ;
– Distribution des manuels et fournitures scolaires à 1 310 306 élèves ;
– Formation de 23 392 instituteurs et 2 895 directeurs d’écoles ;
– Le taux brut de scolarisation est passé de 55 % en 1994/95 à 91,6 % en 2000/2001.

Santé de base
– Construction de 2 centres de santé communaux avec module d’accouchement (CSCA), 72 centres de santé communaux (CSC) et 14 dispensaires ruraux (DR) ;
– Extension de 41 CSCA, 30 CSC et 13 hôpitaux locaux (HL) ;
– Rénovation de 41 CSCA, 15 CSC et 6 DR ;
– Reconstruction de 3 HL, 9 CSCA, 22 CSC et 21 DR ;
– Mise à la disposition du personnel médical et paramédical de 221 logements ;
– Acquisition de 126 ambulances ;
– Seulement 7 provinces ont bénéficié d’un financement Banque mondiale pour le volet génie civil. Les autres ont bénéficié d’un financement BAD.

Promotion nationale
– 419,3 millions de DH ont été délégués aux 14 provinces pour la réalisation des actions d’appui à l’éducation et à la santé ;
– Distribution d’une masse salariale de 189,3 millions de DH ;
– Création de 4 millions de journées de travail ;
– Renforcement et aménagement de 2001 km de pistes ;
– Ouverture de 346 km de pistes ;
– Construction de 144 logements, une salle de soins, 106 blocs sanitaires, 14 bassins, 26 châteaux d’eau, 169 citernes, 13 sources d’eau, 14 réservoirs d’eau, 86 foyers d’étudiants, 8 foyers féminins, 38 kouttabs, 6 maisons de jeunes, 6 salles multifonction, 38 497 mètres linéaires de clôtures, 1800 mètres linéaires de séguias, 2300 ouvrages d’art, creusement et aménagement de 28 puits, reboisement de 14 hectares, adduction d’eau potable, construction de 165 m3 de gabion .

Seules 90 communes ont bénéficié des trois projets à la fois
Pour des raisons souvent objectives (mode de programmation et choix des sites d’implantation des projets), le niveau d’intégration des trois projets BAJ1 est jugé très faible. Ainsi, sur les 4 199 localités touchées par les actions du BAJ1 dans les 14 provinces cibles (soit 25,2 % du total des localités existantes), seulement 90 ont bénéficié de trois projets à la fois (éducation de base, santé de base et promotion nationale). En revanche, les actions isolées sont les plus importantes : la promotion nationale est intervenue dans 519 localités, l’éducation de base dans 2 903 localités et la santé de base dans 178 localités. Il en résulte que les localités ayant bénéficié d’une seule action de l’un des trois projets représentent 85,7 % de l’ensemble des localités bénéficiaires du programme BAJ1.