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Poste principale de Casa : premier lifting à  85 ans

Malgré l’absence de documents historiques, deux architectes ont réalisé, pour Barid Al Maghrib, une excellente restauration de la poste principale de Casablanca.
Un soin particulier a été apporté à la reconstitution des décors (plâtre, zelliges,…).

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En dépassant deux difficultés importantes : carence des documents historiques sur le bâtiment et savoir-faire encore balbutiant en matière de restauration du patrimoine architectural contemporain, les architectes Catherine Baudry et Dalal Faraoui(*) viennent de réaliser pour Barid al Maghrib une excellente restauration de la poste principale de Casablanca.
Conçue par l’architecte Adrien Laforgue et édifiée entre 1918 et 1920, elle fut le premier bâtiment achevé de l’actuelle place Mohammed V. Sur des façades très composées, lisses et claires, l’architecte a associé une grande variété d’ouvertures d’arc en plein cintre à des piliers ou des colonnes, des corbeaux ou des meneaux, souvent combinés à de remarquables panneaux de zelliges. En retrait des façades, sous le porche ou dans la double peau de l’aile gauche, une série de baies rectangulaires composées de trois éléments séparés par des meneaux, le linteau central en est surhaussé.
La façade principale avec porche et loggia avance sur le boulevard Hassan II. De part et d’autre, deux corps convexes assurent la liaison avec les façades latérales, plus hautes. Elles s’ouvrent respectivement sur le boulevard de Paris et une impasse. L’ensemble du bâtiment est couronné d’une avancée recouverte de tuiles vertes. Le porche recouvert de peinture ocre rouge, abrite un exceptionnel panneau de zelliges faits d’entrelacs de motifs géométriques ou floraux. Au centre, deux arcs surbaissés enserrent les portes d’accès. Un léger décalage dans leur positionnement fait comprendre la dissymétrie imperceptible du porche avec l’ensemble du bâtiment.
Après une longue observation, les architectes ont procédé aux relevés des plans, des façades et des ornements pour reconstituer les données afin de retrouver le bâtiment d’origine. Avant soumission, elles ont rencontré toutes les entreprises pour expliquer les techniques particulières de restauration. Ces longs préparatifs furent accompagnés du soutien de monsieur Mohamed Wakrim, directeur général de Barid al Maghrib. Maître d’ouvrage, conscient que la notoriété d’une entreprise publique passe aussi par la qualité des espaces et des bâtiments qui la représentent.

Le dessin original des décors de plâtre a été retrouvé
Le chantier débuta par l’application d’une nouvelle étanchéité et le changement des tuiles détériorées, un moule fut conçu pour en refaçonner à l’identique. Parallèlement à l’avancée du gros œuvre, nettoyage de la pierre, décapage des fers forgés, ponçage et restauration des marbres…, des tests et des recherches étaient menés sur différents matériaux. Les uns portaient sur la compatibilité entre supports anciens et nouveaux revêtements, les autres sur l’obtention des émaux.
Le dessin original des décors de plâtre qui ornent les corbeaux de la façade latérale gauche, put être retrouvé au niveau des terrasses. Par chance, des parties non visibles n’avaient pas été touchées. «C’était extraordinaire de voir qu’après tant d’années le plâtre avait si bien résisté, les motifs étaient quasi intacts, cela démontre que les bâtiments résistent si les travaux sont faits dans les règles de l’art» expose Dalal Faraoui. Pour les zelliges, l’enquête fut plus longue et il est difficile d’imaginer le temps passé à retrouver un mètre de frise. Des artisans sont venus de Fès pour accomplir ce travail. Le mâalem a repris les pièces, une à une, les a redessinées sur place lorsque le motif était altéré, a enlevé celles qui étaient détériorées ou qui, à cause d’une restauration précédente, présentaient des différences de teintes avec les émaux d’origine. Un long travail d’échantillonnage pour retrouver la brillance ou la matité des nuances.
Cette démarche rigoureuse fut appliquée à la recherche de revêtements compatibles avec les enduits anciens. Un premier essai fut refusé, la peinture n’accrochait pas sur les supports au plâtre, et n’était pas conforme à la qualité souhaitée. L’architecte confirme : «Il suffit qu’un enduit ne soit pas homogène, ne serait-ce qu’à 10%, pour que cela devienne une véritable catastrophe à la lumière. Pour la façade qui donne sur l’impasse, c’est souvent que nous avons pris du recul sur l’avenue Hassan II pour montrer à l’entreprise la qualité ou non des enduits. Même pour cette façade, qui n’est pas la principale, mais qui est urbaine, visible depuis le haut de l’avenue, nous avons exigé des enduits parfaits».
Des spots, encastrés au sol ou discrètement positionnés, assurent une mise en lumière de l’édifice. Pour découvrir tous les détails de ce bâtiment cher au cœur des Casablancais, un simple geste suffit : lever les yeux en glissant une enveloppe dans la boîte à lettres, une simple fente dans une plaque de marbre blanc, surmontée des inscriptions Maroc, Casablanca, Etranger.

Fiche technique

– Maître d’ouvrage : Barid al Maghrib.
– Maîtres d’œuvre : Catherine Baudry et Dalal Faraoui, architectes.
– Entreprises :
– SCEZ : gros œuvre et second œuvre, marché à lot unique.
– Astral : enduits.
– Luisance : éclairage extérieur.
– Haj Abdellatif Chahid, Fès : zelliges.
CAP.Protect : protection des surfaces après ravalement.
Budget : 1, 5 millions de dirhams.